« Qu'avait-il vu ce garçon ?
Et pourquoi ne voyait-il pas la même personne que Benoit ?
Qui était cette fille ? Etait-ce moi ? Une autre moi ?
Ce visage ne pouvait pas m'appartenir. Il était trop différent de la petite fille que j'avais été. La fille que j'avais vue avait la peau plus sombre que la mienne. Ses cheveux étaient trop différents des miens, ses yeux en amande... Ce visage ne pouvait pas être réel.
Une angoisse morbide m'envahie quand la pensée que je refoulais en moi depuis quelques temps déjà m'apparut soudainement, éclatante, froide et tranchante comme une lame de couteau plantée dans mon cerveau.
Si ce visage n'est pas réel, alors l'autre fille n'existe pas. »
Elle repensa aux moments passés avec Benoit. Elle en était venue à croire qu'il possédait un don unique qui annulait la malédiction qui pesait sur elle, tel le prince charmant qui, d'un baiser, change la grenouille en princesse. Elle réalisa brutalement que c'est elle qui exerçait un charme sur Benoit, qu'elle était responsable de ses visions, et que d'autres personnes pouvaient y être soumises.
Dans le conte de fée qu'elle s'était inventée, elle n'était désormais plus la princesse, mais l'épouvantable et maléfique sorcière.
Elle avait le sentiment d'être revenue à la case départ, en pire. La personne qu'elle voyait dans le miroir avec Benoit lui semblait de moins en moins réelle. Elle repensa à ces visions qu'elle croyait avoir imaginé, ces images d'elle déformée, où elle ne se reconnaissait plus. Elle en était sûre maintenant. C'était l'influence du regard de Benoit qui provoquait cela. C'était comme s'il projetait sur elle ses humeurs, ces colères, ses fantasmes...
Elle ne se connaissait plus, ne savait plus qui elle était. N'était-elle qu'un vase, un réceptacle des projections émotionnelles des autres ? Existait-elle encore réellement ?
Et Benoit ? Qui avait-il connu ? Qui avait-il étreint et peut-être aimer ?
Pas elle.
Peut-être personne ou bien lui-même. Elle ne savait plus.
Et tous les autres, comme ce garçon, qui l'abordaient sans cesse à présent, ou bien la convoitaient de loin, que voyaient-ils, eux ? D'autres femmes encore ?
Elle se sentait sale, comme violée, volée à elle-même.
Elle s'endormit, tard, la tête dans l'oreiller, après avoir brisé tous ses miroirs.
Demain, elle partirait et ne reviendrait pas.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
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La Femme Sans Visage
ParanormalDebout dans sa salle de bain, face au miroir, elle ne voyait qu'un visage flou. Immobile et en pleine lumière, ses traits lui échappaient encore. Ses yeux n'étaient que deux lueurs blanches et brumeuses au milieu d'une figure rose pâle sans contour...