« La réponse vint vers le mois de mai, tombant comme un couperet. Une sentence qui mettait fin à mes nouveaux espoirs. Elle éclaira d'un coup mes soupçons, longuement nourris et refoulés le plus loin possible dans mon subconscient.
Il était l'un de ces garçons qui cherchaient à s'immiscer entre Benoit et moi. Le parfait mâle alpha, sûr de lui, arrogant et très beau.
Il me dégoutait.
Il avait profité d'une absence de Benoit pour tenter une approche, maladroite et grossière, une parmi tant d'autres. Comme toujours, j'étais glaciale, ne lui adressant pas un regard.
J'avais posé mon sac sur une tablette fixée au mur, pour chercher quelque chose. Nous étions dans le hall de la faculté et il profitait de mon immobilité temporaire pour venir s'accouder à quelques centimètres de moi, le torse en avant, son bassin presque contre le mien.
Je ne me souviens plus des phrases exactes qu'il prononçait. Elles n'avaient aucune consistance. Mais je finis par relever la tête, excédé par l'une de ses remarques misogynes, qu'il avait proférée tel un subtil trait d'esprit, de ceux qui font dire aux hommes comme lui que les femmes manquent d'humour.
C'est là que je le vis, ce visage inconnu.
Je restais stupéfaite et muette, face à ce miroir fixé au-dessus de la tablette, et que je n'avais pas encore remarqué.
Face à moi, une fille que je n'avais jamais vu, les yeux noirs, les lèvres charnues, le teint mat, de longs cheveux bruns et bouclés... et lui qui la regardait, un sourire mauvais au coin des lèvres.
Je ne comprenais pas. Je ne voulais pas comprendre.
C'était comme si j'étais projeté dans le corps de quelqu'un d'autre. J'étais dans ce regard noir, prisonnière, comme en cage. J'aurais voulu hurler, mais je n'en avais pas la force.
Il s'aperçut de mon trouble.
« J'te fais de l'effet, hein ? »
Je le regardai quelques instants, comme s'il appartenait à la même vision que celle de ce visage de femme, aussi irréel que présent.
Je partis sans un mot. Décontenancé, il ne chercha pas à me suivre.
J'errais dans la rue, sans arriver à pleurer.
Je me stoppai devant le miroir sans tain d'une boutique, et mes larmes coulèrent sur ce grand flou, ce grand vide qui emplissait de nouveau l'endroit de mon visage. »
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La Femme Sans Visage
ParanormalDebout dans sa salle de bain, face au miroir, elle ne voyait qu'un visage flou. Immobile et en pleine lumière, ses traits lui échappaient encore. Ses yeux n'étaient que deux lueurs blanches et brumeuses au milieu d'une figure rose pâle sans contour...