Chapitre 7 : Jack

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— Merci beaucoup, marmottai-je.

— Qu'est-ce que tu racontes  ? m'apostropha une voix pâteuse.

Je sursautai et me redressai prestement. Sven, étendu à côté de moi, me regardait amusé. Il avait quelques brins de paille dans ses cheveux ébouriffés et ses yeux étaient légèrement gonflés. Il se redressa et s'étira autant que notre petit espace le lui permettait. La lumière du jour filtrait à travers la paille qui dissimulait l'ouverture de notre refuge. Les évènements des deux derniers jours me revinrent en mémoire et mes muscles se contractèrent. Ce n'était qu'un rêve. Je me frottai les yeux et commençai à regretter amèrement de m'être éveillée. Céleste... Catherine... Marguerite... Les larmes emplirent mes yeux. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas fait un rêve aussi heureux. Les visages encore bercés d'innocence de mes trois amies s'imposèrent à moi. J'avais presque effacé ces images de ma tête tant elles étaient devenues douloureuses. Ma meilleure amie et nos fidèles dames de compagnie que nous connaissions depuis le berceau... Nous formions une belle équipe qui s'était brisée à la mort de Céleste. Je n'avais plus jamais revu Marguerite qui avait sans doute dû être employée dans une riche famille de Paxe et je m'étais extrêmement rapprochée de Catherine... Catherine. Mes larmes menacèrent à nouveau de jaillir de mes yeux. Je tentai vainement de les ravaler. Sven m'interrogea du regard.

— J'ai rêvé de mes amies... Elles me manquent.

Il ne répondit rien et se contenta de poser une main réconfortante sur ma jambe.

— Je comprends parfaitement ce que tu peux ressentir.

Je relevai la tête et le regardai. Ses yeux étaient tristes.

— J'ai perdu beaucoup de frères d'armes ces dernières années et j'ai dû apprendre à gérer le manque et le pire est arrivé...

— Comment ça  ?

Je vis sa pomme d'Adam monter et redescendre rapidement. La main qu'il avait posée sur ma cuisse se crispa.

— Tu le sais bien, cracha-t-il en changeant totalement d'attitude à mon égard.

— Quoi  ? Sven, je ne comprends pas du tout de quoi tu parles.

Ses yeux cherchèrent à se plonger dans les miens comme pour sonder mon regard et ma sincérité.

— Mon père a été assassiné il y a quelques mois par le royaume d'Esperanza...

Sa voix se brisa tandis que je m'étranglai. Mon sang frappait violemment contre mes tempes. Je n'étais pas au courant. Je tentai de fouiller dans mes souvenirs. Comment une telle information avait-elle pu m'échapper ? Elle ne m'avait pas échappé... Notre royaume ignorait simplement cette information capitale. Si nous l'avions su, nous aurions fait signer le traité de paix. Je m'éclaircis la voix et pris le ton le plus doux que je pus.

— Écoute Sven... Nous n'avons jamais assassiné ton père. Je suis sincèrement désolée, mais tout cela ressemble fortement à une machination. Mes parents ignorent jusqu'à la perte du roi d'Albion. Mon père a même parlé de lui comme s'il vivait toujours au dernier conseil des ministres auquel j'ai assisté.

Tandis que je parlais, les yeux de Sven s'animèrent. Il porta ses deux mains à son visage et se massa le front.

— Qu'est ce que c'est que cette histoire  ?

J'étais profondément terrifiée par la tournure que prenaient les évènements, nous étions face à quelque chose que nous ne comprenions pas encore, mais dont nous étions les seuls informés. Notre union était un réel danger pour ceux qui avaient fomenté ce stratagème incompréhensible. Plus je réfléchissais, plus ma gorge devenait sèche. Notre alliance pouvait mener à l'éclaircissement de cette sombre histoire. Nous devions être activement recherchés et je savais pertinemment que dès qu'ils nous retrouveraient, ils n'allaient pas s'amuser à jouer la comédie comme l'autre nuit. Ces traitres nous tueraient simplement avant que nos informations ne filtrent dans nos royaumes respectifs. Sven sembla tirer les mêmes conclusions que moi, car il articula d'une voix blanche.

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