Chapitre 12 : La revenante

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— Qui êtes-vous  ?

— Pose ça tout de suite, gronda la voix de Sven.

Je me figeai devant la porte entrebâillée de la chambre. Une voix féminine venait de s'en échapper et elle ne m'était pas inconnue. Je poussai doucement la porte. Une jeune femme blonde me tournait le dos et pointait un canif dans la direction de Sven, mon sang ne fit qu'un tour. Que se passait-il ici  ? Les épaules de l'assaillante tremblaient légèrement, elle portait une robe de coton grise et un vieux tablier blanc comme les filles que j'avais tantôt croisées au lavoir. Je me glissai doucement dans la pièce et refermai la porte derrière moi. Sans remarquer ma présence, la jeune fille poursuivit son discours.

— Je n'ai pas vu ce journal depuis des années. Où l'avez-vous trouvé  ? cracha-t-elle d'une voix chevrotante.

Accompagnant sa parole de gestes, elle désigna le sol. Là gisait le journal de Céleste. Je ne pus m'empêcher de faire un pas en direction du précieux ouvrage ce qui me trahit inévitablement. La fille se retourna brusquement tandis que Sven levait le regard vers moi. Je reculai d'un pas face à l'arme pointée vers moi. La jeune femme était beaucoup plus près de mon ventre que de Sven qui était à l'autre bout de la pièce. Je n'arrivai pas à détacher mes yeux du canif pointé dans ma direction. La main qui le tenait tremblait autant que moi. Mon regard remonta le bras qui lui appartenait et je levai enfin la tête. Un regard bleu foncé écarquillé accueillit le mien. Le couteau tomba au sol bruyamment. Je sentis mes jambes lâcher brusquement et je me retrouvai à genou devant elle. Les larmes jaillirent de ses yeux et coulèrent contre ses joues criblées de taches de rousseur. Elle s'agenouilla devant moi et attrapa mes mains doucement. Certes, ses joues creuses et ses cernes ne ressemblaient pas du tout à ce que j'avais toujours connu, mais c'était elle.

— Mon Dieu, murmurai-je, Marguerite...

— Oh ! Auline  ! Je n'arrive pas à le croire.

Nous tombâmes dans les bras l'une de l'autre. Je la serrai de toutes mes forces contre moi et me promis de la sortir de cet enfer. Sa présence fit remonter en moi les souvenirs de Céleste et de Catherine et les larmes ne purent plus être contenues. Je laissai la fillette que j'avais été revenir peu à peu dans cette petite chambre contre mon seul souvenir d'enfance encore en vie.

J'entendis du bruit à côté de nous

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J'entendis du bruit à côté de nous. Sven ramassa précautionneusement le journal de Céleste et le posa sur la table. Marguerite se détacha de moi et me sourit.

— Je n'aurais jamais cru qu'on se retrouverait un jour... toutes les deux... ici. C'est insensé...

— Je n'y crois pas non plus.

Nous nous levâmes et Marguerite se tourna vers Sven qui ne disait rien. Elle joignit ses mains en signe de pardon et s'avança vers lui.

— Écoutez, je suis réellement désolée de mon comportement envers vous... Vous ne vous appelez pas Sylvain, je suppose ?

Sven sourit et attrapa la main de Marguerite.

— Sven d'Albion, héritier de la couronne du troisième royaume.

Les joues de Marguerite s'empourprèrent et elle s'inclina devant Sven.

— Je suis profondément désolée, Votre Altesse. Je suis Marguerite de Paxe, dame de compagnie à la cour de notre défunte princesse Céleste.

Je la relevai.

— C'est surtout une de mes meilleures amies. Assieds-toi Marguerite. Nous devons parler.

Mon amie fronça les sourcils et hocha la tête. Je vis dans ses yeux que la candeur de notre enfance avait disparu.

— Je suis réellement enchantée de te rencontrer Marguerite, nous allons nous tutoyer si tu le veux bien.

Marguerite adressa un regard entendu à Sven.

— Qu'est-ce que vous faites ensemble tous les deux  ?

— Nous avons été enlevés et enfermés ensemble par l'armée de Paxe sans qu'ils se doutent de notre identité. Ils ne se sont rendu compte de leur erreur qu'une fois que nous avons fait connaissance en prison...

— Et compris que nos royaumes n'étaient pas réellement ennemis, termina Sven.

— Et que Paxe avait un rôle majeur dans cette guerre, poursuivit Marguerite. C'est là-bas que vous l'avez trouvé  ? demanda-t-elle en désignant le journal.

— Oui, dans le puits aux vœux, expliquai-je.

— Bon, commença Marguerite, en découvrant ce journal dans vos affaires... j'ai pensé que vous étiez des sortes d'espions qui venaient tous nous arrêter. Ce journal mentionne l'existence de ce lieu...

Elle se tut et déplia ses doigts contractés, elle serrait de toutes ses forces une page du journal qu'elle avait dû arracher, surement la page où elle parlait de la vallée suspendue et de son emplacement.

— J'ai ressenti une sensation détestable, le souvenir de Céleste est tellement précieux et douloureux pour moi... J'ai eu le sentiment que sa mémoire avait été violée.

— Je comprends totalement ce que tu veux dire... J'ai eu la même sensation lorsque je me suis rendu compte que nous l'avions perdu, répondis-je.

Sven récupéra la feuille froissée et la déplia. Il me la tendit et je vis qu'elle représentait un dessin de la vallée... Je déchirais la feuille en minuscules morceaux qui se répartirent dans la pièce. Cet indice sur leur cachette n'existait plus désormais.

— Et puis, continua Marguerite, je suis persuadée que ce journal est la preuve que l'enfant au palais n'est en aucuns cas celui de Céleste.

Sven et moi échangeâmes un regard inquiet. Je me remémorai le visage de la petite Iris à travers les barreaux. L'ancien four des cuisines. Le puits, revenez... Faites-le pour ma maman. Sa voix résonnait encore en moi. Si Céleste n'était pas sa mère, Iris en semblait pourtant persuadée et elle était de notre côté...

— J'ai rencontré Iris... Elle ressemble vraiment à Céleste, dis-je doucement à l'attention de Marguerite. C'est elle qui m'a aidé à m'enfuir et qui nous a conduits au journal.

– Tu es sure ? me demanda Marguerite. La rumeur dit que les mois que Céleste a passés à l'étranger étaient un prétexte pour cacher une grossesse. Mais elle m'en aurait parlé. Or, elle ne l'a jamais fait.

Assis près de la table, Sven posa sa main sur le journal.

— Les filles, il me semble que la réponse se trouve là-dedans. Si Iris n'est pas la fille de Céleste alors elle n'est pas l'héritière de Paxe et notre mission sera plus facile.

Je pensais enfin à quelque chose qui ne m'avait jamais traversé l'esprit jusque là.

— Si ce n'est pas Iris, c'est moi...

— Pardon ?

Je me tournai vers Sven.

— Céleste et moi étions liées par un contrat entre nos royaumes. Si je meurs sans héritier, elle hérite de ma couronne, si elle n'en a aucun, je deviens reine de Paxe...

— Oh, mon Dieu... Auline, tu as raison. Je n'y avais jamais pensé...

Marguerite s'était dressée sur ses jambes. Elle attrapa le journal et l'ouvrit à la volée.

— Auline... Sven... Il est temps d'éclaircir tout ça. 

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