Chapitre 1 FLO

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— Flo, la voiture de Madame Durand s'en est ou ?

— J'ai presque fini patron, dis-je d'une voix étouffée.

Je visse un dernier boulon et tire sur mes bras pour m'extraire de dessous le véhicule. Le bruit des roulettes résonne dans l'atelier silencieux. Jean me tend la main afin de m'aider à me lever de mon chariot. J'attrape un chiffon plus ou moins propre et tente de retirer le plus gros du noir étalé sur mes mains que je regarde avec désespoir. C'est un boulot salissant c'est sur mais c'est ce que j'aime faire.

Le plaisir d'entendre un moteur démarrer au premier coup de clef quand la voiture est arrivée parfois dans un état lamentable, en soi c'est valorisant.

Jean me regarde en coin attendant mon verdict. Je me frotte le côté du nez en réfléchissant et y laisse une large traînée noire. Saleté de chiffon, il va vraiment falloir que je fasse le tri là-dedans.

— J'ai encore resserré son pot mais il va vraiment falloir qu'elle pense a le changer, il va finir par tomber.

— Oui ba tu sais comment elle est, on va attendre qu'il tombe, après tout on l'aura prévenu.

J'acquiesce puis commence a ranger mes outils, c'est vendredi aujourd'hui et le début d'un week-end qui est déjà bien chargé. Ce soir rendez-vous avec la bande au bar habituel, ce qui va sûrement se finir en boite et demain grasse matinée jusqu'à pas d'heure, hum ! Je ferme les yeux avec délectation. Rien que d'y pensé, je sens des frissons me faire monter les poils sur les bras. Quand je les rouvre, je m'aperçois que Jean n'a pas bouger d'un centimètre. Toujours devant la voiture de Madame Durand, le regard dans le vide, son éternel béret sur la tête, il mordille sa pipe éteinte. J'aime bien le comparer a Sherlock Holmes quand il fait ça mais en plus vieux bien sûr, on dirait qu'il essaie de résoudre une énigme. Je m'approche doucement, je l'aime trop pour lui faire avoir une crise cardiaque maintenant, sans lui je n'en serais pas la et je lui dois tout. Plus qu'un patron, j'ai aussi trouvé une famille. Je lui mets un léger coup de coude dans le bras pour le sortir de sa torpeur.

— Hé !Tu crois que cette voiture va te rendre tes clins d'œil ?

Il éclate de rire.

— Non mais c'est beau de rêver pas vrai ? Bon allez la journée est terminé, finis de ranger et va  te nettoyer et surtout oublie pas ton nez.

Jean rit de plus belle me voyant perplexe en train de loucher essayant de constater les dégâts. Va vraiment falloir que je cesse ce toc stupide de me frotter le nez dès que je réfléchis, il y va de mon image de marque.

Je finis de ranger mes outils, passe un coup de balais puis enlève ma cote de travail pour la suspendre au vestiaire. Je frotte mes mains avec le savon spécial puis sort la voiture de Madame Durand qui pétarade au premier coup de clef pour la mettre dans la cour. Je ferme les grandes portes de l'atelier et je me dirige vers une plus petite juste a coté.

J'habite juste au-dessus du garage. Heureusement d'ailleurs car je ne sais pas si c'est moi ou le réveil qui ne sonne pas mais Jean est souvent obligé de venir tambouriner a ma porte pour que je sois a peu près a l'heure, on va mettre ça sur le compte du réveil beaucoup me comprendront.

Voilà quatre ans que ma vie est bercée par les coups a ma porte le matin,mon travail que j'adore, les courses de voitures et les filles... de temps en temps.

Jean a monté son affaire avec sa femme Annie qui s'occupe du bureau, paperasse et tout. Il n'a jamais mis les mains dans un moteur mais pour ce qui est de reconnaître une panne, pour lui c'est un jeu d'enfant. Son mécano de l'époque a suivi sa femme mutée dans le sud, ma rencontre avec Jean a été une opportunité pour moi qui galérais un peu... bon beaucoup même, javais du mal avec l'autorité. Mais Jean c'est pas un patron comme les autres, il observe, il écoute, il me laisse faire mon truc et ça marche super bien entre nous.

Sur la voie de la réussiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant