Sur la voie de la réussite

Chapitre 9 Flo

Je regarde Emily s'éloigner un pincement au cœur et je me remets au travail.

Je suis soulagée. Elle a mis deux bonnes heures pour faire l'aller-retour et je me dis que pour moi la journée aurait vraiment été difficile. Mais là, je me sens...égoïste. Je ne pense qu'à moi et je ne me reconnais pas. Je n'ai rien contre Emily bien au contraire et je m'en veux un peu de la traiter ainsi. A chaque fois que je la vois, je ne suis pas sympa avec elle, mais ça, je le fais volontairement. Je ne veux montrer aucun sentiment et il n'y a qu'en réagissant comme ça que j'y arrive.

En fin de matinée, un client vient chercher sa voiture, je viens juste de la finir. Je lui tends ses clefs puis au moment où je l'invite à rejoindre le bureau pour la facture, un autre véhicule pénètre dans la cour. Une femme en descend, elle croise le client en se dirigeant vers l'atelier.

Je la regarde s'approcher, mon cœur bat la chamade. Je la reconnais, c'est la jeune femme au chemisier blanc que j'ai vu le week-end dernier dans la file d'attente avant de rentrer en boite. Je me souviens du trouble ressentit en croisant son regard.

Elle s'avance d'un pas léger, comme si elle survolait le bitume qui recouvre la cour du garage.

— Bonjour, dit la nouvelle arrivante.

Je bafouille un bonjour incompréhensible mais me reprend très rapidement.

— Que puis-je faire pour vous ?

— Mon moteur fait un drôle de bruit par moment, on m'a parlé de vous et on m'a dit que vous étiez le meilleur garage du coin.

— Merci, dis-je flattée en souriant, je vais regarder ce qu'elle a.

La jeune femme me guide jusque son véhicule.

L'autre client sort du bureau l'air satisfait et part.

Je reste en extase devant la voiture. La peinture noire ainsi que les jantes aluminiums brillent sous les rayons du soleil. Les vitres teintées empêchent toute vue de l'extérieur, ce qui n'est pas plus mal pour certain véhicule. La cliente ouvre la portière et s'assoit sur un siège baquet en cuir blanc. Je suis émerveillée. Cette voiture est très bien entretenue. La jeune femme tire sur le levier qui permet l'ouverture du capot. Je n'ose même pas y toucher de peur de le salir. Je frotte mes mains contre ma cote et l'ouvre.

La propreté du moteur me saute aux yeux. Si tout le monde prenait soin de sa voiture comme cette jeune femme, j'aurais peut-être moins de travail. Je me penche pour regarder. Tout semble parfait, la propriétaire s'approche de moi les mains dans les poches arrière de son jeans.

— Alors ?demande-t-elle.

— Je ne vois rien de spécial, vous pourriez mettre le moteur en route s'il vous plaît.

La jeune femme s'exécute. Je reste quelques instants à écouter le ronronnement parfait du moteur. Mais quand quelques minutes plus tard le ventilateur du radiateur se met en route je comprends tout de suite. Une pale tordue frotte en faisant un bruit assez désagréable.

— Vous pouvez éteindre, je sais ce qu'elle a.

La jeune femme expire de soulagement en mettant sa main sur son cœur, je souris.

— C'est grave ? demande-t-elle.

— Non pas du tout, mais il faut changer le ventilateur rapidement avant qu'il ne fasse des dégâts.

— Vous pouvez me faire ça quand ?

— Je devrais avoir un peu de temps demain, si vous voulez la laisser là ce soir.

— Bien sûr, j'ai une amie qui n'habite pas loin, elle va me ramener chez moi, déjà je sais ce qu'elle a et ça me soulage.

Je referme le capot avec délicatesse. La jeune femme s'approche de moi d'un peu trop près a mon goût car je suis presque obligée de faire un pas en arrière.

— On ne s'est pas déjà vu quelque part ? demande-t-elle en levant un sourcil.

Je fais mine de réfléchir pour ne pas réveiller ces soupçons.

— Je ne crois pas, je pense que je m'en souviendrais, dis-je en lui souriant.

La jeune cliente me rend mon sourire et me tend ses clefs.

— A demain alors, dit-elle en reculant d'un pas.

Elle m'envoie un clin d'œil, fait demi-tour et part.

Je jette un coup d'œil vers le bureau et m'aperçois qu'Emily est devant la machine à café à me regarder. Elle jette son gobelet et retourne à ses occupations. Je reste perplexe. Je griffonne sur mon petit calepin la pièce à commander et retourne dans mon atelier des pensées plein la tête.

                                                                                  ***

Le lendemain, dans le courant de l'après-midi, la cliente a la voiture noire revient récupérer son véhicule. Sourire aux lèvres, elle s'avance vers moi toujours de son pas léger.

— Bonjour.

— Bonjour, vous avez terminé ma voiture ? demande la jeune femme toujours avec les mains dans les poches arrière de son jeans.

— Bien sûr.

— Tant mieux, je vous dois combien ?

— Le règlement se fait au bureau, mais je vais vous y emmener.

Je précède la jeune femme et l'emmène jusque devant Emily qui a l'air d'être étonner de me voir accompagner une cliente. D'habitude, je leur donne une fiche qu'ils viennent présenter au bureau pour qu'elle puisse dresser la facture.

— Voilà, dis-je a la cliente. Emily va s'occuper de vous.

— Attendez, crie la jeune femme en me courant après. Je ne vous ai pas remercié.

— Ce n'est pas nécessaire, c'est mon travail.

— Ba moi je veux le faire et pour ça je souhaite vous invitez à boire un verre.

Je tombe des nus, je ne m'attendais pas à ça. Je me souviens encore de l'ouragan que ce regard avait causé dans mon cerveau, mais mon cœur lui, même s'il a été bouleversé la première fois, aujourd'hui ne l'est plus. Puis je pense à Emily qui n'est qu'à deux pas et qui doit forcément tout entendre. Je lui souris.

— Je vais être très prise ces prochains jours, mais ça peut se faire.

Ma réponse me surprend, je ne sais pas dire non et je m'en veux sur le moment. Mon interlocutrice est visiblement ravie.

— Dans ce cas, je vous laisse mon numéro et vous m'appelez dès que vous avez cinq minutes.

La jeune femme sort une carte de la poche intérieure de sa veste et me la tend. Je la prends sans même la regarder et la range dans la poche de ma cote.

— OK, alors à bientôt.

— A bientôt.

Je sors, suivit du regard de la jeune femme qui ne me quitte pas des yeux.