On s'est perdu

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Elle en a redemandé encore et encore jusqu'à que je lui stipule que je ne suis pas inépuisable. Pour la première fois l'acte n'a pas été que domination. Bien sûr j'étais celui qui se faisait dominer. Cette fois-ci j'avais une emprise sur son plaisir. Cette fois-ci, elle me susurrait des petits surnoms affectueux. Ses gémissements n'ont pas été pénibles et exagérés. Ils ont été discrets presque sexy. À sa demande, je lui ai fait l'amour. J'ai pris soin d'elle comme si elle était la femme que j'aime. Comme j'aurais fait l'amour à Samira. J'ai fait l'amour à la femme qui m'a initié à la pratique de gigolo. J'ai embrassé ses lèvres, son corps comme si je l'aimais. Après l'acte, elle est venue déposer sa tête sur mon torse et a souhaité que mes bras l'entourent. Elle s'est endormie dans cette position. Je me suis ensuite endormie en imaginant à sa place la femme de mes rêves.

La femme dont j'ignore si je pourrais, un jour, la posséder.

Au réveil de Séréna, elle m'a embrassé et le torse et les lèvres. Je suis toujours surpris par cet élan d'affection dont elle fait preuve à mon égard. Elle s'est levée pour rejoindre la salle d'eau. J'en ai profité pour me relever et m'asseoir sur le bord du lit, ma tête entre mes mains. Des questions percutent les coins de ma tête : l'attitude de Séréna, la survie de Samira et le mystère que représente Samira. Plongé dans ma bulle, je ne sens pas la diablesse s'installer derrière moi, juste ses bras qui m'entourent le torse et sa tête qui se pose sur mon omoplate. Le silence règne mais ma partenaire le rompt :

« Tu sais, j'ai toujours voulu être la première, peu importe le domaine. Et je l'ai été pendant des années jusqu'à il y a cinq ans de cela. Mon domaine de prédilection a été assiéger. Je ne parle pas des hommes. Non, je parle des affaires, le business. J'étais une véritable tigresse. J'étais respectée, ma place, je l'avais durement gagné. Mais un homme et son acolyte ont essayé d'empiéter sur mon terrain. Leur business prenait plus d'ampleur. Je leur ai envoyé des menaces. J'ai tout fait pour les faire reculer mais rien y faisait. J'ai alors engagé un tueur à gage qui s'est occupée de l'homme. Alors que je croyais que cela s'arrêterait là, son acolyte est revenu à la charge. C'était une enfant, une gamine, que je croyais bon à rien, cependant elle m'a montré qu'elle était plus maligne. Elle m'a donc tout pris, la place que j'occupais en tant que femme d'affaires, l'admiration des autres. Elle m'a tout pris et a fait mieux que moi et les autres. Elle nous a dépassé. Elle reprit les rennes du monde des affaires. Le monde la vénérait. Le monde tremblait devant elle. On a tout essayé pour la renverser mais elle avait toujours un coup d'avance sur nous. On a essayé de la détruire de l'intérieur en enquêtant sur son passé mais on aurait dit qu'avant que cet homme la prenne, elle n'existait pas. On a voulu tenter autre chose telle que l'alliance, mais n'étant pas dupe, elle nous a balayé. On a donc arrêté d'évoluer. Nos entreprises stagnaient tandis que la sienne prospérait, a vue d'œil. Difficile de la piéger si elle ne faisait confiance à personne. Et si tous ceux qui sont sous son commandement ont peur d'elle. Elle m'avait presque pris le seul homme que j'aime : toi. On s'est mis à espérer un miracle et le voici donc ce miracle : Samira Da Silva entre la vie et la mort mon amour, sans qu'on ait eu à bouger aucun doigt, juste à attendre que le ciel nous entende enfin. »

Je reste abasourdi par les aveux de Séréna. Je ne pensais pas que Samira était une telle rivale. Je n'imaginais pas La diablesse capable d'avoir des sentiments et encore moins des sentiments amoureux. Séréna était une meurtrière. Séréna... m'aime. Je ne peux en entendre plus. Je me lève, attrape mes habits et quitte les lieux. J'ignore où je vais, il faut juste que je parte, que je m'éloigne.

Je conduis. Je suis trop submergé par mes émotions et les événements pour faire attention au paysage qui défile et l'endroit où je me trouve. Au bout d'un certain temps je décide de m'arrêter. J'examine où je suis. Je suis garé à l'orée d'un bois. Je recule mon siège et l'abaisse. Je m'étends et pose mon avant-bras sur mes yeux fermés. Je pense à cette époque où ma tête était pleine de rêves. Je voulais vivre de mon art. Je voulais explorer le monde. Je voulais découvrir les secrets que renferme le monde. Je voulais communiquer avec les gens à travers mes tableaux. Je voulais exposer mon opinion avec mes couleurs, des formes et des gestes plus ou moins maîtriser. J'ai été naïf de croire que tout cela serait possible. Tout cela est impossible lorsque l'on ne vient pas d'un milieu aisé. Nos origines définissent dans la majeure partie des cas nos destins.

Aujourd'hui mon seul rêve est de posséder une femme qui était au départ inaccessible et qui est maintenant entre la vie et la mort. Quel échec. Ma vie est un échec. Je n'ai rien fait de tout ce que je voulais. Je n'ai pas acquis mes biens de façon honorable. Je ne suis plus maître de mon existence. Je suis le pantin de ces dames qui n'ont rien de respectable. Je voulais faire mieux que mes parents. Je voulais leur montrer que j'étais capable d'accomplir quelque chose dans ce monde. Mais j'ai enchaîné casse sur casse. Que vais-je faire ? Que dois-je faire ? Je ne sais plus vraiment quoi faire, ma tête est pleine de pensées sans logiques. Je ne sais plus ni comment me reprendre en main, ni comment me sortir de ce cercle vicieux.

On nous dit souvent qu'il n'est jamais trop tard et que c'est en faisant des choix et des erreurs que l'on avance. Mais personne ne parle de la difficulté du choix. De savoir qu'elle est le bon choix.

Je préfère me raccrocher à ce rêve. Je préfère me dire que malgré que ma vie ne soit qu'un ramasse de conneries, je possède quand même une branche à laquelle me raccrocher. Cette femme me sauve sans le savoir. Elle me permet de garder la tête hors de l'eau. Alors si elle venait à s'éteindre, elle emporterait avec elle mes espoirs. Je sais que même si elle venait à s'en sortir, il me serait pratiquement impossible que je la voie, mais de cela je n'en ai que faire car elle me permet de repousser mes limites. Elle me permet de faire tomber les masques du monde qui m'entoure. Alors encore une fois, je vais essayer de trouver une autre alternative pour pouvoir me rapprocher d'elle lorsqu'elle reviendra. Parce que oui je ne peux pas croire qu'elle puisse perdre même face à la mort.

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D'où vient cette enfant ? Je regarde partout autour de moi pour voir d'où elle a bien pu sortir. Mais je ne vois strictement rien. Je l'entends glousser, ses petites mains accrocher à mes jambes avant qu'elle se remette à nouveau à courir vers je ne sais quoi. Elle finit par disparaître. Je suis à nouveau seule dans l'obscurité. Je ne panique pas. Je ne pleure pas. Je suis comme apaisée. Je suis comme en paix. Ni cris, ni pleure, ni douleur, ni peine, tout simplement légère. Je m'assois alors au milieu de l'obscurité et j'attends.

Attendre quoi ? Et bien, je l'ignore mais c'est comme si j'avais la sensation que je devais attendre. Inconsciemment c'est comme si je le savais que quelque chose aller arriver. Il ne reste plus qu'à attendre.

Soudain dans l'obscurité, au loin se distingue une forme de couleur blanche. Je reste assise et observe la silhouette progresser vers moi. Lorsqu'elle est juste devant moi, je ne lève pas les yeux. Je détaille ses pieds nus pour je ne sais quelle raison. On reste un moment dans cette situation assez étrange : moi assise examinant les pieds d'une personne debout juste devant ma personne. L'individu finit par rompre le silence en riant. Un fin sourire s'installe sur mes lèvres et je lève enfin ma tête. Je constate que c'est un homme et me regarde de manière amusée mais me tend la main. Je n'hésite pas à la prendre. Debout, face à face, je dévisage ce visage qui respire la bienveillance. Un sourire orne toujours ses lèvres et il me dit alors : « Bienvenue parmi nous Samira ». Je rends son sourire et ensemble nous avançons dans l'obscurité.

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Flash info :

La nouvelle vient de tomber. La célèbre femme d'affaires, Samira Da Silva aurait succombé à ses blessures dans la nuit ayant suivi son accident...

Elle ne pouvait pas me faire ça. Elle n'avait pas le droit de m'abandonner. Pourquoi ne s'est-elle pas battue ? Pourquoi ? Elle emporte avec mes rêves, mon espoir et une partie de la nouvelle vie que j'espérais vivre.

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Effectivement cela n'a pas tardé avant que Bryson ne quitte l'Amérique pour commencer une nouvelle vie en Australie laissant derrière lui Séréna et son amour étouffant, cette vie qui l'a rendu plus malheureux qu'autre chose. Il a utilisé l'argent qu'il a accumulé pour payer une petite maison en bordure de mer, un nouvel atelier et le reste est allée dans une association caritative.

Il n'a pas voulu se châtier pour sa vie passée en s'isolant, juste reprendre le contrôle de sa vie. Il a quand même retenu qu'à tout vouloir, on finit par tout perdre, jusqu'à sa personne.