Chapitre 5 - Brisée

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CHAPITRE 5

Trois jours sans manger. Mourir lui semblait une si douce perspective. Trop douce pour qu'Il le permette. Il n'avait pas eut de pitié pour la petite fille qu'elle était, pourquoi ferait-il preuve de la moindre clémence à la femme qu'elle était devenue. Son calvaire ne prendrait jamais fin. Sa soif de vengeance ne serait jamais étanchée. La cruauté dont il avait fait preuve à son égard était sans égale.

Il avait déclaré la guerre au Gandhara et l'armée de l'Empire avait écrasé celle du royaume de Gandhara. Les concubines avaient été massacré en premier. Sa mère était parmi elles. Il avait réservé un sort bien plus funeste à la famille royale. Torturés pendant des semaines à quelques cellules de la sienne. Les cris de son petit frère avaient été les premiers à cesser. Anissa et l'Impératrice avaient été les suivantes. Son père s'était éteint à son tour quelques jours plus tard. Dix ans plus tard, la vision de leurs corps inanimés et mutilés, traînés hors des cachots, hantaient toujours ses pensées. Elle se sentait aller et venir à la frontière de la folie. Elle ne pleurait plus, ne criait plus, ne suppliait plus, elle n'était que silence. Personne ne viendrait la sauver. Personne ne la délivrerait. Personne n'abrégerait ses souffrances. Elle aurait voulu que tout s'arrête. Que la déesse de la mort l'emporte loin d'ici, loin du Prince ... ou plutôt de l'Empereur.

Le Prince n'était plus.

Le Prince qu'elle avait connu était mort le jour où l'empereur et l'Impératrice avaient été assassiné. Ce jour là, il s'était changé en un démon dénué de sentiment. La haine avait assombri son cœur et la colère embrouillait ses sens. Et elle était celle qu'il haïssait le plus. La traîtresse, la complice. Il était convaincu de sa culpabilité et quiconque avait tenté de la défendre s'était vu condamner à l'exil. Les volontaires avaient été peu nombreux. Le Prince Jared en faisait parti. Entendre sa voix plus de dix ans après les tragiques événements était forcement une hallucination. Un ultime réconfort offert par son esprit brisé.

- Sana ! L'interpella-t-il à travers la porte de la cellule exiguë où elle résidait depuis dix ans. Ouvrez la porte ! Ordonna-t-il à l'un des gardes. Bon sang ... depuis combien de temps n'a-t-elle pas mangé ?

- Trois jours, répondit le soldat. Elle avait donc bien compté, elle n'était jamais vraiment certaine de l'acuité de sa conception du temps.

- Imbécile ! S'écria le jeune homme. Elle va mourir !

Ah mourir ! Un sourire s'étira sur ses lèvres à cette pensée. Si seulement. Elle en avait rêvé chaque jour depuis qu'Adriel lui avait fait porter en cadeau d'anniversaire le corps de sa mère ... ou plutôt le cadavre décomposé de celle ci. Il avait trouvé cela amusant.

- Tu n'as pas pu la voir le jour de ton anniversaire n'est ce pas ? Lui avait-il demandé. Et bien la voilà.

Elle recracha l'eau que Jared tenta de lui faire boire et l'entendit pousser un cri d'exaspération. Elle l'entendit la supplier avant de sombrer dans l'inconscient. Un sommeil sans rêves, sans cauchemars. Son esprit ne semblait pas voir l'intérêt de la torturer durant ses brefs moments de répit, après tout rien ne pouvait égaler l'horreur de sa réalité. Lorsqu'elle se réveilla, elle se trouvait dans une chambre somptueuse. Une femme qu'elle peina à reconnaître était penchée au dessus d'elle. Ses lèvres formèrent le prénom d'Asma sans qu'aucun son ne s'échappe de celles ci.

- Oui ma perle du désert, répondit la nourrice.

- Elle est réveillée ? Demanda Jared en s'approchant, entrant à son tour dans son champ de vision, ce n'était donc pas un mirage, il était vraiment venu la libérer. Comment te sens-tu ? Demanda-t-il.

- Elle ne peut pas parler, répondit Asma. La rumeur dit qu'elle a perdu l'usage de sa voix il a de cela quatre ans ...

- La rumeur ? Répéta-t-il incrédule.

- Nous n'étions même pas certains qu'elle était encore en vie à vrai dire, expliqua la nourrice. L'Empereur ne laisse personne la voir et les gardes sont payés grassement pour garder le silence je suppose.

Jared ne pouvait y croire. Ce qui s'était passé en ces lieux durant son exil était tout bonnement monstrueux. Son regard s'attarda sur Sana ou plutôt ce qu'il restait d'elle. Elle ne ressemblait en rien à la petite fille qu'il avait connu. Ses joues roses avaient fondues comme neige au soleil, remplacées par un visage était émacié, son teint autrefois halé était désormais cadavérique. Sa maigreur était presque insupportable à regarder, ses os saillants menaçant presque de transpercer sa peau. Il avait eu vent des maltraitances que subissait Sana mais aucun messager n'avait rapporté de tels sévisses. Ses sources avaient même affirmé qu'elle faisait toujours parti du Harem.

- Elle doit manger ...

La nourrice tendit une cuillère mais la princesse détourna la tête refusant de manger. Jared prit la relève. Elle devait manger, dusse-t-il la forcer. Il attrapa son menton puis sa mâchoire en la sentant se débattre, forçant la barrière de ses dents et plaquant sa main contre ses lèvres pour la forcer à avaler. Elle n'avait pas assez de force pour résister et se laissa faire peu à peu, mâchant mécaniquement, avalant difficilement mais docilement. Sa volonté était si forte autrefois. elle n'était plus que l'ombre d'elle même. La panique vrilla soudain les pupilles grises de la jeune fille, sa bouche s'entrouvrit comme pour pousser un cri mais une fois de plus ses cordes vocales échouèrent à produire le moindre son. Jared suivit le regard de la princesse pour identifier la cause de ce sursaut de terreur et se retrouva face à son demi-frère : l'Empereur Adriel.

- Est ce dont là ta manière de me remercier d'avoir levé ton exil mon frère ? Lui demanda le jeune homme en s'approchant d'eux.

- Lever mon exil ? Répéta Jared en affichant un sourire sarcastique, s'interposant entre Sana et Adriel. On sait tous les deux que si ça n'avait tenu qu'à toi je ne serais pas là !

- Ôtes toi de mon chemin Jared, le menaça son frère d'une voix qui n'admettait nulle contradiction.

- Je pense que ça suffit, répondit le jeune homme, refusant de s'écarter.

- Je ne te demande pas de penser mais de te pousser, gronda Adriel. Ne m'oblige pas à ...

- À quoi ? L'interrompit le prince hors de lui. Dix ans n'ont-il pas suffit à étancher ta soif de vengeance ? Je ne te reconnais plus Adriel ! Je la protégerais de toi et je te protégerais de toi même !

Adriel ne répondit pas immédiatement. Son regard se posa sur Sana. Sur son expression terrifiée, sur son corps tremblant de peur. Elle ne semblait plus être capable d'éprouver une autre émotion que celle ci. Elle ne remarquait pas la présence des autres autour d'elle mais quand elle le voyait, ses yeux s'illuminaient de nouveau. La culpabilité le rongeait mais la haine était le sentiment qui dominait depuis bien trop longtemps pour qu'il puisse regretter quoi que ce soit. Il l'avait aimé. Elle avait été son amie, sa sœur de cœur. Elle aurait pu être bien plus. Tellement plus. L'idée d'avoir perdu ce futur lui était plus insupportable encore. Il l'avait fait souffrir. Il avait concentré toute sa rancœur sur elle. Il lui avait arraché chaque personne qu'elle aimait. Il l'avait laissé seule. Aussi seule que lui. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. Jour après jour, il l'avait faite torturer et il s'attelait parfois lui même à la tâche lorsque son désespoir était trop insupportable. Elle était la seule qui le faisait se sentir vivant alors il ne pouvait pas la tuer.

- Je l'emmène avec moi, lâcha Jared.

- Tu ne penses pas sérieusement que je vais te laisser faire ? Elle retournera au Harem, répondit Adriel. Elle reste mon épouse et l'impératrice. Tâche de t'en souvenir, ajouta-t-il en lançant un regard appuyé à son frère avant de quitter les appartements de ce dernier.

Sana trembla encore un long moment après le départ de son bourreau mais ce n'était pas de la peur et son regard pour la première fois exprimait autre chose. La détermination froide qu'on y lisait ne laissait envisager rien de bon, une la flamme d'espoir avait ravivé son âme. Il avait parlé de retourner au Harem. Une fois là bas, elle pourrait reprendre des forces et s'offrir ce dont elle avait tant rêvé durant ses années en captivité : la mort. 

À suivre ...

Au Coeur du HaremOù les histoires vivent. Découvrez maintenant