CHAPITRE 7
Sana avait fini par trouver sa faiblesse. Le destin avait semble-t-il beaucoup d'humour. Plus que ce dont elle disposait. Lorsqu'elle avait réalisé qu'Adriel l'aimait, sa première réaction avait été le dégoût. Elle l'avait écouté s'excuser pour ce qu'il lui avait fait subir ces dernières années. Elle avait d'abord cru à une plaisanterie ou à un autre moyen de la torturer. Peut être que tout cela n'avait été qu'une mascarade. Un complot pour lui redonner espoir -bien que celui ci soit de mourir- pour le lui arracher de nouveau. Mais quand il s'était mis à pleurer, elle avait compris que ce n'était pas une ruse. Elle lui ferait payer. Elle le briserait comme il l'avait brisé. Elle vengerait sa famille et une fois la tâche accomplie ... elle les rejoindrait. Elle n'échouerait pas. Pas cette fois.
Les jours se succédèrent, tous semblables les uns aux autres. Adriel ne quittait plus Sana et dans son esprit gangrené par la folie, ils étaient de nouveau ce duo inséparable. Mais certains signes le ramenait immanquablement à la réalité. Il l'obligeait à le suivre partout. Elle assistait aux assemblées, aux réunions, aux procès et mêmes aux doléances. Elle devait également l'accompagner lors de ses déplacements dans la capitale et même au delà des frontières de l'empire. Elle refusait toujours de parler et son silence était si pesant qu'il se prenait à espérer qu'elle parlerait de nouveau même si cela signifiait d'être insulté dans le processus. La peur avait néanmoins disparu, laissant place à la colère. Ce n'était pas beaucoup mieux mais il s'en contenterait pour le moment.
Le soir venu, il s'allongeait auprès d'elle dans la chambre qu'ils partageaient. Ils n'avaient jamais consommé leur mariage. ils n'étaient que des enfants lors de leur union et avec l'assassinat de ses parents ... cela avait été plus que compromis. Aujourd'hui ils semblaient tout aussi loin qu'autrefois de passer ce pas. Elle ne supportait pas son contact, s'écartant dès qu'il s'approchait un peu trop de sa « bulle ». Elle refusait de dormir tant qu'il ne s'assoupissait pas lui même. il doutait même du fait qu'elle dorme. Elle fixait le plafond chaque nuit, et au matin, elle était dans la même position, ses pupilles grises toujours tournées vers celui ci. Ils étaient bien souvent rougis. Pleurait-elle ?
Sana n'avait plus aucun moment pour elle. Il la promenait partout comme un chien en laisse. Elle avait besoin de solitude. Au cours des dix dernières années, elle avait apprit à apprécier celle ci. Elle était synonyme d'absence de souffrance. De silence. de répit. De paix. Elle signifiait que personne n'était venu la torturer physiquement ou même moralement. Personne pour lui dire qu'elle n'était qu'une traîtresse, la fille d'un lâche. Personne pour lui dire qu'elle était seule, que personne ne voulait l'aider ... Qu'il aurait mieux valu pour elle de mourir.
Elle haïssait Adriel. Elle haïssait tous les hommes. Elle haïssait celui qui gardait sa cellule et celui qui la nettoyait, celui qui lui apportait à boire et celui qui lui apportait à manger. Ils l'avaient traité sans aucun respect pour son rang ou même pour son statut d'être humain. Elle n'était qu'un objet de désir à leurs yeux, alors ils l'avaient traité comme un objet. Ils l'avaient utilisé pour satisfaire leur désir primaire et leur perversion. Avant de la faire enfermer dans la prison impériale, Adriel l'avait consigné dans ses appartements puis au harem. Là bas, personne n'avait osé lui faire quoi que ce soit mais une fois qu'elle fut envoyé aux cachots ... Plus rien ne les empêchait de profaner son corps. Elle n'était plus une princesse et encore moins une impératrice. Elle n'était plus une épouse ... Elle n'était qu'une prisonnière. Elle avait été violé. Ils l'avaient tous violé. Et Il l'avait permis.
Elle le regarda dormir paisiblement. Il semblait ... heureux. Comme elle l'enviait. Le seul moyen pour elle de s'endormir était la fatigue. Elle devait attendre d'être épuisée pour parvenir à se reposer. Tant qu'elle n'avait pas atteint l'exhaustion, elle était incapable de ferme l'œil, bien trop sur ses gardes, et bien trop de choses en tête. Elle avait pensé utiliser son amour pour elle contre lui. Elle aurait pu lui briser le cœur. Peut être même plusieurs fois. Assez pour qu'il n'en reste rien. Assez pour qu'il soit en miettes comme le sien. Mais plus elle le regardait et plus son impatience grandissait. Elle se plaça donc à califourchon au dessus de lui, prenant soin qu'aucune partie d'elle ne le touche. Ni ses jambes, ni ses cuisses et encore moins son entrejambe. La dague qu'Anissa lui avait offerte dans la main, elle s'apprêtait à le tuer dans son sommeil. Il méritait pire mais elle ne pouvait plus attendre. Chaque seconde qui s'écoulait était une de plus, une seconde de trop à supporter de le voir vivant alors que son petit frère ... son petit prince ... Beren n'était plus.
- Sana, s'il te plaît ... la supplia une voix qu'elle reconnu aisément.
- Sors d'ici Jared, répondit-elle en resserrant sa prise sur le poignard.
- Si tu fais ça ... Tu seras comme lui.
- Comme lui ? Pour être comme lui je devrais massacrer un peuple entier pour un crime qu'il n'a pas commis. Une famille entière pour un crime qu'elle n'a pas commis ! Il a tué tout le monde. Mon peuple. Mon petit frère. Ma sœur. Ma mère. La reine. Combien étaient réellement au courant des plans de mon père ? Combien étaient complices ?
Elle avait crié, réveillant Adriel qui la fixait d'un air ... résigné.
- Tout ce que je voulais c'était mourir mais même ça c'est trop te demander. Tu préfères me voir souffrir. Alors je vais le tuer et ensuite je pourrais enfin mourir en paix !
- Nana ...
- Ne m'appelle pas comme ça ! Hurla-t-elle folle de rage.
- Tu n'es pas comme lui, répéta Jared avec douceur en s'approchant.
- Je ne veux plus le voir. Je ne peux plus le supporter. Chaque matin il est là et pendant la journée et le soir ...
Elle ne pouvait pas revenir en arrière, elle devait aller jusqu'au bout maintenant qu'elle avait avoué ses sombres desseins. Si Jared arrivait jusqu'à elle, il lui arracherait l'arme et elle ne la reverrait plus. Ni elle, ni une autre. Et comment s'ôterait-elle la vie si on ne la laissait plus jamais en posséder une ? Elle n'avait déjà plus le droit de sortir du palais. Elle pourrait toujours sauter des remparts ... Mais les gardes qui la talonnaient la rattraperaient et elle ne sortirait plus de sa chambre. C'était maintenant ou jamais. alors elle enfonça la lame dans son ventre sans hésiter. La douleur fut fulgurante et sa vision se troubla. Elle allait enfin mourir. Elle ne le verrait plus jamais. Un sourire s'étira sur ses lèvres avant que les bras de la déesse de la mort ne l'entoure ... Ou peut être était ce ceux d'Adriel. Sa voix lui parvenait encore.
- Nana ... Tu avais promis. C'était ton gage. Tu devais rester avec moi.
- Qu'est ce que tu espérais Adriel ? Murmura-t-elle, après avoir tué chaque membre de ma famille. Après avoir été accusé, insulté, torturé ... violé. Qu'espérais tu qu'il reste de moi ? Je ne suis pas la seule à briser mes promesses ... Tu avais promis que nous resterions amis. Tu avais promis de me protéger. De m'aimer.
- Je t'aime Sana. Ne me laisse pas ... Je te laisserais partir s'il le faut. Je n'apparaîtrais plus devant toi mais par pitié ne meurs pas. Je ne peux vivre dans un monde où tu n'existerais pas.
Elle ne répondit pas. Il sentit le corps de la jeune fille devenir plus lourd et inconsciemment il resserra l'étreinte de ses bras autour d'elle comme s'il pouvait l'empêcher de partir par ce geste. Il écarta les boucles noires du front de la jeune fille. Il la supplia d'ouvrir les yeux mais rien n'y fit. Il se sentit tirer en arrière et un médecin se pencher au dessus du corps inanimé de Sana. C'était la seconde fois qu'elle se retrouvait entre la vie et la mort. Si par miracle elle en réchappait, il tiendrait sa promesse. Il la laisserait partir.
À suivre ...
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Au Coeur du Harem
Romance{TERMINÉE} À l'âge de 11 ans, Sana, princesse du royaume de Gandhara, doit quitter sa famille pour rejoindre le harem du jeune prince Adriel, le futur héritier de l'Empire. L'union de ses deux enfants survivra-t-elle aux complots des courtisans ? L...