Charlie est si proche que je peux sentir son odeur. Un chaud parfum de savon qui m'attire, comme une belle fleur pleine de pollen attirerait une abeille.
— Désolé pour Lydia. Elle était un peu chiante, pour ne pas dire beaucoup. Ça me gonfle de voir à quel point elle peut être naïve.
— Je pense qu'elle est juste amoureuse, dis-je dans un haussement d'épaules.
— Trop amoureuse, corrige-t-il. Ne deviens jamais comme ça, Pauline.
Mes sourcils se froncent. Pour le coup, je ne sais pas trop comment interpréter ses paroles, ce que Charlie doit remarquer, puisqu'il s'empresse d'ajouter :
— Amoureuse, au point de te faire embobiner comme une cruche et de porter des œillères.
— C'est sûr...
Il termine d'aspirer les dernières gouttes de son smoothie à la paille, avant de lâcher un soupir.
— En tout cas, y'a mieux comme rendez-vous, poursuit-il. On peut retenter le coup demain ?
— Oui, bien sûr. Enfin, je veux dire non...
Son regard surpris m'arrache un petit sourire, à la fois amusé et triste.
— J'aimerais bien, mais je prends le train demain matin, précisé-je.
— Tu pars ?
— Oui. Je rentre chez mes parents pour les vacances.
Ce qui signifie que nous ne nous verrons pas pendant minimum deux semaines, et qu'il aura le temps de m'oublier ou de passer à autre chose... Cette pensée me mine le moral, sans doute plus que nécessaire.
— C'est loin ? s'enquiert Charlie.
— À quatre heures d'ici. Ils habitent dans un village paumé, au milieu des collines et des moutons.
— L'horreur.
J'acquiesce d'un bref grognement.
— Et toi, tu restes là pour les fêtes ? demandé-je.
— Ouais, toute ma famille est dans le coin.
— La chance. Tu auras des jours de repos ?
— Même pas en rêve. Notre patron nous interdit de poser des congés pendant la période de Noël. Ce sont les pires semaines de l'année... Avec tous les gens qui commandent leurs cadeaux sur Internet, on a des milliards de colis à livrer par jour.
— C'est vrai que ça doit être une période chargée... dis-je, pensive.
Charlie me propose ensuite de reprendre du gâteau au citron nappé de sucre glace. Je décline poliment, à contrecœur, car j'aurais pu en manger encore dix parts. Mais je ne souhaite pas passer pour une gamine grassouillette, qui aime s'empiffrer de pâtisseries sans limites.
Comme promis, mon rencard me raccompagne chez moi quand nous quittons le café.
À la sortie du métro, je marche le plus lentement possible pour retarder notre séparation, même si le froid a privé mes doigts et mes orteils de toute sensibilité.
Je rêve de pouvoir plonger ma main dans la poche de Charlie, pour la réchauffer avec la sienne. Ou mieux encore, s'il pouvait me serrer dans ses bras, je serais vraiment aux anges.
Le trajet se fait en silence, jusqu'à l'arrivée devant le portail de la résidence étudiante. Je n'ai aucune envie de rentrer et me retrouver seule, dans ma petite chambre, et de ne plus le voir pendant quinze jours.
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Douce aigreur
RomanceDe la rencontre entre Pauline et Charlie va naître une relation plus aigre que douce.