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Le studio de Charlie est à peine plus grand que ma chambre étudiante. Mes yeux n'ont besoin que de deux secondes pour analyser cette pièce rectangulaire, aménagée du strict nécessaire. La seule décoration est une carte de la Nouvelle-Zélande encadrée au-dessus du canapé-lit, déjà déplié. Mon hôte se laisse tomber sur celui-ci à la renverse.

À travers la pénombre percée par la lumière extérieure qui filtre par l'unique fenêtre, je peux apercevoir le sourire complice de Charlie, qui, contrairement à d'habitude, me met mal à l'aise.

— Tu comptes rester plantée là encore longtemps ? glousse-t-il.

Je sors de mon immobilité et vais m'assoir timidement au bord du lit, craignant de prendre trop de place, ou de déranger encore plus les draps. Le silence s'installe et mes sens se focalisent sur le moindre bruit : une moto qui passe dans la rue, un cri de fêtard toujours debout, la main de Charlie qui glisse vers moi...

Je me relève d'un bond.

— Je peux emprunter ta salle de bains ?

De longues secondes s'écoulent avant qu'il ne me réponde sur un ton nonchalant :

— Ouais. T'as des serviettes dans la commode.

Rassemblant ses dernières forces, il se lève pour aller farfouiller dans l'étagère où sont pliés ses vêtements.

Je prends les affaires de rechange qu'il me tend et file.

Me retrouver totalement seule avec Charlie m'angoisse plus que je ne le redoutais. En réalité, il s'agit plutôt de ce qui pourrait se passer dans l'intimité qui m'effraie. Alors je retarde l'inévitable et traine le plus possible dans la salle de bains, dont la poignée de porte ne ferme même pas.

Pendant plus de temps que nécessaire, je frotte mes dents avec mon doigt et du dentifrice. Moi qui ne comptais que me laver le visage, j'opte au final pour une longue douche, malgré l'heure tardive et la fatigue.

J'enfile ensuite le grand t-shirt et le short en coton que Charlie m'a donnés. Ce dernier ne lui appartient sans doute pas ; il est pile à ma taille. Même si un jogging aurait été préférable pour couvrir mes jambes, c'est déjà plus confortable que d'être en jean.

Le calme absolu et le noir presque total règnent dans la pièce principale lorsque j'y retourne. Les seules sources de lumière viennent de petits voyants d'appareils en veille et du radio-réveil posé au-dessus de la télévision.

Je devine le corps de Charlie enfoui sous la couette. Ses vêtements gisent au sol, au pied du lit. Quand je me glisse à ses côtés, je suis soulagée de constater qu'il ne dort pas tout nu, comme je l'ai imaginé une minute auparavant.

Son odeur est partout sur l'oreiller et les draps. Un vrai plaisir.

Alors que je le pensais — l'espérais — déjà endormi, Charlie se retourne vers moi.

— Ça va ? T'as pas froid ? demande-t-il.

— Non, c'est bon.

— T'es sûre ?

— Ben, oui...

Maintenant que les volets sont fermés, je ne parviens qu'à distinguer sa silhouette. Nous restons tous deux immobiles, et je peux sans mal deviner son regard posé sur moi, comme s'il attendait un geste de ma part. Mal à l'aise, je lui tourne le dos et m'enfouis sous les draps.

— Pauline... T'es pas obligée de dormir à quinze mètres de moi, glousse-t-il. Je vais pas te manger.

Je remarque en effet que je suis allongée à l'extrême bord du lit. Je me recule donc de deux centimètres.

Douce aigreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant