J'ai l'impression que Charlie commence à se lasser de moi. Ces dernières semaines m'en ont même donné la certitude.
Après les premières heures passées ensemble, et trois bisous échangés, l'euphorie des retrouvailles se trouve vite remplacée par une ambiance maussade. Quand Charlie ne m'ignore pas complètement, il devient désagréable et semble agacé par chacune de mes paroles ou actions. Même quand je reste silencieusement assise sur le canapé devant un film, le seul fait de me demander ce que je veux manger lui arrache un soupir. À croire que ma simple présence l'irrite. Pourtant, rien ne l'oblige à m'inviter chez lui.
Au début, j'accusais l'humeur parfois instable de Charlie, mais il n'est jamais comme ça avec amis. À l'exception de Lydia, qui est l'unique autre personne à le faire autant lever les yeux au ciel.
Je regrette presque la période où il était limite mesquin avec ses railleries. Au moins, nous avions encore un contact.
À force de cogiter, j'en suis donc arrivée à la conclusion que je ne dois plus lui plaire ou qu'il s'ennuie avec moi. Ce que je peux comprendre. Si je devais sortir avec moi-même, je m'ennuierais. Je suis loin d'être particulièrement intéressante. Sachant que mes seuls sujets de conversation concernent mon quotidien d'une insipide banalité : les cours, les examens, les séries et mes insomnies, plus récemment.
Les vacances approchent à grande vitesse, et à ce train-là, ça ne m'étonnerait pas que Charlie annule notre escapade de quatre jours à la montagne. Ça serait pourtant dommage. Nous venons juste de réserver un chalet qui a l'air super sympa et cosy. Je m'imagine déjà près de la cheminée, avec mon chocolat chaud coincé entre les cuisses à observer la neige tomber à l'extérieur.
Ça sera aussi la première fois que je passerai autant de jours d'affilée en compagnie de Charlie. Je ne rêve que de ce moment à venir, mais je ne suis pas sûre que ça soit le cas pour lui.
Un jour, alors que nous sommes plantés devant une émission de cuisine, l'interphone sonne. Charlie quitte le canapé dans un soupir pour aller répondre. Deux minutes plus tard, Lydia déboule dans le studio.
Les cheveux roses de notre invitée surprise sont rassemblés en un grossier chignon, et le vieux jogging gris qu'elle porte lui tombe sur les hanches. À son air dépité, je devine qu'elle se retrouve sûrement là pour de mauvaises raisons.
— Il a encore foutu son poing dans le mur, Charles. Je sais plus quoi faire.
Assise sur la chaise de bureau, Lydia nous raconte en détail, depuis dix longues minutes, la dernière dispute avec son copain.
— Quitte-le et arrête de nous emmerder, grogne Charlie qui n'a montré aucun intérêt pour ses malheurs.
— Merci pour ta compassion, connard...
— Ça fait cinq ans que tu me rabâches les mêmes histoires, cinq ans que je te répète la même chose et que rien ne rentre dans ton petit crâne rempli d'air.
— Je sais même pas pourquoi je te parle encore.
— Moi non plus, rétorque-t-il.
Et j'avoue ne pas comprendre non plus.
Lydia est la première à venir voir Charlie en cas de problèmes dans son couple, alors qu'elle sait très bien comment il est. C'est aussi la première à me dire du mal de lui. Je me demande comment ces deux-là font pour conserver leur « amitié ».
Après ce court échange, aucun des deux n'ouvre plus la bouche. L'une boude dans son coin, tandis que l'autre traine sur son portable. Lydia reste là, à suivre notre émission, jusqu'à se lever de son siège.
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Douce aigreur
RomanceDe la rencontre entre Pauline et Charlie va naître une relation plus aigre que douce.