Chapitre 5 : Raven

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Lorsqu'il rentra chez lui, la maison était aussi vide que lorsqu'il l'avait quittée le matin même. Il monta directement dans sa chambre et se laissa tomber sur son lit. Cette journée avait été plutôt fatigante. Plus qu'il ne s'était attendue à ce qu'elle le soit. La vie à North East High était différente de celle qu'il avait toujours connue. Peut-être serait-elle même plus passionnante.

Il secoua la tête, se redressant pour jeter sa cravate et son blazer sur son siège de bureau. Il était censé se mettre à jour mais il n'en avait aucune envie. Il se contenta d'écouter le silence profond et entêtant de la maison, à peine teinté par le passage des voitures à l'extérieur.

Lorsque la faim devint irrépressible, il descendit dans la cuisine et se mit aux fourneaux. Heureusement pour lui, il savait cuisiner et ne rechignait que rarement à le faire. Ses parents avaient remplisles placards durant l'emménagement et ils commençaient déjà à se vider. Tout en cuisinant, il nota une liste de courses sur un bloc-notes accroché au frigo. Ses parents n'étaient bons qu'à passer les commandes et à les payer.

Il s'attabla seul à la table de cuisine, obligé de faire face à ce maudit portrait de lui et Stanford. Il darda dessus un regard noir. Depuis qu'il avait vu cette photo au mur, il n'était plus entré dans le salon. Il ignorait comment ses parents l'avaient organisé, décoré. Il était temps qu'il sache quel choix ils avaient fait. Avaient-ils effacé Stanford ou l'avaient-ils gardé comme membre de la famille ?

Son assiette dans une main, il longea la baie vitrée jusqu'à atterrir dans l'immense salon ouvert. Sur les murs, des tableaux hideux. Sur les meubles, les cadres qu'il avait l'habitude de voir avaient disparu. De leur famille, il n'y avait que cette photo encadrée faisant face à la cuisine, comme pour les obliger à se rappeler qu'ils avaient deux fils le temps de prendre leurs repas. Ailleurs dans la maison, Stanford avait disparu. Et, avec lui, Raven aussi.

Une sensation brûlante noua les entrailles du brun, lui donnant envie de vomir. Il alla jeter ce qui restait de son repas dans la poubelle, nettoya ses couverts et alla chercher une veste dans le placard sous l'escalier pour sortir. Il suffoquait, dans cette maison.

La pluie était glacée lorsqu'elle le heurta de plein fouet. Il rabattit la capuche de sa veste et continua d'avancer. Il ne savait pas exactement où il allait. Du moment que ce n'était pas cette maison vide, sans vie, ça lui allait.

Il finit par arriver devant un parc noyé sous la pluie, l'herbe si humide qu'elle ne parvenait plus à pomper la pluie qui la noyait. Peu perturbé par la boue, Raven traversa la pelouse jusqu'aux balançoires. Il s'assit sur l'un des sièges, l'eau venant imbiber son jean, et relâcha un long soupir. Il refusait de se laisser affecter mais la colère lui brûlait le ventre. Il s'était douté que ça finirait comme ça. Il le savait mais il ne pouvait repousser le maelstrom d'émotions violentes qui le secouait.

Il renversa la tête pour laisser la pluie lui frapper le visage, noyer les larmes qui menaçaient d'apparaître au coin de ses yeux. Il devait tirer une croix sur sa famille comme eux avaient tiré une croix sur lui à cause de Stanford. À cause de ce que ce taré avait fait. Il devait passer à autre chose, comme eux l'avaient fait.

Il sortit son téléphone de sa poche et abrita l'écran d'une main, appuyant sur les touches de l'autre. Il avait reçu nombre de messages de ses amis du Texas. Il ne savait pas quoi leur répondre. Ils étaient ses meilleurs amis, ils avaient été là pour lui même après ce qu'il s'était passé. Ils avaient continué de lui parler comme s'il ne s'était rien passé. Ils avaient fait de leur mieux pour tenter de lui remonter le moral, de forcer leurs camarades, le reste de la ville à le laisser tranquille. À cesser de le regarder comme un animal de foire, comme s'il était le monstre caché sous leurs lits.

La Couleur de nos MensongesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant