Mardi

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-Alors ? Tu veux qu'on fasse un truc spécial ?

On venait d'arriver dans son appartement, il avait l'air exténué, on n'allait sûrement pas faire des choses extraordinaires cette nuit.

-Tu as faim ? Je n'ai pas mangé encore.

-Heu ouais pourquoi pas, tu sais cuisiner ?

-Oui, tu peux mettre de la musique s'il te plaît, j'aime bien écouter de la musique quand je cuisine. Même si c'est rare... m'avait-il confié.

-Pas de soucis.

Je mis le flow de Deezer et en l'aidant à cuisiner, je dansais un peu. Il se laissa entraîner et nous nous mîmes à danser la salsa ! Un bon air latino enflamma nos corps, nos souffles ne firent qu'un et nos esprits furent en extase. Seule la musique pouvait procurer cela. C'était remarquable et féerique, voilà une des raisons de ma passion pour cet art. Elle faisait voyager les gens, les libéraient et les amusaient.

 On venait de finir de manger nos pâtes aux fruits de mer. Posés sur le canapé avec un verre de Scotch, on discutait de tout et de rien jusqu'à ce qu'il me dise ceci :

-Je pars pour la Russie dans quelques jours. C'est un voyage d'affaires, je rentre dans un an à peu près.

-Quoi ? Mais du coup, on fait quoi ? Il venait de me balancer ça, d'un coup, sans tact. J'essayais de garder mon calme mais, j'appréhendais grandement la suite.

-On fait comme si c'était un coup d'un soir, je pense que c'est le mieux. Nous ne sommes pas en couple, même si je commence à m'y faire, à ta présence près de moi...

-Tu n'es pas le seul... Bon, on fait ça et on verra bien dans 12 mois comment nous serons. On se fait une promesse, quand tu rentreras de ton voyage, on se revoit. Mais avant, on ne se reparle plus, on oublie l'autre entre guillemets. D'accord ?

-D'accord, dit-il dans un soupir.

-Je vais y aller... Ce sera mieux pour nous deux, je pense.

Et nous nous séparâmes comme ça, avec une promesse faite autour d'un verre lors d'une soirée musicale. Je retenais quelques larmes qui menaçaient de couler le long de mes joues. Comment m'étais-je autant attachée à lui ? Je ne m'en étais pas rendu compte, mais il est important pour moi. Il me faisait tout simplement sourire, rire et plaisir. Je regagnais mon chez-moi doucement, en m'avançant devant les lumières de la ville. Ces lumières dorées, ce verre de whisky, qui symbolisaient la fin de notre relation.

Je me levais avec l'envie de faire de la musique. Je me préparai tranquillement et sorti me poser sur une place et commença à chanter. Ma voix était pleine d'émotions, ce qui lui donnait de la puissance et un son grave. Cette voix, qui était parfois aiguë, pouvait aller dans le grave profond. Une voix androgyne, tout comme mon physique et ma personnalité. Les gens ne savaient pas toujours reconnaître mon sexe du premier coup, généralement, ils se basaient sur ce que je voulais leur montrer. Néanmoins, j'aimais l'idée que quand je me baladais dans les rues, les passants devait se retourner pour tenter trouver mon genre.

Je commençais par des morceaux moroses en accord avec mon humeur, puis progressivement, je venais dans le registre pop avec Imagine Dragon. Beaucoup de personnes s'arrêtaient pour m'écouter et partaient jugeant que c'était assez pour eux. Différents styles se présentaient à moi et j'aimais ce côté de diversité qu'apportait la ville. Je recevais des messages de temps en temps de Sophie qui me demandait si j'allais venir un jour en cours, prise de pitié pour elle, je lui avais répondu que je ne viendrais pas aujourd'hui. Je n'avais pas fais attention à sa réponse et continuais mon activité préférée.

Mes auditeurs se faisaient de plus en plus rares et pour cause il était 19h, l'heure de manger. Je repensais à Chrome et décidai d'aller dans son café. Ce n'était pas littéralement le sien, mais elle y passait la plupart de son temps si j'avais bien compris. Arrivée à destination, je remarquais instantanément que ce n'était pas la chanteuse de d'habitude sur scène. Je me rapprochais du bar et une voix m'interpella. C'était Chrome.

-Hey ! Gaël, comment ça va ? Viens avec moi manger un bout.

-Salut, comment t'as su que j'étais là ? M'étais-je étonnée en m'installant près d'elle.

-Ton odeur, vanillée et boisée. Unique, un côté féminin et masculin. Comme ta voix, c'est incroyable comment tu peux être androgyne. Même pour une aveugle ! Mais du coup, tu es une fille ou un garçon ?

-Je suis biologiquement de sexe féminin. Avais-je répondu simplement en regardant la carte que le barman me tendait. Je la pris et choisis ce que je voulais manger. Puis il alla en cuisine le dire à son serveur.

-Tu as fait quoi aujourd'hui ? Me dit elle sûrement pour combler le blanc qui menaçait de s'installer.

-Je ne suis pas allée en cours. J'ai préféré jouer sur la place. Et toi ? Tu ne joues pas ce soir ?

-Je n'avais pas envie de jouer seule... Elle sembla réfléchir et me questionna.
Tu as ta guitare sur toi ?

-Oui, why ?

-Joue avec moi ! Un duo, je chante et tu m'accompagnes.

-Oula, je n'ai pas l'habitude de jouer avec quelqu'un... Et on ferait quoi ?

-Ce n'est pas grave ! Heu... Une de tes créations ! Tu me montres, me dit les paroles et c'est bon.

-T'es sûr ? En plus, ça me gêne.

-Mais oui ! Allez, balance la sauce, maestro, riait-elle.

Je lui présentais donc mes compositions et les chansons que j'avais écrite. Il n'y en avait que deux, mais elle adora directement mes créations. Nous avions englouti nos repas et préparé nos instruments pour monter sur scène. Elle passa en premier et nous présenta au public.

-Mesdames et messieurs, je suis Chrome, j'ai l'habitude de me représenter ici seule, mais ce soir, pour la première fois et sur un coup de tête, nous avons formé un duo avec Gaël ! Applaudissez-la s'il vous plaît !

J'entrai en scène sous les maigres applaudissements des spectateurs, je saluai la salle d'une révérence et commençai à jouer.

Je sombrai dans un était second et laissai la musique s'emparer de moi, mes mains bougeaient toutes seules sans que je ne me concentre, le rythme résonnait dans mon corps et ma tête. Je n'avais vraiment plus le contrôle. Chrome sembla déstabilisée au début puis vint se caler sur mon tempo endiablé, les regards des spectateurs se faisaient de plus en plus surpris et tournés vers nous. La salle était absorbée par notre art, subjuguée presque par la symphonie qui résultait de deux petits bouts de femmes comme nous.

Nous venions de finir la première chanson sous un tonnerre d'applaudissements. Il devait y avoir le double d'auditeurs qu'au départ et ils semblaient vouloir une nouvelle musique. Je me retournai vers Chrome et celle-ci me fit signe de la tête.

C'est parti !

♤Rencontres♤Tome I♤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant