4-Igor

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Igor était en position de tir : accroupi, le fusil sur le rebord de la fenêtre. Il était coincé au dernier étage d'un immeuble de Stalingrad.

Il y a une vingtaine d'heures, le quartier avait été récupéré par les Russes et on lui avait demandé de se positionner en haut du plus grand immeuble de la rue pour la surveiller.

Mais, le quartier venait d'être récupéré par les allemands et Igor étai maintenant pris au piège.

Cette position si stratégique il y a quelques heures s'était maintenant retournée contre lui.

Tous les autres sentinelles avaient été tuées ou capturées. Il se retrouvait maintenant seul et prisonnier d'une guerre qu'il n'avait jamais voulue.

Igor se demanda ce que son père en aurait pensé. Lui qui labourait la terre comme un acharné pour que ses enfants aient une vie meilleure. Lui qui s'était battu pour la liberté durant toute la Révolution. Lui qui voulait croire en un monde meilleur pour ses enfants.

Non ! Non ! Surtout ne pas penser à ça ! Il avait besoin d'être fort et concentré. De toute façon il ne rentrerait pas à la maison avant de longues semaines.

Igor arrêta de lutter, ça ne servait à rien, c'était même mieux. Se remémorer de vieux souvenirs lui permettait de rester éveillé, alors qu'il ne savait même plus depuis combien de temps il n'avait pas dormi.

Il vagabondait d'un souvenir à l'autre, de sa maison d'enfance à l'école de la ville en passant par les jeux dans les champs avec ses petites sœurs.

Puis vint ce souvenir, celui qui le réveillait en sursaut encore aujourd'hui. Le jour où son père avait été raflé.

Putain de merde, pourquoi son père à lui ? Pensa-t-il, pourquoi lui ? L'homme qui était debout avec son fusil et ses valeurs, pendant que d'autres regardaient depuis le salon de leur palace, était maintenant accusé de vouloir nuire au communisme !

Ah, ces belles valeurs que défendait Marx, où sont-elles passées ? Staline les a sûrement envoyé dépérir avec son père dans un putain de goulag !

Et qu'est-ce qu'il a fait pour sa jeunesse qu'il chérissait tant ? Il l'a envoyé au front avec pour seule garantie un fusil et un manteau d'été.

Donc non, Igor ne comprenait pas pourquoi il devait se battre sous la pluie constante et cendré d'après bombardement. Il ne comprenait pas pourquoi il devait se battre contre d'autres adolescents pour régler les problèmes d'une dizaine de personnes qui restaient à les observer comme on admire les animaux d'un zoo, depuis leurs châteaux loin des combats.

Igor était maintenant décidé, il allait déserter. De toute façon rester à son poste revenait à attendre bien sagement de mourir pour sa patrie. Pour la corruption, le mensonge et le meurtre de personnes innocentes.

Donc quitte à mourir, autant le faire en s'opposant à ce qui lui paraissait injuste.

Mais, alors qu'Igor s'apprêtait à se lever pour partir, il remarqua un groupe de 5 allemands. Il croisa le regard du plus jeune d'entre eux, qui quelques secondes après chuchota quelque chose à l'oreille des autres.

Igor ne mit que quelques secondes à comprendre, à ramasser son fusil et à essayer de fuir.

Il savait très bien qu'à un contre 5 il n'avait aucune chance mais il essaya quand même.

Dans sa fuite désespérée, Igor n'entendit pas la grenade rouler jusqu'au centre de la pièce, il ne pensait pas que les Allemands encerclaient déjà l'immeuble.

Il était juste soucieux de se mettre à l'abri lorsqu'il entra dans cette pièce.

Il lui restait exactement 4 secondes à vivre...

Ses dernières pensées furent pour cette putain de porte qui refusait de s'ouvrir...


7 secondes de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant