71.

6.2K 262 33
                                    

Charlotte

Devant la porte de la grande maison de mon père, mon jean collant sur ma peau sous cette chaleur, mon cœur bat à mille à l'heure, mon ventre serré.

Le sentiment de la peur, la véritable frayeur, est une sensation que je n'ai plus connu depuis longtemps déjà.

La poignée de la porte s'abaisse, un rayon de lumière s'échappe, la porte est en train de s'ouvrir.

Une femme se tient à l'embrasure de la porte.

Je n'aurais pas dû venir ici.

J'ai déconné, j'aurais pas dû.

Je regarde mieux la femme qui lève un sourcil vers moi, me scrutant.

Elle porte une sorte de tablier blanc, ses cheveux regroupés en chignon.

Elle doit avoir la quarantaine, la même tranche d'âge que mon père.

Elle doit avoir des origines, un pays anglophone, peut-être.

Elle a peu de rides, un maquillage qui lui va bien au teint souligne ses jolies yeux, pourtant brunes.

Mon père se serait-il remarié ?

Ma mère n'a jamais refait sa vie, elle.

Mon père a-t-il eu des regrets de nous avoir abandonné, ma mère et moi ?

Ma mère ne s'en ai jamais remise, elle.

La femme semble avoir fini de me dévisager, et sort de son mutisme.

- Bonjour, vous êtes ?

- Euh, bonjour. Monsieur Rudal est-il là ? je questionne, ignorant sa question.

- On ne vous a jamais appris de ne pas remplacer une question par une autre ?

Je souris, pensant à Ken, qui m'avait dit ça, par message, au début de notre rencontre.

- Si, un ami à moi me l'a dit un jour.

- Vous devrez l'écouter un peu plus votre ami.

- J'y tâcherai.

- Que faites-vous ici ?

- Je suis venu voir Stefan Rudal. Je marque une pause avant de rependre. Mais j'ignore si il est là.

- Comment vous appelez-vous ?

- Je ne pense pas que ce soit très utile.

- Monsieur Rudal sait-il que vous êtes là ?

- Non, il l'ignore.

- L'avez-vous déjà rencontré dans le passé ?

- Oui.

- Jouez-vous aux échecs ?

Cette question est assez perturbante et n'a pas vraiment de rapport avec le sujet.

Je souris, me remémorant les nombreuses fois où mon père m'avait initié ce jeu, dès mon plus jeune âge.

- Oui.

- C'est l'heure de sa partie d'échec, il n'aime pas vraiment être dérangé. Où est votre voiture ? questionne-t-elle.

- Je suis venue en taxi.

- C'est donc si important ?

- C'est important mais ce n'est pas une bonne idée, juste de la curiosité.

Elle soupire.

- Je vais l'informer que vous êtes là.

Elle s'en va, ma respiration est saccadée, j'ai peur de le revoir.

- Suivez-moi, mademoiselle.

Je rentre dans la maison où mon père habite.

C'est assez chic et luxueux.

Les goûts de mon père.

Je ne peux m'empêcher de scruter les environs.

La femme s'arrête devant une porte et frappe.

Elle ouvre la porte et je m'avance à l'entrée de la pièce.

Je retire ma casquette et je tourne la tête vers celui qui est mon père.

Il a un peu vieilli, le souvenir qui commençait à se faire flou dans ma tête se remémore.

- Vous avez pris rendez-vous ?

Ok.

Sympa.

Je parcoure ses cheveux bruns et ses yeux verts.

Je lui ressemble encore plus qu'avant.

J'entends la porte derrière moi se refermer.

- Mademoiselle ?

- Je n'ai pas pris rendez-vous.

- C'est que, vous êtes en dehors des heures de mon travail.

- Désolé.

Quand j'étais petite, mon père était psychologue.

- La consultation sera donc plus cher.

Je soupire.

Mon père ne me reconnaît pas.

Il se contente juste me parler fric et boulot.

- Installez-vous, me dit-il.

J'entre et je m'installe sur une chaise en face de lui, laissant tomber mon sac à mes pieds.

Quand j'étais petite, j'avais rêvé d'une retrouvaille avec mon père joyeuse.

J'avais rêvé qu'il revenait lui-même à Paris.

Qu'il criait mon prénom et que je cours dans ses bras.

J'avais tant rêvé rentrer de l'école et le voir, installer sur le canapé du salon, à m'attendre.

Ce qu'il se passait aujourd'hui est tout le contraire.

C'est moi qui suis allé le trouver.

Il ne m'a même pas reconnu.

Il n'a même pas cherché à me regarder.

- Comment vous appelez-vous ? me demande-t-il.

J'encre mes yeux verts dans les siens de la même couleur.

- Charlotte.

- Et votre nom de famille ?

Je ferme les yeux d'exaspération pendant une demi-seconde avant de les ouvrir.

- Charlotte Rudal.

Message - NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant