Chapitre 1

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Charles Le Corbier est dans sa cuisine en train de préparer son petit déjeuner et celui de ses deux filles. Pour lui, c'est le moment le plus important de la journée. C'est celui où ils prennent le temps de discuter tous les trois. Ils parlent de ce qu'ils ont fait la veille ou de ce qu'ils comptent entreprendre dans la journée, le soir, son travail l'amène trop souvent à rentrer quand ses filles, surtout sa cadette, dorment déjà.

Il aime ces instants en famille mais pas ce matin.
Lucie, sa fille aînée, part dans moins d'une heure pour sa première mission. Alors sa gaité et son insouciance habituelle sont remplacées par d'autres sentiments.
D'abord il y a la fierté, après six ans d'apprentissage, elle a décroché son diplôme de cartographe avec les honneurs.
Ensuite il y a l'inquiétude. Bien que parfaitement au courant des contraintes de ce métier et préparé à ce départ depuis qu'elle lui à annoncer vouloir suivre sa mère dans cette profession, il n'est pas pour autant rassuré de la savoir si loin de lui et cela même si tous les professeurs de sa fille, qu'il a interrogé sans qu'elle n'en sache rien, lui aient assuré que c'était sans danger.
Et enfin, il a sa conscience de père qui lui dicte de tout faire pour que son enfant soit heureuse et il est évident pour lui que sa fille le sera en exerçant en tant que cartographe, alors, il prend sur lui et fait bonne figure.

Il est ramené à la réalité par un cri venant de l'étage, de la chambre de son aînée pour être précis. Il s'aperçoit alors que sa cadette vient de s'assoir. Il lui sert son grau en tendant l'oreille.

-« Papa, tu n'as pas vu mon carnet de voyage! »

Ces paroles sont suivies, presqu'immédiatement, par le bruit d'une course dans les escaliers.
Parfaitement au courant de l'importance fondamental de ce journal, Charles se lève pour aller aider Lucie et se tourne vers Anna, sa petite dernière, pour lui demander de venir leurs prêter main forte. Il voit alors la jeune fille de 11 ans tête baissée, fixant obstinément son bol. Il comprend immédiatement qu'elle est responsable de cette disparition. Mais pour lui, c'est incompréhensible, les deux sœurs s'adorent.

- « Anna? »

La demoiselle relève la tête de son gruau, les larmes commencent à couler le long de ses joues.

-« Sous mon matelas. »

L'ainée, qui écoutait accoudé au montant de la porte de la cuisine, repart en courant à l'étage, ses pas résonnent dans toute la maison révélant sa délicatesse. Elle revient avec son précieux carnet qu'elle fixe alors sur son écritoire, support en bois situé sur son avant-bras gauche. Elle peut ainsi écrire tout en marchant, une encoche et une chaine solidarisant le crayon, une boussole complète l'équipement. Elle s'assoit ensuite à table avec son père et sa sœur.

-« Mais Anna, Pourquoi tu m'as fait ça? » Demande-t-elle.

La jeune fille muette quelques secondes, prend sur elle et s'explique, en pleurant.

- « je ne veux pas que tu partes. J'ai peur que tu fasses comme maman, que tu nous abandonnes et ne reviennes plus. »

Un long silence gêné suit son aveu.

-« Ma chérie ! Ta mère ne vous a pas abandonnées. Elle vous écrit tous les mois de longues lettres. Tu sais bien qu'elle ne peut pas venir vous voir parce qu'elle est à Port Orient. Il lui faudrait plus de dix jours de marche, avec tous les aléas d'un tel voyage, ce ne serait pas raisonnable. Lucie, après son
voyage, reviendra ici.

- Anna, je ne compte pas m'installer seule, tout de suite. Confirme l'ainée. Alors ne t'inquiète petit bouchon, tu m'auras encore quelques temps sur le dos. »

Charles est heureux d'entendre cette confidence, il avait peur qu'elle ait envie de son chez soi tout de suite après son diplôme. Il l'aurait aidée bien sûr mais il est content qu'elle attende un peu.

-« Hé, je fais la même taille que toi,! Rétorque Anna rassurée.

-Oui, peut-être, mais tu ne pèses pas plus qu'un petit bouchon de liège. » Lui explique Lucie en soulevant la chaise où est assise sa sœur d'une main et en lui déposant un baisé sur le front.

Ensuite un gros câlin collectif clos cet épisode émouvant.
Le père est le premier à reprendre le dessus sur ses émotions. Il lâche ses filles et prend deux paquets cachés dans le buffet et les donne à sa grande.

- « Lucie, voici deux cadeaux pour ta première mission. »

La jeune fille, surprise et contente, en déballe un et trouve un couteau et son étui.

-« C'est le couteau de botte de ta mère. Elle l'a laissé pour que je te l'offre avant ton premier voyage. Elle a toujours su que ton aisance et ton goût de l'écriture te mènerait vers le métier de cartographe, comme pour elle. »

A cet instant, tous les bons moments qu'elle avait passé avec sa mère et qu'elle avait enfoui dans sa mémoire parce qu'il était plus facile de faire semblant qu'il n'y a jamais rien eu de bien entre elles afin de supporter son départ, lui reviennent. Ce cadeau, l'explication de son père et tous ses souvenirs sont, pour elle, autant de preuve de compter et d'être comprise par sa maman, ce qui provoquent en elle une vague de bonheur.

C'est en essuyant ses larmes qu'elle ouvre le deuxième paquet. Elle y découvre une magnifique boussole. C'est stupéfaite qu'elle manipule l'objet et la compare à celle fourni par l'administration pour son travail.

- « Papa ! Elle a dû te coûter une fortune ? Elle est magnifique et beaucoup plus précise que celle qu'on m'a donné pour ma mission. La seule que j'ai vue aussi perfectionnée appartient à mon professeur de navigation. S'exclame-t-elle

-Je vais enfin comprendre pourquoi tout le monde trouve cet objet aussi indispensable. Pense-telle aussitôt.

- Anna a participé à cet achat. Précise le père. Elle a travaillé auprès de madame Schumann, la marchande de fruits, après l'école et a payé la moitié de la somme.
C'est ton professeur qui m'a conseillé de t'acheter cela en disant que les guides sont compétant mais qu'une très bonne boussole peut aider à rentrer plus vite. » Explique ensuite Charles, fier de lui

Lucie les embrasse chaleureusement et leur dit qu'ils ont été fous de dépenser une tel somme pour elle. Ils ne lui répondent pas, comprenant qu'elle est ravie de son cadeau. Elle dissimule, ensuite, son couteau dans sa botte de marche droite et sa boussole dans la poche intérieur de sa chemise.
Anna, la voyant faire, lui demande pourquoi.

- « C'est ma première mission, p'tite sœur, je ne peux pas me permettre de vexer le guide en ayant du meilleur matériel que lui.

- Tu as raison ma chérie, ce n'est pas la peine de risquer de le froisser. Approuve le père.

- Mais alors, ça ne te sert à rien ce cadeau ! S'exclame la petite tout à la fois déçue et indignée.

- Mais si petit bouchon, je m'en servirais le soir pour déterminer parfaitement la position du campement avec l'aide des étoiles. Ainsi mon rapport aura la meilleure précision possible. » Lui explique sa grande sœur, attendrie.

Ravie, la cadette attaque son gruau avec entrain, rapidement suivie par sa sœur qui a repris sa place à table à côté d'elle. Le père qui n'a décidément pas l'esprit à petit déjeuner ce matin, se contente de regarder ses filles manger avec appétit tout en se taquinant régulièrement.

Une fois son bol fini, l'ainée va chercher ses affaires dans sa chambre et revient dans la cuisine.
Après avoir vérifiée le contenu de son sac à dos une dernière fois, l'avoir installé correctement sur ses épaules, équilibrant les charges, réglant les bretelles et les courroies de stabilité, elle ceint son épée courte à sa taille et prend son bâton de marche aux armoiries de sa profession, une carte stylisé de Kana, leur ile. Elle se tourne alors vers sa sœur et son père pour leur fait ses adieux. Ceci sont bref tant elle a peur de craquer et d'éclater en sanglot, c'est tout de même la première fois qu'elle les quitte.


Une fois dehors, elle part en petite foulée au lieu de rendez-vous pour ne pasêtre en retard.
Le trajet jusqu'à la boutique de l'apothicaire lui permet de retrouver soncalme. C'est une professionnelle qui pénètre dans l'officine, pile à l'heure.

KanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant