Le reste de la marche est animée par les trois hommes qui racontent certaines de leurs aventures. L'humeur des demoiselles en est améliorée.
- « Nous allons nous arrêter pour la nuit dans le petit bois qu'on voit là est bas, annonce le guide. Après, il y a encore un champ avec au moins trois heures de marche pour le traverser. »
Une fois à destination, l'escorte se charge d'installer le campement.
- « Autevielle, cela te convient cet endroit ?
- Oui, Isaac ! Tant que qu'il n'est pas sous un pin abritant une colonie de chenille processionnaire, cela me va.
- Hé, s'écrit Derblay qui est en train de ramasser du bois. Cela ne m'est arrivé qu'une seule fois et c'était la première fois que je sortais de la ville.
- Peut-être, mais j'ai failli m'étouffé tant ma gorge a gonflé. Réplique l'ancien capitaine
-Et franchement il n'était pas beau à voir ! Se moque Isaac.
-Quand vous aurez fini de ressasser le passer vous viendrez m'aidez ! » Râle Derblay
Après de nombreuses palabres, disputes et essais, tout est enfin prêt.
Pendant ce temps, Lucie a eu le temps d'écrire le rapport de la journée et le portrait de chacun de ses compagnons. Ambre s'est juste reposée n'ayant pas l'habitude des autres de tant d'exercice.
Le repas est rapidement pris.
Les anciens F.S.A.T montrent, alors, à la cartographe leurs différentes bottes. Têtue, elle s'entraîne avec acharnement pendant deux bonnes heures et toute la journée du lendemain, n'hésitant pas à redemandant des explications en plein milieu du chemin. Grace à cela, le deuxième soir, elle les maitrise parfaitement. Derblay, étonné par sa ténacité mais surtout qu'elle y soit arrivée si vite, décide de l'entraîner aux combats contre plusieurs adversaires, avec l'aide de ses amis. Là encore, elle s'en sort plutôt bien, au point que ces compagnons d'entrainement ne retiennent plus leurs coups après seulement une demi-heure. Le troisième soir, elle arrive même à désarmer son professeur lors d'un duel.
Dès le début des passes d'armes, le guide s'aperçoit que l'apothicaire regarde les cinq s'entraîner avec envie. Il lui propose, alors, de lui apprendre le maniement de l'épée. La jeune fille l'en remercie mais lui dit préféré le tir à l'arc. Ses débuts sont laborieux. L'arme est vraiment difficile à bander pour la demoiselle peut habituer aux efforts physiques. En plus, la corde lui cisaille douloureusement les doigts. Mais tout autant entêtée que la cartographe, elle réussit après avoir pensé à s'entourer les phalanges d'un mouchoir à étirer suffisamment la corde de son arc pour envoyer sa flèche à une distance d'au moins dix mètres avec une force suffisante pour s'y planter profondément. Elle s'entraine, elle aussi, pendant les deux jours suivants et le troisième soir elle atteint chaque cible que lui désigne Elessar, au point que celui-ci lui fabrique un arc et lui taille quelques flèches.
Au réveil du quatrième jour, les jeunes femmes sont, à nouveau, mélangées entre elles et leurs couvertures. Elles ont dormi comme les deux autres nuits, l'une à côté de l'autre, Lucie étant placée entre la route et Ambre. Seulement cette fois, n'ayant plus l'esprit obnubilé par l'archerie ou l'escrime, elles se demandent, l'espace d'un instant, si une telle proximité est déplacée.
Leur plongés à corps perdue dans les études ne leur a pas permis d'acquérir les automatismes de la vie avec leurs contemporains. Elles savent que la période entre l'enfance et l'âge adulte sert justement à établir cela, seulement elles avaient d'autre chose en tête.
Alors elles se fient à la réaction de l'autre qui ne semble pas indisposée. Elles en concluent que c'est une situation tout à fait anodine, surtout que cela va dans le sens de ce qu'elles ressentent et passent à autre chose.
Après un petit déjeuner fait de pommes, de poires et de myrtilles cueillies dans le petit bois, le groupe repart. Cette quatrième journée est nuageuse mais l'ambiance très amicale au sein du groupe compense largement. Les choses changent un peu quand Isaac aborde un point qui l'ennui depuis l'enfance.
-« Lucie, dans vos études, avez-vous abordé les légendes et les prophéties ?
-Isaac, tu ne vas pas remettre ça, intervient Autevielle agacé. Ce ne sont que des contes de bonne femme pour se faire peur entre elles et tenir plus facilement les enfants sages.
- Oui, nous les avons étudiés mais d'un point de vu littéraire, précise tout de même la cartographe. Nous avons décortiqué les mécanismes et le style. Mais pourquoi cette question, Isaac ? Demande-t-elle avec curiosité.
-C'est ma grand-mère qui m'a élevé. Elle me racontait toujours que si je suis si grand et si fort c'est parce que ma mère était tombée amoureuse d'un troll quand elle était petite.
-Isaac interrompt à son tour Derblay. Il n'y a pas plus gentil que toi. Si tu avais du sang de Troll, cela ferais longtemps que tu aurais étripé Autevielle quand c'est son tour de cuisiner.
-Parce que ta cuisine est meilleure peut être ? » S'indigne l'ancien capitaine.
Lucie reprend la parole mettant ainsi fin à leur chamaillerie.
-« Je connais très bien cette prophétie, elle dit :
A l'heure où les différences n'existent pas encore
Si l'amour sincère et désintéressé touche deux êtres que la nature oppose
Mais réuni par Kana qui leur donna vie le jour de l'équinoxe d'automne
Un enfant réunissant les qualités de ses parents sera le cadeau à la mère pour ses dix-huit ans
Mais vingt-deux ans sera nécessaires pour que les âmes sœurs soient à nouveau réunies
Et seul l'abandon de leur famille leur permettra de retrouver l'amour et le gout à la vie.
Si le cœur de deux enfants ainsi venu au monde bat à l'unisson rien ne les séparera, ni ne les blessera.
Isaac, votre mère et vous, êtes-vous nés à l'équinoxe d'automne ?
- Non.
- Votre mère est-elle partie quand vous aviez onze ans ?
- non.
- Donc, vous n'entrez absolument pas dans les critères de cette prophétie.
- Merci, c'était donc de la simple méchanceté ce que disait ma grand-mère ?
-Tu sais, intervient Autevielle, si elle était vraiment méchante, elle ne serait pas restée jusqu'au bout à aider tes parents, surtout après que ton petit frère se soit marié. »
Lucie et Ambre se sont rapprochées pendant la conversation entre la cartographe et le grand homme, cette évocation de la prophétie leur rappelant le départ de leur mère. Instinctivement elles se prennent la main pour se soutenir dès que la distance entre elles le permet. Comprenant qu'elles ont besoin de se retrouver ensemble les quatre hommes, une fois la conversation finie, s'écartent d'elles, deux se placent alors à l'avant du groupe et deux ferment la marche.
Les filles se rendent compte de toutes ces manœuvres et se promettent de remercier leur escorte et le guide. Pour l'heure elles ont besoin de rester réfléchir.
Après un quart d'heure, Lucie n'en peut plus de ce silence, elle a besoin de parler avec Ambre ;
- « Tu connais surement l'apothicaire Albert Hofmann ?
- Oui.
- C'est lui qui a fait la prophétie que j'ai récité tout à l'heure. Mes professeurs ont toujours été retissant à y porter crédit à cause de son obsession à avoir des relations amicales avec les trolls, ce qui lui couta la vie, associé à son habitude de consommer des champignons hallucinogènes qui ont toujours été ses sujets de recherche.
- Tu sais Lucie, j'aurais plutôt tendance à penser comme tes professeurs. Car même si vers sept ans, les elfes, les nains, les trolls et les hommes se ressemblent énormément, nous ne pouvons clairement pas concevoir d'enfant ensemble.
-C'est vrai que tu es une scientifique. Moi qui suis plutôt une grande rêveuse, à l'époque où j'ai entendu cette prophétie pour la première fois, je m'y suis accrochée parce qu'elle excusait ma mère. C'est d'ailleurs pour ça que j'en parle.
-Moi, quand elle est partie, j'ai tout fait pour oublier que c'est arrivé.
-J'ai fait ça aussi mais je m'interrogeais quand même très souvent sur ces raisons. »
Elles se taisent à nouveau mais moins longtemps et c'est l'apothicaire qui renoue le dialogue.
-« Tu as toujours cet espoir fou que cette prophétie explique son départ ?
- Oui, ainsi ce ne serait pas vraiment de sa faute.
- Mais tu sais, Lucie, si elle est amoureuse de son ami d'enfance depuis si longtemps, il s'agit d'une force aussi grande que celle décrite dans la prophétie.
- Je le sais bien, mais j'ai du mal à accepter qu'une mère puisse laisser ses enfants alors j'ai toujours l'espoir que ce n'est pas de son fait mais à cause du destin.
- Je te comprends très bien. »
Le reste de la matinée, elles ont participé aux conversations, plaisanté avec les autres et beaucoup ris, mais elles ne se sont lâchées la main que pour déjeuner.
VOUS LISEZ
Kana
FantasyUne cartographe accompagne une herboriste, son guide et ses trois gardes pour sa première sortie en dehors de Vulcania. L'amour et l'aventure seront eux aussi du voyage.