Chapitre 5

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A la fin de son récit, la cartographe se tourne vers ses compagnons. Pour ne pas être perturbé par leur regard, elle vient de raconter son histoire en regardant droit devant. Elle n'a donc pas pu s'apercevoir que son auditoire a été conquis dès les premières phrases. C'est ce qui explique son étonnement d'être accueillie par des visages si pleins d'admiration. Devant tant de compliment muet, les joues de la demoiselle rosissent instantanément.
Pour que le silence n'augmente pas son malaise, Isaac intervient :

-« Merci mademoiselle Le Corbier, avec votre histoire, si j'arrive à m'en souvenir, je vais enfin pouvoir donner un peu de savoir livresque à mes enfants, ce qui les changera de mes histoires de Troll.

-Cela me touche que vous vouliez utiliser mon récit ainsi, monsieur Isaac. Mais s'il vous plait appeler moi Lucie, tout comme vous messieurs Autevielle et Derblay.

-C'est d'accord si vous n'utilisez plus de monsieur quand vous nous appelez. Cela nous vieilli terriblement. Lui répondent les trois hommes ensembles.

-C'est d'accord. Isaac, vos enfants ont quels âges?

-Ils ont 16, 14, 9 et 7 ans.

-Quatre! Et qu'elles sont leurs prénoms?

-l'aîné s'appelle Jean, ma fille qui suis, c'est Emma et les deux petits se nomme Yann et Luc.

-Je suis certaine qu'ils sont fier d'avoir un père tel que vous avec toutes les histoires que vous devez leur raconter.

-Je ne sais pas. Ce qui est sûr c'est qu'ils aimeraient que je sois plus présent. »

Sentant qu'il vaut mieux changer de sujet, le guide prend la parole.

-« Les trois histoires des majors des trois académies de cartographies ne sont-elles pas racontées par leurs auteurs lors du Grand Défouloir ?

-Si, en plus c'est mon texte qui a été choisi pour clôturer les festivités, au moment où il y a le plus de monde. Ce n'est pas vraiment ainsi que j'avais envisagé ma soirée d'anniversaire pour le passage à ma majorité. Confirme la cartographe en blanchissant rien qu'à l'idée.

-Tu es née le jour de l'équinoxe d'automne ? S'étonne l'apothicaire

-Oui, comme ma mère.

- Si je suis à Vulcania, je viendrais vous voir avec ma famille. Réplique Isaac qui n'a pas entendue le petit dialogue entre les demoiselles.

-Merci ! J'espère que vous me la présenterez ?

- Je n'y manquerais pas. Je pense même que mes compères ici présents m'accompagneront. »

Les deux hommes confirment de la tête.

-« Cela me touche, mais ne vous attendez pas à plus que ce que vous avez entendu tout de suite. En plus je risque de vraiment beaucoup bafouiller.

- Raison de plus pour que nous venions, notre présence à souvent un effet calmant sur la foule. » Explique Autevielle.

Le groupe pénètre alors dans un petit bois.

Le guide s'arrête au milieu du chemin et se tourne vers Ambre et Lucie

-« Nous allons déjeuner à l'abri des arbres. Mesdemoiselles, pouvez-vous vous occuper du campement pendant que nous partons chasser notre nourriture ?

-Bien sûr ! Acceptent les jeunes femmes en même temps.

-Nous n'en aurons pas pour longtemps. » Précise Elessar avant de s'enfoncer dans le sous-bois situé à gauche de la route avec les trois gardes.

Après un instant de battement, l'apothicaire jauge les lieux puis se dirige vers l'espace situé à droite de la route, la cartographe d'accord avec son choix la suivant sans rien dire.

Ensuite, elles aménage l'endroit :

- « Ambre, tu as semblé étonné lorsque j'ai parlé de mon anniversaire. Demande dans un murmure Lucie tout en se penchant afin de ramasser deux pierres qu'elle donne à sa compagne avant d'en récupère quatre.

- je l'ai été. Je suis moi aussi née ce jour-là, comme ma mère. Répond la châtaine en équilibrant les roches dans ses mains.

- On est presque des jumelles alors ! »

Elles disposent, dans la partie centrale de la petite place, les roches en cercle pour délimiter un foyer. Ambre entreprend d'enlever la végétation pour rendre la terre apparente après avoir donné sa serpe à Lucie. Cette dernière retourne sur ses pas et coupe les ronces qui entourent trois beaux troncs.

-« Ce qui serait drôle c'est que nos mères soient, elles aussi, née le même jour. » Dit-elle tout en travaillant.

Après avoir passé l'outil dans sa ceinture, Lucie empile leurs futurs bancs puis les attrape à bras le corps et s'en retourne.

- « Je ne connais pas l'âge de ma mère, elle est partie retrouver son amour de jeunesse, il y a sept ans. J'en avais onze et ne faisait pas attention à ce genre de chose. » Continue-t-elle en pourtant sa charge sans même être essoufflée.

Elle découvre sa compagne muette d'étonnement quand elle relève la tête après avoir disposé leur siège autour de l'âtre. D'un froncement de sourcil elle l'interroge.

-« C'est exactement ce qui m'est arrivé ! » Explique alors l'apothicaire après avoir allumé le feu en frottant deux bouts de bois l'un sur l'autre.

Pour être certaine qu'il prenne, Lucie enlève l'écorce des troncs qu'elle donne à Ambre qui les pose stratégiquement, n'hésitant pas à souffler sur les jeunes braises pour les enflammer.

- « Comment l'as-tu vécu ? Demande la cartographe quand elle a terminé l'écorçage.

- Comme un abandon, et toi ? »

La jeune femme prend la main que lui tend la cartographe et se relève. Ensuite elles vont chercher de quoi alimenter le feu.

- « Pareil.

- Ta sœur s'appelle comment ?

-Anna, tu as des frères ou des sœurs ?

- Non, je suis fille unique. »

Arrivée au tas de bois mort, elles se lâchent la main et en prennent une pleine brassée chacune avant de retourner au petit campement qu'elles ont installé.

- « A part cette différence, on dirait le début d'une légende. Tiens, c'est quoi ton histoire préférée ?

- Tu sais cela fait longtemps que je suis plutôt focalisé sur les plantes.

- Oh, tu as dû en lire quand tu étais jeune. »

Elles déposent leur fardeau et la plus petite des deux alimente le feu pendant que l'autre réfléchit.

- « Je crois que maman me racontais, pour que je m'endorme, l'histoire d'une humaine et d'un elfe tombant amoureux alors qu'ils n'avaient que 7 ans. »

Cette fois c'est Lucie qui regarde sa compagne avec étonnement avant de s'expliquer :

-« Ma mère me l'a racontais aussi mais c'était une humaine et un nain.

- Vu que nous avons le même âge, cela devait être une histoire à la mode. »

Maintenant que la flambé est belle, chacune choisit une branche en forme de Y et en taille la partie verticale en pointe.

- « Oui, tu as sans doute raison. Nos mères ont dû changer les protagonistes pour coller au mieux à nos gabarits respectifs. »

La cartographe récupère les bouts de bois et les plante dans le sol de part et d'autre du feu pendant que l'apothicaire nettoie de son écorce un long et fin bout de bois qui servira de broche.
Ensuite, elles se dirigent vers un prunier qui ploie sous ses fruits.
Lucie redresse un tronc et le maintien vertical pendant qu'Ambre monte dessus et commence la cueillette en mettant les prunes dans la capuche de son amie qui est devant elle.

- « Et toi c'est quoi ton conte préféré ?

- Quand j'ai commencé l'académie, j'étais comme toutes les petites filles, une passionnée des histoires où le héros sauve la dame de son cœur.
Maintenant cela m'énerve, je pense que mon conte préféré sera celui que j'écrirais et où la fille se sauvera elle-même.

- Je te comprends ! Surtout que si je me souviens bien c'est très souvent grâce à un objet magique ou en trouvant la solution d'une énigme qu'il y arrive. Ce sont des choses à la portée aussi bien des hommes que des femmes.

- Tout à fait. Le pire c'est que les cartographes femmes perpétuent cela elles aussi. »

Ambre descend sans effort ni bruit quand la capuche de Lucie est pleine. Elles retournent s'assoir devant le feu.

- « Tu n'as pas peur de créer une petite révolution si tu écris un conte comme tu le souhaite ?

- S'il est bien écrit et captivant, je pense que cela passera. »

Dans un même ensemble, elles se retournent et voient les quatre hommes sortir du sous-bois à vingt mètres d'elle, avec deux lapins et une perdrix.
Une fois arrivée à leur hauteur, ils les félicitent pour l'installation impeccable du camp. Elles ne voient pas ce qu'il a d'extraordinaire mais les remercie.
Le guide agrandit un peu le feu afin de cuire les trois gibiers en même temps puis s'installe à côté d'Isaac qui raconte leur chasse aux jeunes femmes.

Le repas est très bon et les prunes font l'unanimité.

Pendant que les restes sont emballé dans du feuillage par Ambre, le feu éteint et les cendres enfouies pour éviter tout incendie, Lucie note, succinctement, les informations qu'elle veut voir figurer dans son rapport et localise le lieu.

Cela ne lui pose aucun problème puisque Vulcane est encore visible en retournant à l'entrée du bois.
Elle profite d'être seule pour utiliser la boussole offerte par son père et sa sœur. Son utilisation et sa précision sont réellement un plaisir même si d'instinct, elle avait déjà les coordonnées.

Après avoir bu dans le ru serpentant dans le bois etrefait leur réserve d'eau, le groupe se remet en route.

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