Chapitre 3

249 12 8
                                    

Une fois dehors, Elessar se tourne vers les autres.

-« Si nous voulons sortir rapidement de Vulcania par la porte orientale, il va falloir passer le poste de contrôle avant l'arrivée des commerçants. Pour ça, nous devons y être avant le lever du jour qui a lieu dans moins d'une demi-heure. Vu où nous sommes, le seule moyen d'y arriver c'est en courant.
Mesdemoiselles, cela vous pose-t-il le moindre problème ?

-Non aucun. » répondirent elles ensemble.

L'escorte adopte alors une technique qu'elle a souvent utilisée. Elle se positionne en avant du petit groupe qui part en petite foulé. Ainsi le bruit de casserole s'entrechoquant que fait leur plaque de protection signale efficacement leur venu et si ce n'est pas suffisant, les trois gaillards n'hésitent pas à user de la voix. Les autres usagers des rues qu'ils empruntent, en voyant leurs gabarits impressionnant et leurs lancés, s'écartent immédiatement de leur passage.
C'est donc sans jamais avoir à ralentir que l'équipe traverse les trois-quarts de la ville en moins de vingt minutes.
À leur arrivée, la porte est ouverte seulement aucun fonctionnaire ne se trouve à la barrière de contrôle. Au moins ils sont les premiers.
Lucie, fraîche et nullement essoufflé, annonce qu'elle va chercher si un contrôleur peut les faire sortir tout de suite et part vers la maison se trouvant contre la muraille non loin d'eux.
Quand elle entre dans le poste de contrôle, le bureau placé à l'accueil est occupé par un fonctionnaire visiblement mécontent d'être dérangé.

-« Le poste de contrôle ouvre dans cinq minutes!

-Je le sais bien. Mais je suis Lucie Le Corbier, cartographe et je pars en mission avec l'expédition Avenne. »

Elle déboutonne alors sa manche droite et montre le tatouage sur son avant-bras, attestant de la véracité de ces dires.

Le fonctionnaire la regarde alors et se met à sourire. C'est d'un ton goguenard qu'il lui répond.

-« Vous croyez que c'est en me montrant un vague dessin, jeune fille que je vais vous croire? Vous auriez au moins pu essayer de vous vieillir, c'est limite insultant.

-Votre nom monsieur? Demande la jeune femme d'une voix pleine d'autorité.

-Tanplan, Ran Tanplan. »

Lucie, imperturbable, écrit rapidement sur son carnet de voyage le nom de l'impudent et ce qui vient de se passer. Il s'agit là autant d'une posture pour se contrôler et ne pas laisser exploser sa colère que d'une note pour être certaine de ne pas oublier cet incident. Une fois son calme revenu, elle lui répond.

-« Bien, votre capitaine aura mon rapport à mon retour. En plus si j'avais été une jeune écervelée voulant partir à l'aventure, je vous rappelle que vous auriez dû me dire que j'encourais un an de prison pour usurpation d'identité. «

Elle s'en retourne ensuite vers la sortie. Le fonctionnaire un instant interloqué réagit après une seconde en se précipitant puis en se plaçant devant elle pour l'empêcher de sortir.

-« Que faites-vous? S'énerve-t-elle

-Comme vous l'avez si bien précisé tout à l'heure, se faire passer pour une cartographe est passible de prison. Je vais donc vous arrêter. »

Il joint le geste à la parole et tente d'attraper la demoiselle. Prestement, elle lui agrippe le poignet et s'en effort, à l'aide d'une clef de bras, elle l'immobilise en l'obligeant à être à genoux s'il ne veut pas avoir l'articulation fracturé.
L'homme d'abord surpris, tente ensuite de se dégager mais la douleur et les yeux translucide de
colère de la cartographe l'en dissuade très vite.

-« Savez-vous que le dernier fonctionnaire qui ait tenté d'arrêter un cartographe dans l'exercice de ses fonctions a été affecté à vie au comptage des crayons?
Vous, je pense que ce sera aux nettoyages des fosses d'aisance, la réflexion n'étant semble-t-il pas votre fort.
J'espère pour vous que votre odorat est aussi développé que votre perspicacité. »

Le fonctionnaire, toujours sûr de son bon droit, continue à s'entêter.

-« Là, c'est vous qui êtes en très mauvaise posture. Agression sur un contrôleur des migrations c'est au mieux deux ans de prison. »

Lucie ne sait même plus quoi répondre et se demande si elle ne va pas devoir l'assommé pour régler rapidement le problème. D'autant que l'homme persiste.

-« Mais enfin, une enfant ne peut être cartographe! »

Là, elle comprend et lui répond en affichant un sourire ironique.

-« Vous aggravez votre cas monsieur Tanplan. Deux semaines après que nous soyons diplômés, les dix postes de contrôle des déplacements reçoivent un descriptif détaillé et un portrait de tous les cartographes en activités. Vous auriez été avisé de le compulser avant de vous mettre dans cette fâcheuse position.

-Vous êtes réellement une cartographe? »

Lucie le lâche, il s'effondre, elle le contourne et sort sans lui répondre pour ne pas risquer d'acte de pure violence s'il est encore vexant.

Passablement énervée, elle retourne auprès de ses compagnons. Elle voit alors Elessal en conversation avec le responsable du poste. Elle le reconnait pour avoir discuté avec lui lors de sa cérémonie de remise de diplôme. Ces événements sont organisés à des dates différentes dans les académies. Tous les responsables du contrôle migratoire et tous les cartographes en activités doivent y assister. L'idée est de permettre à chacun de s'y côtoyer et ainsi de se connaitre, au moins de vu, pour éviter, autant que possible, les incidents comme celui que vient de vivre Lucie ou les usurpations d'identité.
Elle l'interpelle de façon quelque peu brutale. Le fonctionnaire peu habitué à des manières si cavalièrement à son égard se retourne vers elle, énervé. D'un regard sur son visage et sachant lequel de ses hommes elle vient de rencontrer, il comprend tout de suite ce qu'il a du se passer. Habille stratège, il tente de désamorcer la situation.

-« Mademoiselle Le Corbier! Je suis ravi de vous revoir. Quand j'ai appris que vous étiez la cartographe de cette expédition, je n'ai pas résisté à expliquer à Elessar l'excellence de votre H.F.E qui fit de vous la majore de votre promotion. »

Il y a de nombreuses aptitudes à acquérir pour devenir cartographe. La plus populaire de toute est justement validée par le H.F.E. Cet Acronyme signifie Histoire de Fin d'Etude. Il s'agit pour les élèves de montrer leur aptitude à rédiger le texte d'une histoire devant être raconter à l'oral.

-« Merci. Capitaine. Pourrais-je vous voir en privé? » Demande Lucie qui a tout de suite senti que l'homme tentait de faire diversion.

Ne pouvant faire autrement que d'accepter, il la suit après qu'ils se soient tous les deux excusés auprès des autres. Il l'emmène dans son bureau où elle lui raconte toute sa mésaventure et conclue.

-« Si j'écris le rapport que je suis censée faire, certes monsieur Tanplan aura ce qu'il mérite mais vous allez, vous aussi, en subir les conséquences. Conclue-t-elle.

-Et que proposez-vous, alors?

-S'il n'est plus en fonction quand je reviens de cette mission, je ne ferais aucune mention de cet incident dans mon carnet de voyage.

-Merci, mademoiselle, je ferais donc le nécessaire.

-Vous connaissant, j'en suis certaine. Capitaine, je ne veux pas être impolie mais votre homme m'a fait perdre déjà beaucoup de temps et la route jusqu'aux sources d'eaux chaudes est longue.

- je comprends tout à fait. Je vous accompagne, il ne faudrait pas éventer notre soi-disant contrôle sur les cartographes.

-Évidement. D'autre part, Capitaine, apprenez à vos subordonnés à regarder dans l'annuaire des Cartographes. J'ai déjà assez de ma petite sœur qui me répète à loisir que nous avons la même taille pour ne pas en plus subir cela au travail. Dit- elle avec un sourire.

-Ils connaîtront cet annuaire par cœur et ils vous appelleront par votre nom à votre retour.

-Merci, capitaine. Allons-y. »

Il se lève de son bureau et l'accompagne jusqu'aux compagnons de la demoiselle.
Lucie est accueillie par le guide.

-« On va pouvoir y aller, il n'y a pas de soucie?

-Oui, aucun. »

Après avoir salués le capitaine, ils prennent la route d'un bon pas.

Il faut plusieurs minutes à Ambre pour passer outre sa timidité naturelle et oser aborder la cartographe.

-« Excusez-moi de vous déranger mademoiselle Le Corbier, mais j'ai l'impression que quelque chose vous préoccupe depuis votre sortie du bureau des contrôleurs de migration. Je voulais juste vous faire savoir que si vous avez besoin de parler de quoique ce soit, je suis là. »

Lucie est vraiment touchée par la démarche de la jeune femme.

-« Merci mademoiselle Avenne mais ce n'est rien d'inhabituelle, hélas. »

Ambre comprend alors immédiatement ce qui s'est passé.

-« Je suis diplômée, sûrement comme vous, depuis un mois et dès le lendemain, j'ai aidé mon père à l'officine. Tous les jours, on me demande au moins dix fois si je suis là pour essayer le métier et ainsi voir si le métier me plait avant de commencer ma formation.

-Un camarade de ma sœur de onze ans m'a draguée comme si j'avais son âge. Révèle-t-elle avec le sourire.

-Un dimanche où je suis sorti sans m'apprêter pour aller acheter du pain, j'ai été servi par la mère du boulanger qui m'a donnée un bonbon parce que j'avais été poli.

-Hé, vous allez à quelle boulangerie ? Moi, j'ai juste le droit à un petit pain et encore, quand je dis bien bonjour madame et merci madame avec un grand sourire. »

Après un court moment de silence, elles éclatent de rire. Lucie, une fois calmée, remercie la jeune fille. Plus d'une minute de marche silencieuse se passe avant que la cartographe ose poser sa question à l'apothicaire.

-« Cela vous dérangerait si nous nous tutoyons et nous appelions par nos prénoms ? »

Ambre est ravie de l'initiative, elle luttait contre sa timidité, depuis quelque temps déjà, pour faire elle aussi, cette demande. Elle accepte donc immédiatement.

Les quatre hommes ont suivi l'échange dès le début, ayant bien vu le changement d'humeur de Lucie. Ils avaient déjà prévu d'intervenir et avaient concocté un plan d'action à voix basse. Mais ils sont encore plus contents de ne pas avoir à le mettre en œuvre. Pour eux, Le rapprochement des jeunes
femmes est la meilleure des choses pour que leur voyage à toutes les deux soit le plus facile.

L'apothicaire les a bien choisis, ils ont tout de suite adoptés les demoiselles comme leurs filles de cœur.

Après une heure de marche pour dépasser les potagers, Elessar les fait bifurquer à gauche. Il quitte alors la grande route bien carrossé pour un chemin aux larges ornières.


-« Les moissons sont finis depuis trois jours, nous devrions être plutôt tranquille. »


Les autres acquiescent de la tête et le suivent.
Apres quelques minutes de marche où chacun est perdu dans ses pensées,l'apothicaire interroge sa nouvelle amie.

-« Lucie, on se demandait avec les autres, quand tu étais avec lecapitaine, de quoi parlait ton H.F.E ? »

Lucie, est toujours gênée de parler de ces réussites. Elle a toujours ladésagréable impression de se vanter

-« C'était juste une petite histoire de Kana et des cartographes,rien de très original. »

Leur guide intervient alors.

-« Tu sais Lucie, avec mademoiselle Avenne, vous êtes les seules à êtreallées à l'école, dans le groupe. Nous, nous ne savons pas lire. Alors ce quite semble une évidence, nous est sûrement inconnue. Donc si tu pouvaisnous raconter ton H.F.E pendant qu'on marche, cela nous pénétrait d'être moins bêteà la fin du voyage. »

Ambre lui fait un sourire d'encouragement auquel elle répond par un hochementde tête.

-« C'est d'accord mais ne vous attendez pas à quelques choses d'originale. »


KanaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant