Si un médecin vous questionne, interrogez-vous sur ce qu'il cache ou pas

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-Est-il mort ?
Je sentais quelque chose me toucher le cou puis se retirer. J'avais l'étrange sensation de flotter, comme si je rêvais, je ne ressentais aucune sensation mais dès que j'eus pensé ça, tous mes sens me revinrent brutalement.
-Non il n'est pas mort, dit une voix, il revient à lui.
-Il est sacrément chanceux celui-là, dit une autre voix. Avoir réussi à survivre à deux explosions avec aussi peu de blessures.
J'avais mal, mais vraiment mal. Pas comme si je venais de tomber de vélo, mais plutôt comme si je venais de sauter d'un immeuble de quinze étages. Chaque muscle de mon corps hurlait de douleur. Cette douleur m'empêchait de me concentrer. J'essayais de me forcer à faire abstraction de la douleur et tentais de me souvenir des événements qui s'étaient déroulés avant que je ne m'évanouisse.
Le colis, la pièce, l'humain, l'oiseau, le dieu... les explosions ! J'avais été emporté par le souffle de deux explosions ! Si je n'avais pas contrôlé le Karma, je serais mort. Ou en tout cas j'espérais que c'était ce qui m'avait maintenu en vie -car sinon on m'avait vraiment vendu de la camelote comme pouvoir.
Le choc d'avoir échappé à la mort d'aussi près me fit trembler de peur, ne faisant qu'augmenter ma douleur. Je pris une grande inspiration, agonisant, pour me calmer. Il ne fallait pas que je fasse mauvaise impression devant les personnes qui se trouvaient à mes côtés.
Dès que j'ouvris les yeux -étonnamment ceux-là ne me faisaient pas souffrir- je tombais nez à nez avec ce qui semblait être... un badge de police. Ça sentait les ennuis à plein nez.
-Lieutenant Sarre de la police judiciaire et voici le capitaine Troy, me dit le lieutenant qui me mettait son badge juste devant mon visage.
Non c'est vrai, je croyais que le badge n'était pas assez clair sur qui il était. Sérieusement être de la police te rendait fier à ce point ?
-Comment vous sentez-vous jeune homme, reprit-il en rangeant enfin son badge. Ne vous inquiétez pas les secours arrivent, ils seront là dans quelques instants. Essayez de voir si vous pouvez vous relever.
Et retomber dans les pommes ? Non merci, je passe. Mais visiblement on n'était pas du tout sur la même longueur d'onde ce policier et moi, étant donné qu'il tenta de me redresser.
Je déballais une série de jurons -dans ma tête évidemment- et essayais de conserver un visage impassible pendant qu'il me faisait asseoir. Pitoyable tentative, c'était. À chaque mouvement on pouvait m'entendre inspirer un grand coup et siffler entre mes dents à deux kilomètres de là. Et des larmes me montaient aux yeux. Franchement si c'était ça la punition que je recevais pour avoir flemmardé ce matin, en supposant qu'on soit toujours le même jour, le Karma méritait que je le fasse brûler dans les feux d'Indra.
-Comment vous appelez-vous ? Me demanda le capitaine Troy à ses côtés sur le ton du mauvais flic.
Et sinon le fait qu'il y ait eu deux explosions, ce n'est pas plus important ?
-Je m'appelle Diggle Spinoza, répondis-je tout de même.
-Très bien, dit-elle, pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé avant que vous vous retrouviez dans les vapes ?
Je lui racontais tout en détail, sauf les parties concernant le karma ainsi que la raison pour laquelle j'avais mis autant de temps à arriver, mais je leur dis en revanche que deux personnes se trouvaient dans cette maison avant qu'elle n'explose.
-Donc, résuma le lieutenant Sarre, vous êtes venu livrer un colis pour l'hôte d'une divinité, sauf que personne n'a répondu quand vous avez sonné, et juste avant l'explosion vous avez entendu les cris d'une femme, c'est bien ça ? Vous n'avez rien oublié ?
-Ah, si, me souviens-je soudain, juste avant les cris et les deux explosions, un rapace, sûrement d'un hôte, s'est pointé avec une lettre. Mais je ne sais pas où il est passé. Lui et la lettre.
Et comme par hasard dès que j'eus prononcé ces mots, je sentis dans ma main gauche la texture d'une feuille. Et devinez ce que c'était ?
Je leur tendis la lettre qu'ils examinèrent comme s'ils étaient en train de deviner le nom d'une bouteille de vin. La méchante flic alla jusqu'à renifler chaque recoin de la feuille avant de la mettre dans un sachet en plastique et déclarer :
-Un être céleste l'a touchée. Vu la marque de singe derrière la lettre je pencherais pour le dieu Égyptien Baba. Mais ce qui est bizarre c'est que c'est un rapace et pas un singe qui t'as apporté cette lettre.
-Et moi ce que je trouve bizarre, fis-je remarquer, c'est que vous trouvez ça bizarre. On parle de divinités qui n'ont aucun problème à se marier entre frères et sœurs ou à manger leur propre enfant alors franchement en quoi ça, ça pourrait être étrange ?
-Le problème, me répondit-elle, c'est qu'en temps normal les dieux ne prennent jamais un autre animal totem que le leur. Leur fierté leur en empêche. Surtout pour les dieux égyptiens. L'animal ne représente pas simplement leur pouvoir, c'est une des parties les plus vitales chez eux. C'est plus qu'une simple question de fierté. Sans leur animal totem il ne pourraient pas exister, ou en tout cas ils ne seraient pas aussi puissants.
Etant donné que le Karma n'avait pas de forme ou de véritable symbole qui le représentait, je ne connaissais pas ce problème. Ce qui en soi m'arrangeait assez. S'il suffisait que l'humanité cause l'extinction d'une espèce pour que je perde des pouvoirs qui pouvaient me permettre de détruire la Terre d'un simple souffle, je préférais largement garder les miens.
Mais cela expliquait aussi la perplexité de la policière. Alors dans ce cas...
-Ce n'est peut-être pas un dieu égyptien, suggérais-je, c'est peut-être un dieu qui n'a pas d'animal particulier. Il doit sûrement en exister, non ?
-Un dieu qui peut revêtir la forme de plusieurs animaux, murmura le policier en hochant légèrement la tête avec un air pensif, il y a bien Loki. Mais le problème c'est que ce n'est pas dans son caractère d'aider.
-Bon de toute manière nous en reparlerons après avoir fait votre déposition, dit notre capitaine plus sérieuse que jamais. En attendant, nous allons attendre qu'un médecin diagnostique votre cas.
Je commençais d'ailleurs à fatiguer de devoir rester éveillé.
-Mais avant ça, repris le capitaine, vous aviez dit que cette oiseau se dirigeait vers vous ?
-Oui enfin, je pense plutôt qu'elle allait déposer la lettre chez la personne qui habitait ici, répondis-je avec grande difficulté
-Bizarre, fit-elle remarquer, car j'ai plutôt l'impression que cette lettre vous est destinée. Bon reposez-vous, on parlera plus tard.
Juste après avoir entendu les mots que j'attendais depuis mon réveil, je m'allongeais de nouveau sur le sol en fermant les yeux.
Je me téléportai quelques instants après à l'hôpital. Ou plutôt les médecins arrivés sur la scène de guerre, créée par le passage de divinités, me ramenèrent à l'hôpital pendant que j'étais inconscient. Mais on ne va pas chipoter pour des détails.
J'ai en revanche un aveu à faire, j'ai toujours eu peur des hôpitaux. Mais pas à cause des aiguilles comme la plupart des personnes. Non, j'ai toujours eu peur de ceux qui étaient derrière la seringue. Je savais qu'ils étaient assez compétents et avaient fait beaucoup d'études pour la tenir, mais pour une raison inconnue, la grande majorité d'entre eux avaient beaucoup de vieux squelettes dans leur placard.
Jusqu'à maintenant je n'avais vu que très peu de médecins ou docteurs ayant un karma plus bleu que rouge. Pour mettre un exemple sur mes propos, lors de mes douze ans, je me suis cassé une jambe -ce n'était pas censé arriver avec mes pouvoirs- je suis donc allé à l'hôpital et je suis tombé sur l'un de ceux que je nommais les tourmenteurs -ou ceux qui possédaient un mauvais karma. Etant donné qu'il était celui qui allait s'occuper de moi j'étais très curieux de savoir quel genre de vice il avait bien pu commettre. Le principe du sacrifice pouvait aussi être utilisé dans ce cas-là. Si je sacrifiais une somme importante, je pouvais voir son vice le plus important, mais à ce moment je n'avais qu'une petite pièce de cinq centimes. Cependant, la faute que je l'ai vu commettre avec ces cinq centimes m'empêcha de bien dormir pendant deux semaines : il avait tué un homme qu'il était censé sauver contre l'argent que lui avait proposé le soi-disant meilleur ami du mort. Et à l'évidence cette faute n'était pas ce qu'il avait commis de plus grave.
Vous pouvez donc comprendre que j'aie du mal avec les médecins. Quand on parle du loup, l'un d'entre eux entra dans ma chambre, pour s'enquérir de ma santé, et devinez la couleur de son karma ? Personnellement j'avais trop peur de voir qu'il n'y avait pas une once de bleu pour entrer sur le plan karmatique.
Mais j'étais sûr que ce brun aux cheveux courts de plus d'un mètre quatre-vingt-dix devait avoir commis plus de crimes qu'un tueur en série. Et la chemise verte couplée de son jean qu'il portait sous sa blouse n'arrangeait en rien son air de pêcheur. Les muscles qui transparaissaient à cause de sa chemise serrée prouvait qu'il se tenait en forme, mais ce n'était sûrement pas pour de la chirurgie.
-Alors, m'annonça le docteur qui était étonnamment jeune, vous devriez avoir quelques côtes cassées, une commotion cérébrale, le tendon brûlé et d'autre choses horribles dans le même genre, mais étonnamment vous n'avez que quelques brûlures superficielles. Vraiment un miracle, j'espère que vous irez remercier la divinité qui vous a sauvé la vie.
Je pense que me remercier est une chose extrêmement stupide, donc je ne le ferais pas. Même Zeus le dieu de la foudre ne ferait pas ça, et dieu sait combien il est narcissique.
-Donc, dis-je avec espoir, je peux partir ?
-Oui, oui, me répondit-il avec un sourire, bien sûr. Mais c'est vraiment incroyable.
-Ah bon, dis-je en sortant du lit de manière précipitée, quoi ?
On aurait pu croire que j'allais voir un malade au lieu du contraire vu la vitesse à laquelle je reprenais toutes mes affaires.
-Eh bien, répondis lentement le docteur en réfléchissant, je me dis que la divinité devait vraiment tenir à vous et être très puissante pour vous faire sortir indemne d'une explosion et d'un éclair. Comme si il vous avait béni pour accomplir une tâche très importante.
Pour une raison étrange, je commençais à avoir froid.
-Personnellement je préfère me dire que c'était mon jour de chance, dis-je en claquant un peu des dents, mais à chacun sa vision des choses. Nous sommes dans un pays libre après tout.
Une fois avoir fini d'enfiler mon manteau, je me dirigeai directement, vers la porte ? Mais la pièce étant petite, le docteur dû sortir avec moi étant donné qu'il était devant.
-Voyons ne dîtes pas ça, répliqua le docteur en refermant la porte, vous finirez par l'énerver. D'ailleurs je crois qu'il vous a envoyé un oiseau céleste non ? C'est qu'il vous aime définitivement.
-Si c'était vrai, il ne m'aurait pas pris pour un coursier en me remettant une lettre juste après avoir survécu à une explosion.
-Je trouve au contraire qu'il est généreux de vous faire ça, après tout il vous a sauvé la vie. La lettre veut sûrement vous dire de faire plus attention la prochaine fois ?
J'en doutais très fortement.
-Si j'avais un dieu pareil veillant sur moi, vous pouvez être sûr que je le servirais. Pouvez-vous me dire quel est ce dieu ? Il m'offrira peut-être une promotion.
-Malheureusement, dis-je plus que jamais décidé à quitter ce docteur trop ambitieux, je ne connais pas son nom. Il ne l'a pas écrit dans sa lettre.
En tout cas c'est ce que cette policière avait dit. Je crois.
-Ah c'est dommage. C'est vraiment trop dur de trouver un dieu qui nous convienne de nos jours.
Ce docteur parlait des dieux comme il aurait parlé du nouveau rasoir qu'il avait acheté. Ce qui était assez ironique vu qu'il y a quelques instants il me parlait de l'importance de les respecter.
-Bon, annonçais-je à se pêcheur confirmé en lui tendant la main, je vous remercie d'avoir pris soin de moi. J'espère que l'on ne se reverra pas, sans vouloir vous offenser.
-Ne vous inquiétez pas, me rassura-t-il en serrant ma main, je n'ai moi aussi pas envie de vous revoir, cela serait dommage de revoir un jeune aussi en forme que vous dans un hôpital.
-Effectivement.
Je me retournai pour me diriger vers la sortie, quand le docteur m'interpela.
-Le capitaine Troy et son lieutenant, m'ont demandé de vous dire d'aller les voir à la brigade criminelle dès que vous serez sorti d'ici.
On dirait que les ennuis n'avaient pas fini de me tomber sur la tête. Je pense même que tout cela n'était que le début d'une longue série.

Divinity.KOù les histoires vivent. Découvrez maintenant