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(Version 2.0 réécrite)


Froid. Sombre. Mort. Telles étaient les sensations qui m'assaillaient.

Une vive lumière perça mes paupières et me força à me réveiller brutalement. Mes paupières délivrèrent mes iris et je pus observer mon environnement, étrangement figée, incapable de bouger.

J'étais couchée sur un lit dur, couvert d'un drap fin que je sentais sous mes doigts. Je ne pouvais voir que le plafond. Il était d'un noir d'encre, nu et vierge. Simple. Pur.

Je revins difficilement à mes esprits pour me rendre compte que j'étais vêtue d'une tenue inconnue. Mon corps était couvert d'une robe noire pourvue de dentelle fine et ouvragée, moulante et richement ornée de perles onyx. Une pensée vague résonna pour me faire constater que j'étais pieds nus, mais je n'y prêtai guère attention.

Je me redressai doucement, vacillant sous le vertige qui me prit une fois assise, pour regarder mon environnement. Mes yeux cillèrent quelques secondes, tandis que mes paupières chassaient frénétiquement la pellicule floue qui recouvrait mon iris. Lorsque ma vision fut nette je pus distinguer les alentours.

La pièce, une petite chambre sombre, ne comportait qu'un lit et une armoire. Le tapis couvrait le sol, noir et duveteux. Les draps mauves du lit et le gris sombre du meuble me faisaient penser que les propriétaires étaient d'un goût douteux. Qui associerait de telles teintes sans raison particulière ?

Ayant quitté ma place sur le lit, je m'avançai doucement, lentement, tout en reprenant mes esprits. Jambes tremblantes, je m'appuyai contre une colonne fraîche du lit, essoufflée. Mes muscles protestaient et souffraient comme si je n'avais pas bougé depuis des jours. Etait-ce d'ailleurs le cas ? Je n'en savais rien. Cela aurait dû m'effrayer. Bien vite, une autre pensée surgit.

Où étais-je ?

Mes souvenirs, arrachés, semblaient visiblement ne me fournir que deux choses, mon nom et mon âge.

Anastasia, seize ans.

Je m'assis à nouveau sur le lit, déboussolée. Rien ne me venait de plus, c'était comme si j'étais une inconnue apparue à seize ans sur la Terre. La sensation était extrêmement désagréable. Je n'avais plus d'identité, plus rien. Plus de souvenir, plus de famille. Une vague de tristesse m'envahit, même si je ne regrettais rien de particulier puisque je n'en avais aucun souvenir. C'était horrible comme pensée...

Je sentis mes yeux piquer. Je m'attendais à sentir des larmes couler, mais aucune n'apparut, aucune ne dévala mes joues. Après plusieurs secondes, la bizarrerie me frappa : je ne pouvais plus pleurer.

Que m'était-il arrivé...?

Je fixai le mur vierge d'un regard vide sans comprendre, perdue. Je me sentais mal. Ma tête tourna. Mon corps sembla s'alourdir. Un vertige me saisit sans prévenir et je tombai sur le matelas. Mes yeux se fermèrent.

***

— Elle dort ?

— Oui, mais elle se réveille. Recule !

J'ouvris les yeux doucement, éblouie par la lumière. Ma main se leva pour faire obstacle à cette agression et je pus peu à peu voir ce qui m'entourait.

Une jeune fille me fixait avec des yeux ronds, debout au pied du lit. Elle plaça une mèche blonde derrière une de ses oreilles tout en continuant de m'observer de son surprenant regard noir. J'étais immobile, je ne savais quelle attitude adopter. Devais-je dire quelque chose ?

Soudain elle sourit.

— Moi c'est Nary. Comment vas-tu ?

Je n'eus aucune réaction. Cette jeune fille me semblait déplacée, trop joyeuse, trop lumineuse. Quant à moi, choquée par les récents événements et mon deuxième réveil, je tournai la tête vers la seconde personne de la pièce.

Un jeune homme me toisait de toute sa hauteur, dressé un peu derrière Nary. Bras croisés, regard fixe, ses cheveux sombres et ses yeux assortis me regardaient d'un air songeur. Je le fixais comme une imbécile, détaillant ses traits forts et ses étranges habits, jusqu'à ce que Nary reprenne.

— Tu t'appelles comment ?

Je tournai mon regard vers elle et bégayai.

— An... Anastasia.

À l'entente de mon nom, Nary sourit une nouvelle fois. Moi, je fus horrifiée par ma voix rauque et grave. Depuis quand n'avais-je plus parlé ?

— Enchantée Anastasia ! Lui, c'est Luk. Il est muet mais il te salue !

Alors que l'intéressé me faisait un signe de la tête, une incohérence frappa mon esprit encore embrumé. Si Luk était muet, qui avais-je entendu parler à Nary en me réveillant ? J'hésitais à poser la question mais je n'en eus pas le temps.

— Anastasia... lança une voix derrière ma tête.

Je m'assis en moins d'une seconde, si vite que ça me donna le tournis. Après un instant pour distinguer à nouveau le haut du bas, je regardai l'homme qui avançait face à moi en contournant le lit. Mes yeux s'écarquillèrent.

Il avait des cheveux mi-long, noir corbeau, et de surprenants yeux bleu clair. Ses traits fins mais indubitablement masculins restaient impassibles alors qu'il me dévisageait. Je soutins son regard tout le temps de son silence. C'était fou le charisme, la présence que ce dernier dégageait.

— Anastasia, répéta-t-il lentement. Bienvenue.

— Le mystérieux, c'est Zefi, soupira Nary en levant les yeux au ciel et coupant certainement court à d'autres phrases destinées à m'impressionner.

Le dénommé Zefi lui jeta un regard froid. Elle lui tira la langue et me sourit encore avec un clin d'oeil. Son apparente joie de vivre me mettait mal à l'aise, pourtant, comme si elle brisait une ambiance.

— Bref, bienvenue, ajouta-t-elle.

Je m'assis plus confortablement sur le matelas et soufflai. Les trois autres me regardaient sans doute sans comprendre mais avoir un esprit vide et se retrouver dans un endroit inconnu peuplé de gens étranges ne me plaisait pas le moins du monde. Enfouissant ma tête dans mes mains, je murmurai :

— Où suis-je ?

Les adolescents s'entre-regardèrent puis ce fut Zefi qui répondit d'une voix grave.

— Nous sommes dans l'antichambre.

Je soupirai. Cette réponse plus que curieuse ne m'avançait en rien ! Allait-il se comporter ainsi tout le temps que j'aurais à le fréquenter ? Cela promettait de me mettre les nerfs à fleur de peau.

— C'est vrai que c'est super clair, merci, ne pus-je m'empêcher de lancer.

— Ce que Zefi veut te dire, reprit Nary après un temps de battement, c'est que tu es dans l'antichambre de la Mort.

Sombre Espoir [FINIE, CORRIGÉE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant