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(Version 2.0 réécrite)


Un rouquin sauta de la table vers mes jambes pour s'y frotter en ronronnant, pas du tout intimidé ou peureux. Je le caressai distraitement, tant j'étais perdue, encore une fois. Cette scène était irréaliste. Une dizaine de chats multicolores, au bas mot, était perchée un peu partout dans la pièce.

— Des chats, dis-je simplement.

— Oui ! Ils sont tellement mignons ! minauda Nary en remettant une mèche blonde derrière une de ses oreilles tandis qu'elle berçait une chatte blanche dans ses bras.

Ses yeux pétillèrent et elle lança :

— J'ai entendu le piano, Zefi t'a montré son talent ? Moi je trouve qu'il joue super trop bien !

— C'est pas français, super trop bien, reprit l'intéressé avant de se trouver une place sur un banc entre deux matous gris.

Nary souffla et leva ses yeux noirs au ciel.

— Bref, voici mes chats !

Je n'eus aucune réaction visible, encore stupéfaite, ce que Nary dût mal interpréter car son visage se décomposa.

— Tu n'aimes pas les chats, c'est ça ?

— Si, si ! C'est juste que... je ne m'attendais pas à en voir dans la salle à manger, bafouillai-je rapidement.

Nary reprit son sourire et m'invita à m'assoir. Je faillis écraser cinq chats avant de trouver un endroit autour de la table où prendre place autour de la table non loin de Luk, que je saluai d'un hochement de tête qu'il me rendit. Un miaulement furieux retentit alors que deux matous tigrés se disputaient une écuelle de lait coupé. Je découvris de plus en plus de chats en promenant mon regard dans la salle à manger.

Comme si elle avait deviné mes pensées, après avoir chipé le pain de Zefi, Nary m'expliqua :

— Il y a, en tout, vingt-quatre chats dans le Manoir. Ils sont super gentils, n'hésite pas à les caresser !

— Ne t'en fais pas... dis-je en piochant un croissant dans une corbeille de pains.

Je mordis dedans avec avidité. Mon appétit était immense, comme si je n'avais pas mangé depuis des jours ! J'en enfilai ainsi deux, puis un pain au chocolat et un verre de lait sous les regards amusés des trois vampires.

— Tu avais faim dis donc ! Ne t'inquiète pas, c'est normal pour une nouvelle, tu vas encore beaucoup manger pendant quelques jours, remarqua Nary.

Je soupirai. Elle m'avait, en une seule phrase, rappelé que ce n'était pas un déjeuner comme les autres. J'avais réussi à oublier ma situation pendant quelques minutes, mais mes efforts étaient vains visiblement. Je serrai mon pain entre mes doigts et il finit par se décomposer en morceaux qui tombèrent au sol, aussitôt attrapés par un trio de félins affamés.

— Bon, si tu as fini, on peut aller voir la salle d'entraînement... Enfin, avant, il faut que tu te changes ! continua Nary comme si de rien n'était.

Elle se leva, caressa la tête d'un chat qui passait puis m'entraîna par le bras. Je me dérobai en usant une nouvelle fois de ma nouvelle force de vampire.

— C'est quoi cette histoire encore ?

— Eh bien, pour contrer la Mort si elle veut envahir notre monde, il faut que nous sachions la combattre. Donc nous nous entrainons.

Nary tenta de me tirer à nouveau à sa suite mais je restai immobile, crispée. Elle me jeta un regard étonné, contrairement à Zefi et Luk qui semblaient comprendre l'émotion brusque qui m'envahissait. Ils se levèrent mais je ne les laissai pas me rejoindre et lâchai :

— J'en ai assez. Je veux bien croire que nous sommes des vampires mais de là à devoir sauver le Monde des Vivants en combattant la Mort, ça, c'est le bouquet ! Je rentre chez moi !

Je bousculai brusquement Nary, qui, prise par surprise, ne me retint pas immédiatement. Je franchis la porte en coup de vent. Mes pieds frappaient le sol pour me faire voler vers une hypothétique sortie. Mes muscles me hurlaient que j'allais beaucoup trop vite pour mes capacités, mais je m'en moquais. Je voulais juste sortir de ce Manoir. Sortir. Partir. Me réveiller.

Je prenais les portes vierges au hasard, tout en entendant les bruits de poursuite que faisaient Zefi, Nary et Luk en courant. Au détour d'un couloir, je faillis piétiner un chat blanc qui se plaqua conte le mur, le regard fou, le poil hérissé. Je marmonnai une excuse qu'il ne comprendrait pas en redoublant d'effort.

Une porte plus grande que les autres me fit face, toute noire mais colorée de symboles verts. J'hésitais à la franchir, que signifiaient ces glyphes brillants ? Des bruits de course me parvinrent, de plus en plus proches, et je pris ma décision en une fraction de seconde. Je me précipitai sur le bois, poussai de toutes mes forces et tombai de l'autre côté.

La chute dura quelques secondes mais j'atterris sur mes pieds, le souffle court alors que mes jambes raffermissaient leur équilibre. Ma robe de dentelle s'étendit autour de moi comme une traîne. Je remis mes cheveux en place d'un geste tremblant pendant que je détaillais mon environnement.

Un bâtiment gris de béton masquait le soleil, dissimulant la ruelle où je me trouvais dans l'ombre. Il devait être environ cinq heure de l'après-midi. Je marchai dans la rue de macadam en cherchant des signes de vie, mais rien, il n'y avait pas un chat. Le silence était oppressant. Un oiseau solitaire entonna un bref trille, puis se tut. Je débouchai dans une rue commerciale, où je cillai à cause de la luminosité. Les magasins étaient tous fermés. Les enseignes étaient éteintes. Les volets et les grillages étaient rabattus sur les vitrines. Un papier vola devant mes pieds, seule chose en mouvement sur des kilomètres à la ronde. Et toujours ce silence... Un frisson me saisit et mes yeux tombèrent vers mes pieds nus. Etrangement, ils n'avaient pas une égratignure alors que le sol était couvert de gravillons et de débris. L'absence de blessure ne voulait malheureusement pas dire « aucune douleur » et je me promis une nouvelle fois de trouver des chaussures.

Un craquement retentit à ma droite. Je me retournai à vitesse irréelle, les nerfs à fleur de peau. C'était peut-être Zefi, Luk ou Nary qui était venu me chercher pour me ramener dans le Manoir. Mais il n'en était pas question. Je ne voulais pas tomber dans leur folie de destruction de monde par la Mort. C'était n'importe quoi. J'acceptais le fait d'être une vampire, puisque les preuves matérielles étaient devant moi, mais le reste, non, c'était impossible.

Le craquement reprit, mais je ne voyais rien. L'ombre de l'immeuble masquait une partie de la ruelle d'où je venais, laissant de multiples cachettes dans tous les recoins ténébreux. Des bruits plus nombreux retentirent, des craquements, des glissements, des respirations rauques...

La peur m'envahit. Ce ne pouvait pas être mes anciens compagnons. Et mon instinct me disait de fuir... 


Ce qui sortit de l'ombre me fit regretter ma fuite du Manoir. Toutes les choses que m'avaient dites Nary et Zefi me revinrent dans ma mémoire comme un coup de tonnerre. Et, cette fois, je crus à leurs histoires.

Car ce qui sortit de l'ombre, c'était un zombie.














ARCHIVES avril 2018

Coucou ! La suite arrive vite ces derniers temps... Peut-être que c'est grâce à tous vos gentils commentaires ? :)

Merci d'avoir lu cette partie, qui est un moment important de l'histoire. Vous aimez toujours ? Quelles sont vos sentiments à l'annonce de l'être qui rejoint Ana ? Peur ? Excitation ?

Avez-vous aimé le chapitre ? J'espère, en tous cas ! ;)

A bientôt ! :)

Sombre Espoir [FINIE, CORRIGÉE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant