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PDV Erfan

Je marche d'un pas dynamique.
Je n'ai pas plus de temps à perdre avec elle.
Plus je suis loin d'elle tôt, mieux je me sentirai. La visite était agréable, et j'ai apprécié passer ce temps avec elle, vraiment.
Elle est mignonne, gentille, drôle, cool, elle parle plutôt bien Anglais, elle a l'air intéressante et en plus, elle a l'air différente des autres.
Mais c'est justement bien le problème.
Je sens que je vais m'attacher et juste une matinée avec elle m'a permis de m'en rendre compte... C'est dangereux pour moi.
Alors je préfère faire le connard pour qu'elle me déteste et qu'elle finisse par m'oublier en ayant une haine contre moi afin qu'elle ne revienne jamais.
C'est cruel et probablement stupide mais, je me dis qu'il n'y a que ça à faire.
Je ne sais pas ce qu'elle pense actuellement, mais tout ce que je sais, c'est que je vais personnellement avoir du mal à l'oublier.
Mais elle se sentira sans doute mieux sans moi.

J'arrive en face de la grande porte d'entrée principale du lycée. D'après Lou, il n'y a pas énormément de monde: uniquement les internes. Mais pour moi, c'est déjà beaucoup.
Je décide de me balader dans les couloirs parce que je n'ai que ça à faire.
Et étrangement, j'entends comme quelque chose de très familier...
Un son que je reconnaîtrais entre mille, un son ayant bercé mon enfance, m'ayant fait rire, soigné mes peines mais m'en ayant aussi causées. Cela résonne de manière si douce à mes oreilles que je ne peux m'empêcher de me diriger vers celui ci afin de trouver sa source.
J'entends que je suis de plus en plus proche, le son de mes pas se mêle au son de cette chaleur.
Il s'intensifie, des rires se mêlent à lui. 
Je veux SAVOIR qui est l'origine de ces sons divins.

Cheveux noirs, peau claire, vêtements amples, pas très musclé.

Un Persan.

Il parle Farsi depuis tout à l'heure.
Je me rapproche alors de lui et remarque qu'il est au téléphone. Je me mets donc contre un mur, pas trop loin de lui et regarde mon téléphone pour ne pas avoir l'air d'un psychopathe prêt à l'égorger.
J'entends ce qu'il dit et je pense qu'il croit être le seul à parler Farsi ici.

Et bien non, sache le...

Je pense qu'il parle de la France, de comment il se sent ici, le comportement des Français etc.
Il a l'air d'être nouveau.
Puis il se met à parler de la guerre.
Il décrit des scènes plutôt violentes, et je n'en comprends pas l'intérêt.
La personne avec qui il parle est, logiquement, de sa nationalité et connait donc ce qui se passe dans son pays. Pas besoin de descriptions précises ou accrues, son interlocuteur a probablement déjà vu ça de ses propres yeux.
Je ne pense pas qu'il soit iranien. La situation en Iran est loin d'être parfaite mais pas aussi violente que ce qu'il décrit. En plus son accent sonne de manière différente à mes oreilles.
Je pense donc qu'il est Afghan.
Je reste là à regarder mon téléphone pendant un moment, à écouter ce qu'il raconte et les horreurs qu'il décrit.
Il parle de sang sur les murs, le sol, de nuages de poussière aveuglants et empêchant de respirer, des cris d'enfants n'ayant plus leurs parents qu'ils ont peut être vus mourir devant leurs yeux pleins de larmes. Ces enfants sont maintenant des orphelins.
Il parle aussi de maisons détruites, de villes parties en ruines, plus rien ne reste si ce n'est que l'horreur et la frayeur permanente de se faire tuer.
Des symboles que l'on ne voudrait plus voir sont inscrits sur ces murs détruits. Ces murs étaient leurs maisons; ils n'ont plus rien.
Il explique aussi que parfois, il a du mal à entendre. Ses tympans sont abîmés par les bombes, les explosifs, les coups de feu et les cris stridents poussés par ces innocents se faisant laminer. Et personne ne peut empêcher ça.
Ce gars doit être traumatisé à vie quand j'entends ce qu'il dit et que je réalise que cela est réel et pas seulement fictif. C'est tout simplement impossible à imaginer. Mais après une longue discussion, il finit enfin par raccrocher.
Il se retourne et me remarque, son regard reste planté dans le mien pendant 2 secondes. Il ne dit rien.
Mais je décide de le faire à sa place.

Il Suffit D'un RegardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant