Nicole se prépare à partir. Cela fait d'ailleurs longtemps qu'elle se prépare. A se regarder dans le miroir, elle, puis les photographies coincées en son cadre.
Elle voit la photo de son père, l'air jeune mais déjà sévère. Il pose pour le cliché, comme il le fait toujours. Il n'est ni surpris, ni trop fier, ce qui est rare ; en temps normale, il paraît toujours imbu de sa personne, même s'il n'en est rien.
Nicole trouve qu'avec l'âge, elle ressemble de plus en plus à son père. Pour l'instant cela va, elle accepte ce rapprochement de physionomie. Tant qu'elle se trouve jolie, on peut bien lui prêter une ressemblance avec n'importe quel membre de sa famille.
Et puis Nicole baisse un tout petit peu les yeux, regarde la photo de sa mère. Elle est toute jeune et belle. Sur la photo elle porte son pendentif en améthyste.
Sa mère disait que c'était un objet mystique, dont il fallait prendre soin. C'était pour cela qu'elle l'avait transmis à sa fille. Il était censé lui ouvrir l'esprit, c'était un des pouvoirs de cette pierre violette.
Nicole ouvre un petit tiroir, sort le pendentif, pour le mettre autour de son cou. Elle se dit que sa mère avait longtemps fait le même geste. Elle le met aujourd'hui, pour le voyage, et pour faire plaisir à sa maman, où qu'elle soit.
Nicole se rappelle à quel point sa mère l'aimait, et elle aussi. Cela fera aussi plaisir à son père, qu'elle le mette.
C'est tout ce qu'il lui reste de sa mère, avec les propres boucles brunes de ses cheveux. Elle porte cette tignasse à cause d'elle, pense-t-elle en souriant.
Et elle porte ce collier pour se souvenir d'elle.
Cela fait très longtemps que Nicole n'a pas pris ce train-là, la ligne vers Strasbourg qui fait étape à Colmar. Un bon bout de temps, parce que la dernière fois qu'elle avait vu son père, c'était lui qui s'était déplacé.
Nicole n'avait rien contre Béatrice, la femme avec laquelle il vit. Nicole l'apprécie même, elles auraient peut-être pu s'entendre, s'il n'y avait pas eu son père au milieu.
C'était plutôt lui qui semble en avoir presque honte, pas de s'afficher avec elle, mais de sa vie d'homme. Son père est quelqu'un de discret, qui sait se mettre à l'abri des commérages. Mais il est incapable de ne pas les entendre, apprécie presque de se mettre en colère contre ces rumeurs venimeuses.
Cela fait un moment que Nicole cherchait une opportunité d'aller à Colmar, revoir son père et sa mère, tout en repoussant étrangement les occasions qui se présentaient.
Ce paradoxe ne s'explique pas, pour elle. Il y a simplement des cas où le destin semble s'opposer à certaines retrouvailles ; et d'autres cas où manifestement, il les favorise.
Nicole termine enfin de se préparer, et comble sa valise avec tout ce dont elle aura besoin. Cela fait longtemps aussi, qu'elle n'a pas fait sa valise. Mais elle n'a plus le temps d'y penser, car elle ferme la porte de son logement, et se rend à la gare la plus proche.
Nicole aimait bien Colmar, il y a un temps. Mais jusqu'ici elle n'a pas eu besoin d'y retourner. Elle se disait que cela deviendrait nécessaire en cas de démarches administratives, mais tout se dématérialisait à mesure que le temps passe, pour être traité virtuellement.
Même pour un souci de santé, il n'y a peut-être plus les spécialistes qu'il y avait en son temps. Mais peu importe, ses deux parents sont là-bas, et elle se réjouit de pouvoir, le temps d'un jour ou deux, renouer avec ses souvenirs.
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Egarée
Paranormalune histoire présentée dans son intégralité, extraite de "La trilogie colmarienne" : Que dire de la surprise de cette voyageuse, qui arrive plus tôt, beaucoup plus tôt que prévu, en gare de Colmar ?