L'enfance

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L'agent Gauche cracha la gorgée de café qu'il avait dans la bouche. C'était celui de la machine du poste, et il avait un goût infect. Le même que celui de la pisse. Voilà ce qu'il répéta au Sergent Palais. Vraiment gracieux, je vous l'accorde. Mais il était d'humeur massacrante. L'entretien entre Mlle Pouce et la Colonelle Bouche n'avait rien donné. Il lui restait désormais sept heures et quarante-cinq minutes pour trouver le coupable. Pour se défouler, il tapa dans un mur. Mais il ne parvint qu'à se faire mal au pouce. Décidément, le destin lui en voulait. Pourtant, il avait toujours tout fait pour conserver un karma intact. La vie était vraiment injuste, avec lui.
Pour commencer, petit, il était si mal tombé qu'il avait fini entièrement plâtré. De la tête aux pieds. Ensuite, au moment d'apprendre à écrire, sa sœur et lui avaient été mis en compétition. Elle avait gagné, et était donc entrée dans une prestigieuse école, tandis que lui était relégué au second plan. Toujours, lorsqu'il s'agissait de faire des activités, c'était sa sœur, qu'on choisissait. Jamais lui. Lui-même avait fini par croire qu'il n'était bon en rien. Et puis, sa sœur avait eu un accident. Elle avait terminé entièrement plâtrée. Évidemment, tout le monde avait signé ses bandages. On avait demandé à l'agent Gauche de la remplacer le temps qu'elle se remette. Il faisait toujours tout mal. Il gâchait tout. Alors, on l'avait délaissé. Encore une fois. Mais, aujourd'hui, c'était terminé. Sa sœur et lui n'était plus en compétition. Ils vivaient séparément, et pratiquaient des activités différentes. Le perpétuel combat qui les opposait autrefois n'existait plus. Enfin... C'était relativement rare. Avec l'âge et la maturité, il avait appris à passer outre. Néanmoins, lorsqu'elle s'aventurait de son côté d'expertise, une réelle et cruelle compétition débutait. Il était sans pitié. Pourtant, malgré tous ses efforts, elle sortait toujours vainqueur. Le seul domaine dans lequel il était toujours meilleur qu'elle, c'était le physique. Il était toujours bien plus beau qu'elle. Et ce, depuis la première victoire de sa sœur. Aussi, frère et sœur s'accordaient parfaitement lorsqu'ils jouaient ensemble au piano. L'un sans l'autre ne valait rien. C'était un duo, ou rien.

Les cinq doigts de la mainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant