L'agent Gauche se rendit chez M. Index pour l'interroger. Il avait, durant le trajet, lu un tas de choses sur ce nommé M. Index : c'était un homme, légèrement plus vieux et bien plus grand que Mlle Pouce, dont le caractère taciturne lui attirait des ennuis, la dispute avec sa voisine incluse. Mlle Annulaire avait aussi eu à se plaindre de lui, mais pas pour les mêmes raisons. Ces deux personnes étaient comme chien et chat : ils ne cessaient de se crier dessus. Une fois ou deux, ils avaient été jusqu'aux coups physiques. Mlle Pouce se plaisait à dire qu'ils finiraient par se marier. Ce qui agaçait prodigieusement M. Index. Un nouveau mobile d'agression.
L'agent Gauche toqua à la porte de l'homme. Quelques secondes plus tard, un grand brun aux yeux noirs vint lui ouvrir. Son air grognon lui fit clairement comprendre qu'il n'était pas le bienvenue, mais le carte d'agent que lui présenta son interlocuteur le dissuada de l'envoyer balader.-Entrez, m'sieur l'agent.
L'agent Gauche s'exécuta et rencontra, dans l'appartement, un capharnaüm sans nom. Des piles de vinyles s'entassaient dans un coin de la pièce, tandis que des vêtements -propres ou sales, qui sait ? Mais ne nous attardons pas sur ce genre de détails : les gens ont tendance à avoir des aprioris sur ceux qui gardent des vêtements sales- étaient jetés de part et d'autre. Un tee-shirt noir était même accroché à la tringle des rideaux déchirés. On aurait pu croire à un cambriolage récent.
-Excusez l'état de chez moi : cette saleté de Mlle Annulaire est venu l'autre jour pour tout saccager. Quelle peste, celle-là !
-Je suis ici pour parler de l'agression de votre voisine Mlle Pouce.
L'homme ne sembla pas touché par cette nouvelle, mais surpris. Il l'invita tacitement à s'asseoir sur le seul fauteuil qui n'avait pas été touché par la folie de Mlle Annulaire.
-Où étiez-vous la nuit dernière ?
M. Index parut brusquement mal à l'aise. Il se tortilla sur sa chaise, le regard fuyant.
L'agent Gauche pensa qu'il s'agissait là d'une preuve de culpabilité.-Monsieur Index ?
-Jétaisavecunefemme.
-Pardon ?
Ce qu'il venait de dire n'était, pour l'agent Gauche, qu'un baragouinement incompréhensible.
-J'étais avec une femme.
-Peut-elle le confirmer ?
-Oui. Demandez à Mlle Annulaire.
L'agent Gauche se dit que c'était une situation cocasse : deux voisins qui se haïssaient cordialement passaient la nuit ensemble pile lorsqu'une troisième voisime se faisait agresser. C'était soit une coïncidence assez drôle, soit un alibi plutôt moyen.
-Le souci, voyez-vous, c'est que Mlle Annulaire est aussi suspecte que vous.
-Je n'ai pas tué Mlle Pouce ! D'accord, elle m'énervait, avec ses histoires de mariage, mais je ne serais pas allé si loin !
-Qui vous parle de meutre ? Mlle Pouce a été agressée, pas assassinée.
Un intense soulagement se fit voir sur le visage de M. Index.
-Que faisiez-vous, précisément, avec Mlle Annulaire ?
-J'ai vraiment besoin de vous faire un dessin ? Vous êtes pourtant un adulte !
L'agent Gauche savait très bien de quoi parlait le suspect. Il était d'ailleurs étonné. En effet, on lui avait brossé un portrait net de la relation qu'entretenaient M. Index et Mlle Annulaire : de la haine pure.
-Nous avons diné au restaurant -j'ai encore la note, si vous voulez-, puis, nous sommes allés au cinéma en plein air pour voir cette comédie romantique idiote. J'ai détesté. Elle aussi, d'ailleurs. Mais nous sommes restés jusqu'à la fin, parce que le pop corn était délicieux. Ensuite, nous sommes rentrés ici. La suite, je ne la décrirai pas.
L'agent Gauche sortit de l'appartement. Il devait interroger Mlle Annulaire de toute urgence.
Il ne lui restait que cinq heures quarante-neuf, et l'enquête commençait à peine à démarrer.
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Les cinq doigts de la main
HumorQuatre suspects, une victime déchirée. L'agent Gauche n'a que quelques heures pour découvrir le coupable. Seul indice : des initiales. IMAA. Qui peut bien se cacher sous cet effrayant pseudonyme ? #645 dans la catégorie Humour #471 dans la catégo...