L'épouse du créateur: ses révélations

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Croyez-moi, ce n'est pas facile tous les jours de vivre auprès d'un artiste. Il faut subir sans mot dire ses extravagances et ses coups de gueule mais il y a des moments plus radieux : ses coups de cœur.

Il n'a pas toujours vécu de sa peinture. Autrefois il était médecin radiologue, une bonne situation. Il voyait au quotidien la vie en noir et blanc comme sur les vieilles photographies d'antan. Au fil des années, le noir l'a plongé en dépression mélancolique. Il a cessé d'exercer. Il s'est lancé corps et âme dans sa passion de toujours : l'art. De spectateur, il est devenu acteur et créateur. La transition s'est faite instantanément.

Au début, il peignait des toiles très colorées mais il était éternellement insatisfait même si ses productions se vendaient à bon prix. Il disait que ça ne lui ressemblait pas, que ce n'était pas ce qui le constituait. Il m'a un peu effrayée quand je l'ai vu jeter avec colère tous les tubes de couleurs et ne conserver que les nuances de blancs. J'ai craint pour sa santé mentale. Il n'avait de cesse de me répéter qu'il avait trouvé en moi sa muse, sa source d'inspiration à l'infini.

Il faut dire que je ne suis pas comme tout le monde. J'ai la malédiction d'être née avec une tare génétique: je suis en effet albinos. J'ai la peau d'une teinte blanc crayeux, de longs cheveux blancs que je noue en une tresse qui me donne un air mutin à la Heidi_d'ailleurs c'est mon prénom_ mais la couleur de mes yeux est d'un rouge sanguin. Je les masque en permanence avec des lunettes noires. De toute façon, la lumière du jour m'est douloureuse à supporter. Je dois vivre recluse dans des pièces dont les fenêtres sont drapées de rideaux occultants. Je ne sors jamais de chez moi.

Les habitants du village dans la vallée m'ont surnommée Vampirella. Les gens sont cruels face à la différence quand ils ne la comprennent pas et ils ne font malheureusement aucun effort dans ce sens-là. Je suis atteinte d'une anémie pernicieuse sévère dont les médecins ne parviennent pas à expliquer l'origine. C'est comme si la nuit pendant mon sommeil, un parasite mystérieux me pompait et me délestait d'une partie de mon sang. Au réveil le matin, je suis toujours d'une lividité qui frise la transparence. Au cours de la journée, mon teint crayeux réapparaît.

Mon époux m'aime telle que je suis. Il refuse que je transforme mon aspect avec un maquillage outrancier. Je suis l'incarnation de ses rêves les plus fous, me dit-il. J'ignore ce qu'il entend par-là et je dois avouer que je préfère ne pas savoir pour ma tranquillité d'esprit.

Une oeuvre d'art inattendueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant