Chapitre 5

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Ploc.

Ploc.

Ploc.

Ploc.

Les dernières gouttes de café s'écoulent une à une de la machine à la tasse. Prise dans ses pensées, elle revient doucement à la réalité. Julia se redresse, et enlève la tasse de la machine. L'odeur du café brûlant se répand d'un coup dans la pièce, et elle grimace. Cette boisson n'a jamais vraiment été à son goût. Elle préfère le thé, et en boit presque tous les jours depuis quelques mois.

Une addiction pour en remplacer une autre - celle là au moins est plus saine.

Elle sourit, puis se relève.

- Bon, le plus dur reste à faire je suppose. Friday?

Aucune réponse.

- Friday, je sais que tu m'entend. Tu es programmée pour aider Tony Stark. Et c'est aussi ce que je suis censée faire. Le problème c'est que si tu t'oppose à moi, on risque de se compliquer la tâche mutuellement.

- Vous avez effectivement l'air d'en avoir beaucoup à faire de sa santé, au vu de la manière dont vous l'avez mis à terre.

Aïe. Touché.

- Hm, je t'accorde que sur ce point là, je n'ai peut être pas fait au mieux. Mais j'ai besoin qu'il me prenne au sérieux. Tu peux comprendre ça, s'il doute de mes compétences, il n'aura sans doute rien à faire de ce que je pourrai lui dire. Alors qu'en sachant que je suis réellement un bon élément du Shield, les possibilités de progression s'ouvrent un peu!

- ...

- S'il te plait, j'ai besoin que tu m'ouvre l'accès au labo.

- Qu'avez vous mis dans ce café Madame Del Valle?

- Madame? Je ne pensais pas faire vieille pourtant... Et tu sais très bien de quoi il s'agit.

- ...

- Comme tu sais qu'il en a visiblement plus que besoin.

- ...

- Friday...

- C'est d'accord. Je vais vous ouvrir. Mais il est hors de question que vous frappiez encore Mr Stark sans son consentement.

Yes! Elle retient de justesse un cri de joie - apparemment, les traités de sociologie et de psychanalyse qu'elle a lus s'appliquent aussi aux robots. Enfin, ça reste tout de même Friday, l'I.A personnelle et plus que brillante de Tony Stark, il n'y a rien d'étonnant au fait que sa pensée soit au moins aussi développée qu'humaine.

- Merci beaucoup Friday.

Elle se lève, la tasse toujours chaude entre les mains, et reprend la direction du labo, lentement, pour ne rien renverser.

Lorsqu'elle arrive devant la porte, elle s'arrête un instant. Et si Friday avait changé d'avis?

Un pas en avant.

La porte s'ouvre doucement. La pièce lui semble un peu plus sombre que lorsqu'elle l'a quittée. Elle y rentre doucement, tenant la tasse avec beaucoup de précaution.

-Mr Stark?

Il se retourne doucement - évidemment, il a entendu la porte s'ouvrir.

- Vous... Vous avez vraiment ramené un café?

- C'est mon rôle de stagiaire non?

Adossé à son bureau, il parait surpris.

- D'ailleurs, il est quand même sacrément chaud, donc si vous pouviez le récupérer...

- Oh, uuh, posez le là.

Il désigne un coin de son bureau miraculeusement épargné, et recouvert tout au plus d'une ou deux minuscules vis, et elle s'exécute.

Il ne dit rien, et reste là à l'observer. Une minute plus tôt, et elle l'aurait trouvé dans un moment de faiblesse. Elle est douée, aucun doute là dessus, Natasha ou Rhodes auraient mis bien plus de temps à trouver un moyen d'entrer. A condition d'en trouver un tout court d'ailleurs. Il allait devoir faire encore plus attention.

Et revoir ses protocoles de sécurité.

Ils se jaugent mutuellement, debout à à peine quelques mètres l'un de l'autre.

Il cache bien plus de choses que son humour et son attitude ne laissent paraitre.

Elle semble indéchiffrable. Et terriblement intelligente.

C'est ce genre de regards qu'on n'ose pas interrompre, que chacun veut voir continuer. Un regard interrogateur où passent toutes ces questions muettes que l'on a pas le temps de poser. Un regard curieux.

C'est lui qui interrompt cet échange silencieux.

- Je suppose que je ferai mieux de le boire tant qu'il est chaud.

- Je suis d'accord, le café froid, c'est plutôt moyen.

- A tout hasard, vous n'avez pas empoisonné cette tasse?

- Vous pensez vraiment que votre I.A m'aurait laissée passer avec une tasse empoisonnée dans les mains?

Le sourcil du milliardaire se soulève, mi-surpris mi-intrigué.

- C'est Friday qui t'a laissée passer?

- Je peut me montrer très persuasive, répond elle avec un sourire.

Comment a-t-elle réussi à utiliser Friday? Celle ci n'est pourtant pas censée avoir de faiblesses. Il s'empare de la tasse, se disant qu'il pourrait bien utiliser cette fille pour améliorer encore son I.A. Et il réalise qu'il est en train de faire preuve de curiosité.

Il se fige, observe le nuage de lait dériver à la surface du liquide. Cela fait un moment que ça ne lui était pas arrivé. Une réelle envie de savoir, de comprendre. Bien sûr construire, imaginer, inventer est plus que passionnant - mais apprendre? Apprendre est au dessus de tout ça pour un esprit comme le sien.

Le savoir est un cadeau, même s'il est bien trop souvent accompagné de regrets. Connaitre le passé peut vous briser le présent. Ses pensées dérivent et l'emmène vers Steve. Bordel.

Il lui en veut encore, et c'est probablement réciproque, mais...

- Mr Stark?

Il sursaute. Il s'est encore fait happer par ses pensées.

- Tout va bien?

- Oui oui, c'est juste une idée qui m'a traversé l'esprit. Il faudrait que j'essaye d'installer un système de restauration dans une de mes armures.

- Hm hm. Je ne voit pas vraiment où vous pourriez stocker les aliments, et ça risquerait de vous ralentir non?

- Qui s'occupe d'être ralenti quand on peut avoir des shawarma sur soi à n'importe quel moment?

Un grand sourire illumine son visage.

- Vous avez déjà essayé les shawarmas, Julia?

Tiens, il utilise son prénom déjà? Ça se déroule mieux que prévu en fin de compte. Elle s'autorise à sourire un peu plus avant de lui répondre

- Hm, je crois pas. Peut être une fois au Japon, mais c'était probablement une adaptation un peu bizarre. Il est censé y avoir du calamar dedans?

- On va dire que c'est un non alors. Je vous ferai goûter un jour.

Il se retourne vers son écran, et semble y ajuster des paramètres incompréhensibles.

Il porte la tasse à ses lèvres.

Une gorgée.

Puis s'effondre.

The Broken OnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant