Le Protecteur des Morts

Chapitre 3 - Sept et demi (Leïla)

Leïla observait Lou. Cette dernière semblait encore une fois perdue dans ses pensées. Son visage était tourné vers l'extérieur. Elle paraissait contempler le magnifique ciel bleu que leur offrait ce début de mois de mai. C'était les derniers cours de l'année universitaire et dans deux semaines, ils auraient leurs partiels. Si Lou n'avait pas à s'inquiéter au sujet de ses résultats grâce à un premier semestre excellent, ce n'était malheureusement pas le cas de Leïla. C'était d'ailleurs peut-être pour cette raison que leur professeur ne disait rien à la brune qui rêvassait.

Leïla reporta son attention sur ce que disait l'homme qui leur faisait un résumé rapide sur ce qu'ils avaient vu pendant un cours magistral. Résumé rapide mais précis car il savait pertinemment que le professeur de la matière n'était pas tendre avec ses étudiants et ne leur laissait pas vraiment la chance de prendre tout en note. Cet acharnement contre eux lui avait d'ailleurs valu une désertion rapide de son amphithéâtre. Si ce dernier avait été plein les trois premières semaines, une fois qu'un étudiant malin avait réussi à trouver le cours de l'année précédente grâce à un ancien élève, qu'il avait constaté que c'était du mot pour mot et qu'il avait gentiment partagé son trésor avec toute sa promotion, les bancs de l'amphithéâtre avaient commencé à prendre la poussière. Évidemment, sous la pression de Lou, Léïla avait continué à se rendre à ce cours avec en échange, des explications de la part de sa camarade si elle ne comprenait pas quelque chose. Ce qui arrivait assez souvent.

– Ce TD est à présent terminé, je ne peux que vous souhaiter bon courage pour les partiels. Si vous avez des questions, vous pouvez venir me les poser et je répondrai aux mails également. Révisez-bien !

Leïla lui renvoya une grimace. « Révisez-bien ». Il se croyait drôle, peut-être ? C'était la phrase qui la stressait plus que tout. Elle avait deux semaines pour réviser cinq cours de soixante-dix pages chacun.

– Tout va bien ? s'inquiéta Lou qui se pencha vers elle.

– Je ne vais jamais m'en sortir.

– Mais si, voyons ! Il n'y a aucune raison que tu ne t'en sortes pas ! Regarde, tu as la moyenne en contrôle continu !

– Mais je me plante totalement dès qu'il s'agit d'un partiel !

– En plus, il paraît que le prof note super mal, renchérit Émilien derrière elles.

– Je vais défaillir.

Les personnes autour de Leïla éclatèrent de rire. Même le prof qui l'avait entendue depuis son bureau esquissa un sourire. D'un geste qu'elle voulait certainement rassurant, Lou lui caressa doucement le dos mais cela n'eut que le mérite d'inquiéter encore plus la jeune fille. Elle ne démentait pas les dires de leur camarade. Ça voulait dire que ces rumeurs lui étaient parvenues à elle aussi ? Mais elle allait mourir !

– Dis-toi que des personnes sont passées dans l'année supérieure, c'est que c'est possible !

Leïla attrapa son sac sans répondre et quitta la pièce sans un regard en arrière. Parti comme c'était, elle la retrouverait dès l'année prochaine. Lou la rattrapa en trottinant, attachant ses cheveux bruns en une queue de cheval haute, avant de passer la anse de son sac à bandoulière sur l'épaule opposée.

– Tu rentres chez toi ou tu vas à la bibliothèque ?

– Si toi tu m'aides à améliorer mes capacités en cours, moi je vais vraiment devoir t'apprendre à parler normalement. Après un an, tu n'as toujours pas réussi à dire « BU » à la place de bibliothèque.

– Les sigles, c'est barbare, rétorqua Lou.

– J'ai bien remarqué que c'était ce que tu pensais ! Entre travaux dirigés à la place de TD et cours magistral à la place de CM, tu perds un temps fou quand tu parles ! Même dissertation, tu ne l'abrèges pas en dissert ! C'est presque flippant. Donc pour répondre à ta question de tout à l'heure, non, je ne vais pas à la BU parce que je préfère prendre le tram pour aller m'étaler sur mon lit et me questionner à propos du sens de ma vie et de mon potentiel avenir.