Narration 8.

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Alice était totalement pétrifiée par la peur. Elle n'avait même pas prit la peine de se relever, elle ne s'en sentait pas capable. Richard se tenait debout face à elle, un sourire plein de folie collé sur le visage.
—Où est-ce que tu essayais d'aller, Alice ?
Elle ne répondit pas, sa gorge était devenue si sèche qu'elle avait l'impression qu'elle ne pourrait plus jamais prononcer un seul mot.
—Tu voulais t'enfuir, c'est ça ? Ce n'est pas très gentil, ma chérie. Je me suis donné du mal pour te retrouver.
—Comment... Comment as-tu fais...? articula-t-elle avec peine.
C'était une question idiote, elle pensait à mille autres choses en cet instant, mais c'était la seule qu'elle avait réussit à dire.
—J'ai utilisé ce service, mais si, tu sais bien, quand on te vole un téléphone, pour te géolocaliser. Oh, ça n'était pas tout à fait vrai dans mon cas, puisque c'est ma femme que l'on a volé, mais le résultat est le même.
—Rich... Tu es complètement fou...

C'est alors qu'il brandit vers elle le couteau de cuisine qu'elle lui avait offert pour leur un an de mariage. À l'époque, elle trouvait déjà que ce cadeau n'était pas une très bonne idée. Elle se demanda soudain pourquoi elle n'avait pas simplement acheté une boîte de chocolat, comme toute personne sensée.
—Qu'est-ce que tu as dis ? Fou, moi ? Alice, ma chérie, tu te tapes un putain de GOSSE ! Tu m'as trompé avec un môme !
—Je n'ai pas... Pas avec lui, Rich, je t'assure...
— Ne m'appelles plus jamais comme ça, la putain !
Il abaissa l'arme, qui vint rencontrer la cuisse gauche d'Alice avec violence. Déchirant la chair, faisant couler son sang, entrant profondément dans sa peau, elle lui fit pousser un long cri de douleur.
—Rich... Je t'en prie...
—Je t'ai dis de ne plus m'appeler comme...
Il ne pût finir sa phrase, Valérian venait de se jeter sur lui en hurlant. Il le précipita au sol mais ne parvint pas à lui faire lâcher son arme pour autant.

Ils se débattirent un moment l'un contre l'autre. Valérian luttait du mieux qu'il pouvait, mais Richard était plus lourd, plus fort et surtout plus déterminé à le tuer. Alice observait la scène, hébétée, incapable de bouger. Valérian finit par prendre le dessus sur Richard, mais il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps. Il sentait d'ailleurs qu'il commençait à faiblir.
—Alice, haleta-t-il, va-t-en !
—La ferme, le môme ! Je vous buterai tout les deux !
—Cours Alice !
Elle ne bougeait toujours pas, paralysée par la peur et l'atrocité de ce qu'elle voyait.
— Je t'ai promis qu'il ne t'aurais pas... Mais pour ça tu dois fuir ! Pour moi c'est trop tard.
—Ta gueule le môme !
Ce fut le signal pour Alice, celui qui la ramena brusquement à la réalité et la poussa à se sauver. Sa jambe lui faisait affreusement mal et elle n'avait aucune idée d'où elle allait, mais il fallait courir loin de là, c'était tout ce qu'elle savait.

Valérian lutta encore quelques instants, à bout de souffle, puis voyant qu'Alice était suffisamment loin pour être tirée d'affaire, il abandonna. Alors Richard le fit basculer sur le dos et, le maintenant sous lui, il le planta une première fois à l'abdomen. Un long cri s'échappa de l'adolescent. Richard voulant les tuer tous les deux, il aurait dû s'occuper rapidement de Valérian et se lancer à la poursuite d'Alice. Mais il était consumé par sa folie et sa colère, qu'il avait senti s'apaiser au premier coup. Il frappa une seconde fois, un nouveau cri, encore un peu plus de sang sur la lame, ça le détendait. Il réitéra son geste.

Valérian aurait voulut mourir courageusement, le sourire aux lèvres, défiant cet homme jusques dans ses derniers instants, lui montrant qu'il avait pu sauver Alice et qu'il avait donc gagné. Mais ça n'était définitivement pas lui et il périt au cinquième coups, dans la douleur, les cris, les larmes et le sang. Une fin pitoyable qui n'avait rien d'héroïque. Il payait pour un crime qu'il n'avait pas commis, il payait pour elle et tous les autres qui s'étaient joués du mari en y prenant plaisir. Une mort stupide qui ne servirait rien.

Richard avait bien vu que le jeune homme avait rendu l'âme, il ne l'entendait plus ni supplier ni gémir. Mais il débordait toujours de rage et le planta donc encore une dizaine de fois, poussant un grognement de satisfaction à chaque coup, avant de lâcher l'affaire. Puis, il se releva, essuya la poussière sur son pantalon sans se dire qu'il y avait plus urgent à nettoyer, et regarda autour de lui. Alice n'était plus là. « Qu'elle meure seule. Les criminels paient toujours, de toute façon. Elle ne s'en tirera pas ».

Il se sentit soudain épuisé, vidé de toute son énergie. Il marcha machinalement jusqu'à sa voiture, monta à l'intérieur et démarra. Il roula rapidement jusqu'à l'autoroute la plus proche et sentit ses yeux se fermer peu à peu. Il n'avait pas dormi de la nuit et le meurtre, d'une violence inouïe, lui avait prit ses dernières forces. Il ne lutta pas contre le sommeil et s'endormit sur le volant. Il eut un accident brutal, qui ne fit aucun mort en dehors de lui-même. Les criminels paient toujours, disait-il. Le destin lui donna raison.

Si on le lui avait demandé, Alice aurait été bien incapable d'expliquer comment elle s'était retrouvée dans le vieux clocher de l'église. Elle avait simplement fuit la scène horrible du meurtre de Valérian, mécaniquement, sans réfléchir. La douleur à sa jambe avait été intense, brûlante, lancinante. Elle s'était trainé jusqu'au clocher en étant comme hors d'elle-même, trop assourdie par la douleur pour avoir les idées claires et penser à autre chose qu'à sa fuite. Arrivée tout en haut, elle s'était effondrée au sol, au bord de l'évanouissement, des lumières dansant devant ses yeux tant l'effort avait été violent.

Elle avait déchiré un morceau de sa robe et l'avait noué autour de sa blessure, sans oser y jeter le moindre coup d'œil. L'effleurer simplement du bout des doigts pour fermer le nœud de son bandage de fortune lui avait arraché un long cri. Ensuite, elle avait attendu. Quoi, elle n'en savait rien. Que Richard vienne l'achever ? Que la mort l'emporte ? Que Valérian vienne la retrouver, sain et sauf ? Elle ne savait même pas s'il était toujours vivant. Elle espérait, elle qui était partie trop tôt pour le voir succomber. Environ une heure plus tard, elle avait entendu les bruyantes sirènes de police, au loin. Elle se doutait de ce qu'elle verrait si elle se redressait pour regarder par l'unique et minuscule fenêtre du clocher.

Elle s'en doutait, mais elle avait besoin de savoir, même si elle sentait que ses dernières forces la quitteraient dans ce geste inutile. Elle se releva donc avec difficulté, en se mordant la lèvre pour ne pas gémir, et observa la scène. C'est là qu'elle découvrit que Valérian était mort. Elle ne supporta cela bien longtemps, détruite par la vision de son corps atrocement tué. Elle se laissa glisser le long du mur, et s'assit à genoux, la tête entre les mains. « Tailler en pièces », avait promis Richard. À peu de choses près, c'était exactement ce qu'il avait fait.

Une larme dévala le long de sa joue. Sa faute. Sa jambe la faisait atrocement souffrir. Elle aurait dû crier pour alerter la police. Elle pourrait tout leur raconter. Peut-être qu'eux comprendraient. Parce qu'elle, elle ne parvenait pas à comprendre. Comment en était-elle arrivée là ? Elle tournait cette question en boucle dans sa tête, tout en ressassant la nuit passée. Non, vraiment, elle ne comprenait pas.

Elle se releva à nouveau, les larmes et la douleur lui brouillant la vue. Il fallait... qu'elle les prévienne... Qu'elle leur explique... que c'était sa faute. Tout comme elle, ses pensées étaient comme haletantes, se déplaçant avec une lenteur extrême. Il fallait absolument qu'elle leur dise qu'il était mort à cause d'elle. « J'ai tué cet enfant ! » voulut-elle leur hurler, « ma bêtise, mon égoïsme et ma luxure l'ont tué ! » Mais elle n'avait même plus assez d'énergie pour cela. Elle avait réussit par on ne sait quel miracle à atteindre les petits escaliers qui permettaient de descendre du clocher.

Elle ne se sentait plus tout à fait vivante, tant son sang avait déjà coulé de la plaie béante d'une vingtaine de centimètres provoquée par Richard, mais elle n'était pas tout à fait morte non plus, et il fallait qu'elle aille les prévenir. Oui, il le fallait, vite, avant qu'elle ne... Soudain, elle trébucha et dégringola jusqu'au bas des marches. Elle s'y brisa la nuque et mourut sur le coup. On la retrouva quelques heures plus tard, alerté par l'odeur. Durant sa chute, Alice n'avait pas vu sa vie défiler. Quelle vie avait-elle à regarder, de toute façon ? En revanche, elle s'était sentie tomber, comme au ralenti, se cognant violemment aux marches, dépliant et repliant les bras pour se protéger vainement de la douleur, battant l'air des jambes comme pour stopper sa descente mortelle. Et cette sensation de se voir mourir lentement lui avait amené à l'esprit une ultime pensée, une idée idiote, celle que ses mouvements lents ressemblaient à une étrange danse funèbre. Et c'était effectivement cela, elle avait effectué sa dernière danse, sa valse hivernale.

Val'se hivernale.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant