Qui est-ce ?

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C'était une femme. Une superbe blonde qui ne ressemblait en rien à ma grande tante aux cheveux de cendres ou encore n'importe quel autre membre de ma famille vivant également à Genève. Non, il était accompagné d'une femme avec qui il discutait au coin de la rue. Elle était de dos, mais je devinais qu'elle était plus jeune et probablement d'origine albanaise. Je me repassais en tête toutes les blondes que je connaissais et la liste n'était pas longue et celles dans les dessins animés ne comptaient pas.

Je regardais encore dans leur direction, mais ma mère mit sa main devant mes yeux encore et m'obligea gentiment à me rasseoir correctement. Elle soupira, encore, puis augmenta à nouveau le son de la radio. Je soupirai alors moi aussi, mais d'agacement. Elle libéra l'une de ses mains du volant et vint prendre la mienne. Ça faisait du bien. 

Pas plus d'une trentaine de minutes plus tard, nous nous trouvâmes devant notre appartement. Ma mère ne prit pas la peine de couper la musique avant d'éteindre le moteur. Elle avait fini par baisser le volume au cours de notre trajet, car il y avait de la pub et qu'elle ne supportait pas ça. Moi, j'aimais bien. Je m'amusais à imaginer le visage des personnes à qui appartenaient les voix qui parlaient. 

Arrivées devant la porte de notre appartement, ma mère mit la main dans son sac pour en sortir les clés, mais les fit tomber au sol. Elle me regarda un instant comme si elle venait de faire quelque chose de grave et évidemment ce n'était pas le cas. Elle était juste encore perdue selon moi, comme si elle n'était présente que physiquement et que son esprit était ailleurs. Je pris l'initiative de les ramasser moi-même en calant mes deux béquilles dans l'un seul de mes bras. Je lui tendis les clés, puis elle ouvrit la porte dans un petit "merci". 

À peine j'arrivais que j'envoyais mes pseudo-membres supplémentaires volées sur le canapé. Je ne les avais pas jetés par terre car cela aurait fait trop de bruit, même si je pense que dans l'état dans lequel se trouvais ma mère, elle n'aurait pas tiqué. Elle s'était d'ailleurs immédiatement rendue dans la cuisine pour entamer la préparation du dîner. Une fois que ce fût prêt, elle n'attendit pas que mon père revienne à la maison pour servir le repas. Cela ne m'étonna pas plus que ça et je ne voulais pas protester. Elle m'apporta une jolie assiette de pâtes à la sauce tomate sur un petit plateau qu'elle déposa sur le guéridon en face du canapé duquel je n'avais pas bougé depuis que nous étions arrivées. Elle repartit se chercher une assiette aussi dans la cuisine qu'elle mit directement sur ses genoux, sans plateau, puis elle vit s'asseoir à ma droite. Elle passa la main dans mes cheveux et alluma la télévision. Décidément, c'était la journée des choses que ma mère faisait pour la première fois. 

Le reste de la soirée se déroula ainsi et lorsque je vis que ma mère commençait à somnoler dans le canapé, je pris l'assiette qu'elle avait sur les genoux et la posa à côté de mon propre plateau auquel j'avais à peine touché, sur la petite table. J'aurais aimé faire la vaisselle pour elle, mais je ne savais pas exactement comment faire et aussi je mentirai si je disais que j'étais moi-même pas fatiguée. Il était aux alentours de 21h00 et c'était l'heure à laquelle j'allais dormir en général. Je couvris ma maman avec un plaid qui trônait sur un fauteuil au coin du salon, éteignis la lumière de la pièce pour ne laisser que celle de la cuisine et partis en direction de ma chambre.  

Je ne prenais pas la peine de me brosser les dents cette fois, de toute façon je n'avais même pas mangé mon dessert et me faufila sous mes couvertures après avoir enfilé mon pyjama. Le sommeil me prit assez rapidement alors je dis bonne nuit à ma mère dans ma tête. Enfin, je chuchotais pour moi-même :

"Si papa arrive avant que je compte jusqu'à dix, tout va s'arranger."

Un..

Deux..

Trois...

On ne choisit pas sa familleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant