Un sentiment de jalousie

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Avant de rentrer à la maison, ma mère m'a emmené au lac pour oublier un peu tout ce qu'il s'était passé et pour que je donne du pain aux canards. Les canards sont mes animaux préférés. Je voulais parler de mon père qui était absent pendant ma journée passée à l'hôpital, mais je sentais bien que ma mère voulait à tout prix éviter le sujet. Je devais me satisfaire de petits mots rassurants et de quelques sourires. Quelque chose m'interpella tout de même quand elle dit plus pour se convaincre elle-même que pour me réconforter :

"Papa a retenu la leçon."  

Ma mère finit par se lever, signe que nous allions rentrer. En marchant, je me rendis compte que marcher avec des béquilles était plus compliqué que je ne l'imaginais, mais surtout que la douleur due à ma blessure était moins supportable que tout à l'heure chez le médecin. Je grimaçais sans pour autant dire le moindre mot, me disant que si je n'ouvrais pas la bouche, je serais moins tenter de me plaindre et d'ennuyer ma mère plus encore. Lorsqu'elle voyait que je m'encoublais, elle me redressait et époussetait mes vêtements de quelques mouvements machinaux. 

Se rendant finalement compte que je peinais réellement et que le parking était encore loin. Elle me fit asseoir sur l'un des bancs qui longeait la promenade et me dit de ne pas bouger. 

En l'attendant je ne pu m'empêcher de me replonger dans mes réflexions. Un flash me prit. Je voyais mes parents se disputer dans la cuisine. Repensant à tout cela, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi mon père, fautif dans l'histoire ne m'avait pas emmenée à l'hôpital à la place de ma mère. Ne ressentait-il donc aucune culpabilité ? Des larmes se formaient peu à peu et menaçaient de franchir la barrière de mes paupières, pourtant je ne ressentais pas de la tristesse, mais quelque chose qui pouvait être assimilée à présent à de la haine. Je me disais que si mon père ne s'était pas inquiété pour cela, il ne s'inquiéterait certainement pas pour autre chose de plus futile me concernant. Alors mon avis était qu'il ne m'aimait pas. C'était la première fois que mes parents se disputaient devant moi. 

Une larme coula.

Du haut de mon banc, la vue du lac commençait à se faire lassante en face de moi. Alors je me tournais et tombais nez à nez avec un garçon de ma classe qui m'avait parlé le jour de la rentrée. Il s'appelle Mehdi. Il est un peu plus grand que moi. Ses cheveux sont de la même couleur que le chocolat de mes tartines et il sourit beaucoup. Il me dit :

- Qu'est-ce que tu fais ici, toute seule ?

Je compris ce qu'il me dit car un jour un gentil petit bonhomme m'avait dit la même chose et je lui répondis sans avoir besoin de réfléchir à mes mots  :

- J'attends ma maman.

C'était un progrès.

Il se leva alors d'un bond avant de me dire qu'il partait en agitant sa main devant son visage étiré par un large et franc sourire.

Je le vis partir main dans la main avec sa mère et son père. Je baissais la tête et regardais mes propres mains. Elles étaient un peu rouges à cause de la brise du bord du lac. Je les mettais l'une dans l'autre et les serrais sous mon écharpe. Je me sentais étrange en voyant mon ami si heureux avec sa petite famille. Ce garçon possédait quelque chose qui le faisait sourire encore plus que d'habitudes et je savais que même avec tout l'argent que mon père gagne en travaillant, je ne pourrai pas avoir.

Ma mère m'appela depuis la voiture en un klaxon, puis nous prenions la route. 



On ne choisit pas sa familleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant