Pipelette

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Oui, ma mère avait réussi à me retrouver. Heureusement, une de nos voisines faisait ses courses dans le centre commercial et quand elle a entendu mon nom à l'appel, elle a directement pensé à appeler ma mère. Je ne saurais dire si c'était pour le mieux ou pour le pire, car quand nous sommes rentrées à la maison, elle m'a passé un sacré savon. Impossible de l'oublier celui-là ! Elle m'a même menacé de me faire retourner au Kosovo.

Sur le coup, elle m'avait vraiment fait peur et je n'avais aucune envie de repartir toute seule, mais en même temps je dois avouer que je n'était pas contre l'idée de revoir mes amis et mes cousines que j'avais laissés là-bas. Enfin, en y repensant, je sais bien qu'elle n'aurait jamais été capable de faire une telle chose, mais toute cette histoire m'avait bien valu d'être punie de dessins animés pendant cinq jours.

Le temps passait en même temps que les semaines d'école et j'avais réussi à me faire à l'idée que quitter l'établissement scolaire à chaque fois que j'entendais une sonnerie n'était pas une chose à faire. À côté de ça, je m'étais faite des amies et j'avais ajouté quelques nouveaux mots de français à mon vocabulaire. Mes mots préférés étaient "vacances", parce que ça voulait dire qu'on allait pas à l'école et que j'allais revoir mes cousines de Gjilan et "bonbon", mais ça j'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi, vous le savez déjà.

Un après-midi, ma maman était venue me chercher à 16h comme d'habitude et sur le trajet je n'avais pas dit un mot. Quand nous sommes rentrées, j'ai foncé dans ma chambre et je n'en suis sortie que pour manger. Ma mère avait bien essayé de savoir ce qui n'allait pas, mais j'ai fait ce que je faisais bien trop souvent quand je mentais : j'ai fait un grand sourire et j'ai dit que tout ce que j'avais appris aujourd'hui m'avait trop épuisé.

Là, je me sentais un peu coupable de lui dire ça, car si je n'étais pas bien c'était justement à cause des remarques de ma maîtresse qui disait que je "ferais mieux de travailler plus au lieu de faire la pipelette". Elle l'avait dit devant toute la classe et j'avais même entendu les trois filles du fond, que je n'aimais pas, se moquer de moi. Ma mère, sachant très bien que tout irait mieux le lendemain quand je mangerai mes tartines devant les super nanas, n'avait pas voulu insister. Elle s'était contentée de me sourire aussi après m'avoir donné un câlin et promis qu'elle achèterai du chocolat pour mes fameuses tartines du matin, mais que maintenant je devais aller dormir.

On ne choisit pas sa familleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant