— Mon frère m'avait poussée, boudé-je. Il a fait croire à tout le monde que j'avais cassé ce vase. Comme je suis tête en l'air et que je fais gaffe sur gaffe, ils l'ont cru.
Eliott, un bras étalé sur le dossier du canapé, rit doucement. Il ne se moque pas de moi, il s'amuse gentiment de la situation. Cela me change tellement... d'avant. Alors, je lui souris simplement. Depuis que nous avons terminé de dîner, nous discutons légèrement, sans prise de tête. Même Chester semble détendu, n'est plus à l'affût d'une attaque quelconque.
Après encore un long moment de conversation, nous montons nous coucher, le chien sur les talons. Il s'installe à sa place, de tout son long puis ne bouge plus.
— Tu t'en vas dans deux petits jours, ronchonne Eliott lorsque nous sommes allongés sous les draps.
— Deux grands jours, corrigé-je en m'accrochant à son bras.
Soupirant, il niche son visage dans mon cou, en y déposant plusieurs baisers. Je le laisse faire, en m'enfonçant d'autant plus dans le matelas que je me détends.
— Dis? demande-t-il, ses lèvres contre ma peau.
Glissant ma main dans son dos, je l'incite implicitement à continuer.
— J'ai le droit de voir?
Lorsqu'il se redresse pour mieux pouvoir de regarder, je comprends de suite. Instantanément, mon corps se tend d'appréhension. Par la suite, son expression et ses gestes me rassurent : il ne veut pas me juger. Simplement, constater "l'ampleur des dégâts" si je puis dire. Je ne me sens pas très à l'aise avec tout cela. Alors, sans y réfléchir, je me protège de mes bras en me recroquevillant sur moi-même.
— Pourquoi? m'enquiers-je d'une voix faible.
Ses sourcils se froncent tandis que sa paume se fraie un léger passage sous mon T-shirt de pyjama. Il ne me répond pas puisque, je suppose, qu'il n'y pas réellement de justification à cette demande. Si ce n'est la curiosité. Ai-je réellement envie qu'il puisse percevoir tout cela? Ma joue reçoit un baiser d'encouragement tandis qu'il ne tente rien d'autre, me laissant maîtresse de ma décision.
Je hoche lentement la tête, en signe d'approbation. De toute façon, seule la petite lampe est allumée, de son côté. Je crois qu'au fond, j'ai besoin d'avoir son regard sur moi. Qu'il me dise ce qu'il en pense. Alors, doucement, il relève mon haut, tout en faisant attention à la moindre de mes réactions. Il s'arrête à la lisière de ma poitrine, sans le remonter encore. Ses doigts fins frôlent ma peau pâle. Ce n'est pas l'endroit qui a le plus souffert. En réalité, aujourd'hui, il paraît presque normal. Peut être est-ce moi qui me suis persuadée d'être marquée d'absolument partout? Je sais qu'Eliott saura me répondre avec honnêteté.
— J'ai presque tout pris sur le dos et les bras, expliqué-je dans un souffle, gênée.
Lors du choc de la voiture, je m'étais protégée avec ses derniers. Je me redresse afin de me tourner. A nouveau, il remonte avec douceur le tissu jusqu'à ma nuque. Je sais ce qu'il voit : une cicatrice le long de ma colonne vertébrale puis quelques autres dues soit à l'accident, soit à la violence. La plupart des traces ont eu le temps de disparaître. J'avais surtout peur que celles se trouvant sur mon visage ne s'estompent pas et me forcent à me remémorer tout cela toute ma vie. Mais, étant donné que la majorité se trouvent dans un endroit que je peux difficilement voir, cela facilite l'acceptation de tout cela.
Eliott reste silencieux derrière moi. Sa main continue de caresser ma peau, comme s'il voulait effacer toutes les douleurs qu'elle a subie. Le problème, c'est qu'il ne dit rien du tout. Embarrassée au plus haut point, je le repousse avant de rabattre mon vêtement d'un mouvement sec. C'en est assez pour moi. Lorsque je me retourne vers lui, je trouve son visage fermé.
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Miroir
Roman d'amourAuxanne Lawson, jeune avocate new-yorkaise de 25 ans se retrouve injustement forcée à partir en vacances par son patron. Ne voulant pas envenimer la situation déjà complexe, elle accepte de se reclure deux semaines à Livingston, dans la maison d'une...