28 _ N'ouvre pas

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Chantonnant sur les quelques kilomètres qu'il me reste, mon doigt tapote le volant au rythme de la musique pop anglaise. Le nuage de ma vie semble avoir trouvé une éclaircie qui commence à chasser cette obscurité incessante. Au bout d'un moment, je mets le clignotant avant de bifurquer sur ce chemin apparemment sans fin. Terreux et entouré d'arbres immenses, j'ai l'impression de m'enfoncer dans une jungle. Au loin, je discerne le lac reflétant le soleil couchant. Lorsque je me gare à côté du pick-up, j'aperçois la petite famille à l'extérieur, revenant probablement d'une balade avec Chester. A peine ai-je posé un pied en dehors de mon véhicule qu'une petite fille saute dans mes bras. M'extirpant entièrement de ma voiture, je la soulève dans les airs en la faisant tournoyer. Son rire me parvient aux oreilles telles une chanson douce.

Dès que je la repose au sol, je me précipite sur Eliott. Surpris, il n'a pas le temps de se rattraper et tombe en arrière sur la portière de mon automobile dans un bruit sourd. Me souvenant à cet instant de ses côtes meurtries, je me recule instantanément en m'excusant sauf qu'il me conserve contre lui. Son coquard s'est estompé. Ses bras se resserrent autour de ma taille alors que je niche mon visage dans le creux de son cou.

— Il faut que je te raconte un truc, chuchoté-je dans son oreille.

— Moi aussi, souffle-t-il.

Je m'écarte légèrement, comprenant ce à quoi il fait allusion. Malgré tout, pour l'instant, je veux juste récupérer de la force avec lui. Par conséquent, je l'embrasse doucement, glissant mes mains sur sa nuque. J'aurais adoré me perdre dans ce baiser. C'était sans penser à Lexie qui s'exclame dans un grand beurk ! Frustrée, je pose mon front sur le torse de son oncle, à la recherche d'affection. Il me l'offre sans grande hésitation, déposant ses lèvres sur le haut de mon crâne.

— Rentrons tes affaires, propose-t-il.

A contrecœur, je le lâche afin d'ouvrir mon coffre. Il récupère ma petite valise, me permettant de conserver sa main dans la mienne. Xie nous devance, entrant dans la maison. Chester la suit et nous le talonnons. Une fois le pas de la porte dépassé, Eliott la verrouille, comme d'habitude. Ainsi, je suis forcée de le libérer. Je récupère mon sac de voyage avant d'entreprendre de grimper les marches. La chambre semble ne pas avoir bougé d'un iota. Les coussins sont toujours empilés du côté de la fenêtre. Je redescends rapidement afin de les rejoindre. Post-it baille à s'en décrocher la mâchoire. Je m'accroupis à sa hauteur :

— Je suis rentrée, tu peux aller te coucher, déclaré-je doucement.

— Tu viens me border après? quémande-t-elle.

— Bien sûr.

Elle se dirige vers sa chambre au moment où je me retourne vers Eliott.

— Je peux t'embrasser comme il faut maintenant? m'informé-je, nouant mes mains sur sa nuque.

Il se charge de poser ses lèvres sur les miennes, m'attirant à lui. Sa fougue occasionnelle me surprendra toujours. Ma bouche s'entrouve lorsque j'appelle son prénom. Il en profite pour mêler sa langue à la mienne dans un échange plus qu'agréable. Mes doigts parcourent ses cheveux bruns, certains se faufilant dans son cou. Quant à lui, il caresse la peau brûlante de mon dos. Lorsqu'il lâche ma bouche, son nez frôle ma joue tachetée. Ses paupières restent closes, comme s'il s'imprégnait de tout ce qui fait mon être. Alors, à mon tour, je ferme les yeux. J'effleure distraitement sa peau douce.

— Ce que tu as à me relater peut attendre demain? s'enquiert-il.

J'approuve, simplement heureuse de le retrouver. Je croise son regard bicolore, si précieux à mes yeux. Déposant un baiser sur son nez, je lui souris avant de rejoindre Lexie. Cette dernière, sagement allongée dans son lit, patiente tranquillement. M'asseyant sur le bord de son matelas, je relève sa couette.

MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant