Chapitre 3

99 7 0
                                        

Helen

Je suis assise à la table de la cuisine, Camille reste silencieuse en face de moi, attendant que je commence. Je me racle la gorge et prend une grande inspiration.

-Je crois que je suis enceinte.

Mon amie reste sans rien dire, juste en souriant pour m'inciter à continuer.

-Je... On s'est toujours protégés mais j'ai presqu'un mois de retard de règles, j'ai des nausées depuis deux semaines... J'ai peur Camille. J'ai tellement peur. Je ne peux pas demander de l'argent à ma mère pour aller en Angleterre, elle a déjà du mal à payer le loyer...

Camille se lève et me prend dans ses bras. La tête posée sur son épaule, je sanglote, paniquée. Je n'ai même pas fini le lycée et je suis peut-être enceinte. Je ne peux pas, je ne suis pas prête. Je ne veux pas être mère.

-Calme toi, chuchote-t-elle. Tout va bien se passer, peut-être que ce n'est rien et que tu as juste un retard.

-Et si ce n'est pas le cas ? Qu'est ce que je vais faire ?

-Dans tous les cas, parles-en à Charlie, tu n'es pas tombée enceinte toute seule. Il est responsable autant que toi. Il faut que tu lui en parles. Compris ?

Je fais oui de la tête et tente de calmer ma respiration.

-Il vient à la manifestation ?

-Non, mais il paraît que le frère de Jules organise une soirée avec ses amis de la fac, il y sera forcément.

Elle sourit et me propose de finir mon café avant d'aller chez Adèle.

-Quitte à être réveillée, autant réveiller tous le monde. Se justifie-t-elle

J'approuve sa proposition. Après avoir déposer Nicolas à l'école, nous nous dirigeons donc chez notre amie, en discutant de tout et de rien. Ou plutôt, elle discutait toute seule de tout et de rien pendant que je la remerciais silencieusement de ne pas avoir insister pour revenir sur ma situation. Elle avait bien compris que j'avais besoin de penser à autre chose pour arrêter de me lamenter sur mon sort. Dix minutes de marche et un verre d'eau vidé sur le visage d'Adèle plus tard, nous étions toutes les trois dans le salon. La blonde me fixe, la tête penchée et l'air concentrée. Je déteste quand elle fait ça, elle me connaît trop pour ne pas deviner que quelque chose ne va pas.

-Je vais t'éviter 20 minutes de réflexion, je suis peut-être enceinte. Charlie n'est pas au courant.

-Tu attends quoi pour lui dire ?

-Il y a une fête ce soir, je ne peux pas lui dire avant, il ne voulait pas venir à la manifestation.

Elle hausse les épaules, l'air de dire "fais comme tu le sens". La connaissant, elle et ses actions toujours pleines de sous entendus, cela signifie plutôt "fais comme tu le sens, même si ce n'est pas la bonne solution. Annoncer ça à une fête ? Ne compte pas trop sur lui pour s'en souvenir demain". Je hoche la tête, je sais qu'elle a raison mais je n'ai pas tellement le choix. L'idée de débarquer chez lui de bon matin pour lui annoncer ce qui ferait certainement recracher leur café à ses parents, m'avait certes effleuré mais je ne voulais certainement pas la mettre en pratique.

-Donc on sort ce soir ! Annonça Camille

-Au départ, on voulait manifester. Tu sais "la dictature déguisée", se battre pour ses droits et son avenir...

La rousse lève les yeux au ciel. La matinée passe bien trop rapidement à mon goût, mais l'excitation d'aller manifester pour la première fois prends vite le dessus. Nous déjeunons puis nous rendons à la place de la bastille, pleine de petits groupes.

-Tenez, prenez ça. Nous dit une jeune femme en nous tandant une pancarte

Je la prends sans comprendre.

-Tu la tiens à l'envers là. M'indique Camille

Je la retourne dans un sens, puis dans l'autre pour y lire l'inscription "Il est interdit d'interdire".

-Elle n'est toujours pas dans le bon sens. Sourit l'étudiante. Bref vous êtes un peu informées sur nos revendications ?

-Vaguement. Indique Adèle

-Il y a plusieurs mouvements ces derniers jours, mais pour les étudiants, ça a commencé à la fac de Nanterre. Ça fait des mois que les étudiants protestent, pour de meilleurs locaux, mais surtout pour changer le système universitaire. À peine le bac en poche, on nous conditionne pour être en accord avec le capitalisme. Et même avant, c'est un véritable lavage de cerveau. On attend de nous d'être des zombis prêt à travailler à la chaîne pour à peine gagner de quoi payer le loyer. Être dans la rue aujourd'hui et dans les prochains jours, c'est très important. C'est maintenant qu'on doit se battre.

Elle prend une pause dans son discours et admire son effet.

-On se retrouve ici tous les jours, mais les vraies manifs sont dans le quartier latin. On compte partir d'ici une vingtaine de minutes. Vous venez ?

-Et comment ! Dit Camille

Minuit moins vingtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant