Chapitre 9: État Sauvage

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Les hélices de l'avion happaient l'air, les secousses faisaient trembler Paul. Il avait terminé son livre avant que l'engin ne s'avance sur le tarmac. Pas très malin, se gronda t-il. Henry, lui, relisait le carnet de Sullivan Mills. Les pattes de mouches étaient difficilement déchiffrables, mais au bout de plusieurs pages, on commençait à prendre l'habitude et la lecture se simplifiait d'elle-même.

— Je n'arrive pas à croire que l'on va en Sibérie, c'est comme prendre un billet aller et sans retour pour l'enfer, émit tremblant Paul.

Joe était toujours assoupi à côté de ses amis. Ses ronflements dérangeaient uniquement la grand-mère du siège à sa diagonale. Elle lui envoyait des regards assassins toutes les quatre minutes environ, en vain. La vieille allait devoir faire plus de mouvements pour le réveiller, l'adolescent était connu pour son sommeil lourd.

— Tu vois bien que nous ne sommes pas seuls, il y a des familles qui y vont, démontra Henry.

Paul lança un rapide coup d'œil dans l'habitacle. Il y avait certes deux ou trois enfants dans l'engin volant et plusieurs personnes âgées, mais la Sibérie était sûrement une escale avant de rejoindre la Russie ou l'Asie qui étaient eux, des coins plus convenables.

— Arrête de t'inquiéter comme ça, déclara Henry, tout va bien se passer, je te le promets.

Paul grogna quelques mots dans sa barbe.

— Qu'est-ce que tu as dit ? voulut lui faire répéter le brun.

Paul marmonna un peu plus fort :

— Dit-il alors que nous avons déjà un cadavre sur les bras.

Henry pâlit en repensant à sa tante, livide, dans son salon. Elle ressemblait tellement à sa mère, s'en était déroutant. Son cœur se pinça en l'imaginant et il détourna sa tête, ne voulant pas que Paul détecte l'émotion qui l'avait envahi. De violentes turbulences réveillèrent le dormeur, il essuya la bave qui coulait sur son menton.

— On est où ? interrogea Joe, un peu à l'Ouest.

Le garçon aux yeux verts se mit à rire, sa simplicité faisait beaucoup de bien au groupe.

— Dans l'avion pour l'enfer dirait Paul.

L'ami à la peau ébène souffla. Ils devraient l'écouter, il s'était bien renseigné sur le sujet. La Sibérie était réellement dangereuse et cela faisait longtemps que des expéditions officielles n'avaient plus eu lieu. Et en ce qui concernait les excursions officieuses, personne n'était revenu vivant pour en parler.

 — Nous arrivons à Omsk dans trois heures, rectifia Paul, agacé par les moqueries de son ami.

Le blond se rendormit. Il ne voulait pas perdre son temps à attendre alors que le sommeil était si agréable. Il rêva de chocolat, de donuts et de moutons roses, pourquoi des moutons roses ? Ne lui demandez pas, il n'en avait aucune idée. Pendant ce temps-là, Paul essayait de planifier leur arrivée dans la ville fantôme.

Il restait quelques boutiques. Toutes gérées par des russes, qui n'avaient pas désiré quitter leur lieu de vie, lorsque la Sibérie fut séparée définitivement de l'état souverain. Le pays était bien trop grand et trop coûteux à entretenir pour ce qu'il rapportait. Les trois garçons avaient prévu de dormir dans une petite auberge pour la première nuit et trouver du matériel de camping pour les suivantes. 

Ce n'était certainement pas à Omsk que la cave se situait, mais les archives de la ville allaient peut-être leur permettre de trouver de nouveaux indices, pour localiser plus précisément l'endroit. Une croix au milieu de la forêt ce n'était pas ce qui existait de plus précis en deux-mille soixante-quatre.

La dernière tartineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant