Chapitre 22 : Joséphine Portier

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Lorsqu'elle avait vu son corps, Joséphine avait perdu pied. Son beau Sullivan, son amant, son amour. Il était là, livide dans la salle à manger. Elle l'avait tué. Personne ne l'avait réellement obligée, c'était elle qui avait saisi une seringue préalablement remplie d'une dose mortelle de Liporex.

Pourtant, elle n'avait pas réalisé jusqu'à cet instant où elle avait vu pour la première fois, le corps sans vie de son époux. Elle s'était précipitée comme prévu, sur le téléphone et avait prévenu les secours. Ils étaient arrivés quelques minutes plus tard.

— Nous sommes navrés madame, ils avaient alors annoncé, votre mari est décédé.

Joséphine avait pleuré, pas seulement parce que c'était une réaction attendue, mais parce qu'elle l'avait vraiment aimé. Peut-être pas autant que lui, peut-être pas de la même manière, mais elle l'avait vraiment aimé. Lorsque le corps fut évacué sur la civière et recouvert d'un drap, la nouvelle veuve s'était effondrée au sol.

Les médecins avaient déclaré que Sullivan Mills avait succombé à une attaque cardiaque éclair. Aucune question ne fut posée et Joséphine hérita de ce qu'il lui avait laissé. Un mois après, elle pénétra dans son bureau.

L'air sentait encore son parfum, elle aurait presque pu sentir son contact lorsqu'elle s'était assise sur sa chaise préférée. Il était si beau. Après avoir laissé son esprit papillonner, elle avait repensé au carnet et s'était mise à sa recherche. Quand elle l'eut trouvé, l'ex madame Mills l'avait relu. Il y avait des informations nouvelles sur les dernières pages. Une adresse et deux noms.

Georges et Henry Mills : 156 rue du vivier. 1175 Belgique.

Elle savait que Sullivan ne parlait plus à son frère. Les contacts avaient été totalement rompus depuis la mort de Marie. Pourtant, quand elle avait vu l'adresse, elle s'était demandée si elle connaissait réellement son mari. Entretenait-il des liens cachés avec sa famille ? Après tout, elle lui avait bien caché sa profession.

Elle avait repensé au petit Henry qu'elle avait vu peu de fois. Il ressemblait tellement à Marie et par conséquence, à elle. Quand elle avait pensé à sa sœur, une larme avait roulée sur sa joue. Elle était une victime du Liporex. Comme tous les autres. Joséphine avait rapidement compris quel était le mal qui touchait sa grande sœur.

Elle ne pouvait pourtant rien lui dire, à elle, sa propre sœur qu'elle savait mourante. Joséphine ne pouvait pas non plus aller voir ce neveu qu'elle savait bientôt orphelin de mère. Elle avait donc pris ses distances avec cette nouvelle famille, dont elle ne pouvait pas non plus sentir le patriarche.

Elle sortit de la pièce et n'y pensa plus pendant des jours. Pourtant cette adresse traînait toujours dans un coin de sa tête.  Puis un jour de novembre, en milieu de matinée, elle prit une décision. Quelque chose d'insensé et que beaucoup auraient qualifié de stupide. La veuve Mills avait ouvert son coffre-fort et en avait sorti un vieux pot de nutella, totem qui était la preuve de son partenariat avec la célèbre entreprise.

Elle avait ensuite gratté quelques mots sur une carte qu'elle avait obtenue pour les « cas d'urgence ». La croix montrait l'emplacement plus ou moins exact de l'agence qui gardait le fameux dernier pot. Symbole de leur nouveau défi, suite au virus. Le Liporex y était conservé pour être utilisé sur tous ceux qui parlaient.

Sans attendre, elle avait emballé le paquet dans le carton de sa boulangerie préférée et elle avait réservé des billets aller-retours pour l'Allemagne. Le destinataire habitait au 156 rue du vivier. 1175 Belgique. Et durant les courtes heures qui suivirent, elle avait espéré qu'il découvre toute la vérité et que Marie Portier soit vengée. Tout comme Sullivan Mills et toutes les autres victimes.

La dernière tartineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant