Chapitre 4: La Poste

56 12 32
                                    

La fatigue se lisait sur les traits des trois adolescents. Après plusieurs minutes de transports, ils arrivèrent à l'hôtel. Le néon rose de l'enseigne leur rappela les motels des films hollywoodiens. La propreté de la chambre laissait à désirer, mais les garçons ne firent pas les difficiles et s'endormirent sur les couvre-lit tout habillés, épuisés par leur longue journée.

Un bip bip incessant les sortit des bras de Morphée et après une douche rapide, ils étaient frais comme des enfants et prêts à partir.

— Bien, j'ai entouré tout un tas de postes et j'ai privilégié celles au plus près de l'aéroport.

— Il y en a combien ?

— J'en ai sélectionné une trentaine qui étaient en activité il y a cinq ans et j'ai choisi les plus accessibles et les plus grosses.

— On ne trouvera jamais. Ce qu'on demande est mathématiquement impossible, affirma Paul.

Joe laissa échapper un rire.

— Alors adressons-nous à la chance ! lança t-il.

Les garçons suivirent la carte. À la première poste, leurs mots étaient confus. Henry bafouillait son anglais et tentait de communiquer, perdu avec l'accent allemand de son interlocuteur. Puis au fil des heures, leur discours se roda et l'exercice se simplifia. Ils étaient souvent, voir toujours, accueillis par des rires. Les gens leur expliquaient que leur requête était insensée, mais les garçons ne se découragèrent pas.

À la nuit tombée, ils rentrèrent à l'hôtel, emportant avec eux des plats préparés qu'ils dégustèrent rapidement avant de dormir. Cette fois-ci en pyjama et dans les draps aux teintes délavées. Ils ne se soucièrent guère du cafard qui passa sur le mur au-dessus de leurs trois têtes, leurs yeux étaient déjà clos.

Paul fut debout avant que le réveil ne sonne et il en profita pour prendre un peu l'air. Il n'avait jamais cru au hasard, ni à la chance. Tout dans sa vie était calculé au millimètre près, alors il devait prendre énormément sur lui pour suivre ses amis. Aujourd'hui était leur dernier jour en Allemagne, leur avion retour était prévu pour demain seize heures.

Un Joe mal réveillé le rejoignit peu de temps après.

— Tu as du mal avec tout ça, n'est-ce pas ? questionna t-il.

Paul resta muet. Son ami savait tout de lui, il n'avait pas à lui expliquer. Joe fixait l'horizon, il ne lui était pas nécessaire d'observer le minois du brun pour connaître l'expression qu'il arborait actuellement. Contrairement à lui, la chance était un élément essentiel de sa vie. Petit, il avait été recueilli par une gentille grand-mère qui n'avait pas de famille, tout comme lui.

Beaucoup auraient pu dire que le fait qu'il soit orphelin prouvait que ce n'était pas la chance qui guidait son destin, mais son contraire. Pourtant Joe ne l'avait jamais vu de cet œil-là. Il n'avait jamais connu ses parents, mais il adorait sa grand-mère et il pensait qu'il n'aurait pas pu être plus heureux.

— Il nous reste dix postes à faire aujourd'hui, annonça Henry en les rejoignant.

Ils se mirent rapidement en route. La réaction des postiers fut la même que le jour précédent. Le soleil tapa sur leurs têtes toute la journée. Cette ville n'était pourtant pas réputée pour son ensoleillement, mais parfois le sort s'acharne comme on dit. L'oreille d'Henry s'était habituée à l'allemand. Sa sonorité brute et reconnaissable lui plaisait étrangement, cela changeait de la tonalité plate et froide de l'accent anglais dont son père adorait user.

En fin d'après-midi, après avoir parcouru plusieurs kilomètres à pied, ils traversèrent le seuil de la dernière poste. Ils avaient fait un peu de tourisme avant d'entrer dans celle-ci, histoire de ne pas avoir fait le déplacement pour rien. Le postier était un homme trapu avec un air méprisant. Henry s'approcha, fébrile. Cet homme à l'allure antipathique était sa dernière chance.

La dernière tartineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant