Chapitre 6

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          La voix grave du jeune homme la ramena aussitôt à elle, qui s'était perdue dans ses pensées en regardant danser les flammes. Edwige se redressa avant de plonger ses yeux saphys dans le regard émeuraude d'Erik. Elle cherchait à déceller en lui le moindre indice qui pourrait la mettre sur la voix. C'était sans compter sur le visage inexpressif du jeune homme qui la regardait, silencieusement.

           La brise nocturne vint doucement secouée la cîme des arbres. Les lèvres d'Edwige se mirent à trembler après avoir entendu cette phrase plus qu'angoissante, qu'Erik avait finalement laissé en suspend.

         Soudain, le regard de la jeune femme se fit plus froid, plus menaçant. Elle était sur la défensive et ne bougeait pas. Erik l'observa longuement avant de laisser échapper un long soupir, comprenant bien qu'elle était prête à écouter mais pas à parler la première. Il décida donc de se lancer, sachant pertinemment que ses mots marqueraient sans doute le début d'une nouvelle ère.

          — Edwige, je te l'accorde : cela fait bien peu de temps que nous nous connaissons. Depuis hier, pour être exact. Mais ce que je vais te proposer, crois bien que je ne te le demande pas à la légère, déclara-t-il en marquant une pause.

          Le visage de la jeune femme restait parfaitement neutre.

          — Es-tu prête à entendre ce que je vais te dire ?

          — Au point où nous en sommes, vas-y, propose toujours.

          — Comme tu as pu le remarquer, je ne viens pas d'Hawling, ni de cette contrée d'ailleurs. Je viens de beaucoup plus loin...

          — D'où ? demanda-t-elle avec une pointe de curiosité.

          — Cela ne sert à rien que tu le saches, tu ne connaîtrais pas de toute façon.

          — Qui sait ? Peut-être que si. Allez, dis-le moi !

           — Assez. On est pas là pour savoir où on pourra faire des cochonneries ! Alors calme tes ardeurs, jeune fille ! reprit-il sur un ton faussement choqué.

           — Eh c'est reparti pour ses délires !

           Edwige soupira, appuya ses coudes sur ses genoux et plaqua ses mains contre ses joues, exaspérée. Le jeune homme, lui souriait d'un air toujours amusé et fier de sa propre bêtise.

           — Bon, Erik, tu reprends ton histoire ou tu veux encore faire une danse de la victoire avant de continuer ?

          — Non, ça ira ! Enfin, bref. Je disais donc que je viens de très loin d'ici. J'ai vécu mon enfance tout seul, volant par ci et par là. Puis les années sont passées. Au fil du temps, j'ai réuni des gens venant des quatre coins du royaume. On a fini par rester en bande, d'ailleurs, les gens nous ont trouvé un nom pas mal, dit-il en laissant s'étirer sur ses lèvres un sourire.

          — Lequel ?

          Edwige avait l'air intriguée.

          — Les Wanderers, répondit-il.

          — Les errants ? Traduit-elle avant d'arquer un sourcil.

          — C'est exact, ma belle ! Pourquoi, tu te demandes ? C'est tout simple, on ne reste jamais au même endroit bien longtemps.

          — Pourquoi?

          — Parce que nous avons une mission...

          Edwige allait en demander plus au jeune homme, mais fut stoppée dans son élan. Erik leva la main, pour la placer devant le visage de la brune, afin de l'empêcher de parler.

          — Nous avons une mission. Malheureusement, je ne t'en dirai pas plus. Seuls les Wanderers peuvent détenir une telle information.

          — M-mais...

          — Tout ça pour dire que dès demain, je pars les retrouver. Ils sont à plusieurs lieux d'ici, et cela fait bien plus de cinq mois que je les ai quitté sans explication. Alors... Je me demandais si tu voulais me suivre, rejoindre notre groupe. Qu'en dis-tu, Edwige?

          Erik la regardait, avec un doux sourire aux lèvres. Celui-ci se fana bien vite lorsque le jeune homme vit la brune se relever et scrutter l'horizon, en direction des restes calcinés d'Hawling.

          Le visage d'Edwige trahissait un combat intérieur. Elle pesait le pour et le contre. Devait-elle rester afin de tenter de reconstruire la ville, en vain ? Ou bien, devait-elle tout quitter pour essayer de tout oublier, et recommencer une nouvelle vie ? Edwige ne savait plus quoi faire.

           Erik ferma doucement les yeux et prit une grande inspiration, avant d'ouvrir à nouveau la bouche.

          — Tu sais, Edwige, plus rien ne t'attends là-bas. Il faut que tu te réveilles, que tu te relèves ! Mes mots sont peut-être bien égoïstes, mais que dirait ta tante et les autres s'ils te voyaient comme ça ?

          Cette phrase provoqua un déclic chez la jeune femme, qui se retourna vivement vers lui. Sans s'en rendre compte, ces paroles venaient de trancher ses doutes.

           « Il a peut-être raison... Tante Aylwin n'aurait jamais voulu que je reste là à pleurnicher sur mon sort, mais... Comment quitter l'endroit où l'on a passé toute notre vie ? »

          Edwige baissa la tête, tout en serrant les poings, avant de regarder à nouveau Erik qui la fixait toujours. Le jeune homme décela dans ses yeux une lueur étrange, un mélange subtile de détermination et de tristesse. Il savait qu'Edwige devait lui donner une réponse et vite, car demain matin, il partirait avec ou sans elle pour rejoindre son groupe.

          Après un long silence, la jeune femme se décida à parler.

          — Erik, je suis flattée par ta proposition, vraiment. Mais...

          Elle peina à terminer sa phrase.

          — Je comprends. N'oublie cependant pas que je pars demain, avec ou sans toi. Ce que je dis là est peut-être ignoble, mais je n'ai comme qui dirait pas le choix, souligna-t-il dirigeant son regard vers le feu.

          — Je le sais. Je te donnerai ma réponse demain matin, sans faute.

          — Bien, conclut-il sans détourner son attention.

          La lune était haute dans le ciel : il était déjà tard. Le jeune homme s'installa sur le sol sec et dur de la colline, se préparant à dormir. Tournant le dos à Edwige, le jeune homme posa sa tête sur son sac délavé – son seul bagage – et commença lentement à fermer les yeux, cherchant le sommeil.

          Edwige le regarda pendant un instant, avant de s'allonger à son tour et de tomber dans les bras de Morphée, tout en laissant couler le long de ses joues quelques perles salées.


L'Ordre du Cygne NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant