CHAPITRE 10 : Le bal d'Hiver.

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« Vous êtes encore allé dans l'aile ouest, Mademoiselle ! Et ce malgré l'interdiction formelle de votre tante ! »
Alice et Janice baissèrent la tête en prenant un air désolé. Même si Anette n'était pas très sévère avec elles de manière générale, elle rapportait par contre tout incident à la maîtresse des lieux.
Depuis son arrivée au manoir, Alice n'avait que très peu désobéi à sa tante. Elle n'avait pas tenté de réveiller sa magie qui lui permettrait de remonter dans le temps, bien que Janice lui ait expliqué la façon dont elle s'y prenait avec sa propre magie. Elle avait pris soin d'éviter de poser des questions sur le sujet que ce soit avec sa tante ou son grand-père pourtant loquace.
Elle ne voulait pas décevoir Madame Elisa, plus que tout au monde. ​
« Votre tante ne sera pas contente ! Suivez-moi, toutes les deux ! » leur dit Anette d'un ton qui se voulait sévère.
Alice et Janice échangèrent un regard contrit. Elles la suivirent, sa queue de cheval flamboyante dansant dans son dos au rythme de ses pas.

Elles marchaient silencieusement et Alice angoissait à l'idée de ce que sa tante lui dirait en apprenant qu'elle s'était à nouveau rendue dans l'atelier, quand Anette poussa un cri. Une petite fée bleue venait de briser une vitre pour pénétrer à l'intérieur du manoir et se jeta sur elle. Cinq autres petites formes bleues entrèrent à sa suite et se joignirent à elles. La pauvre jeune femme se débattait en tout sens, et Alice n'avait jamais vu les fées bleues aussi furieuses. L'une d'elles se dirigea vers un miroir, de ceux qui avaient été remplacés récemment. Alice la vit alors agiter ses petits bras et un éclair bleu en jaillit soudain pour venir briser le miroir. Stephan, qui avait entendu les cris d'Anette mêlés à ceux de Janice qui essayait tant bien que mal de chasser les petites furies, arriva au pas de course. « Mais qu'est-ce que... ! Oh mon Dieu ! Mais enfin, elles sont devenues folles ! » cria-t-il, stupéfait.
Armé de son plumeau, il se mit lui aussi à chasser les petites fées. Alice, qui regardait la scène avec des yeux ronds, ouvrit la fenêtre par laquelle les petites fées avaient fait irruption.
Avec un dernier coup de plumeau, Stephan chassa la dernière et referma vivement la fenêtre. D'un mouvement de sa main, il répara la vitre cassée par magie.
Anette était au sol et un filet de sang lui coulait sur le front. Stephan, qui n'en revenait toujours pas, s'agenouilla près d'elle : « Est-ce que ça va Anette ? »
Cette dernière tremblait de tous ses membres. « Nous devrions vous emmener à l'hôpital, les pouf-poufs vous soigneront ça en rien de temps. » Les pouf-poufs étaient des créatures magiques qui ressemblaient à de petits ballons recouverts de fourrure et qui avaient le don de soigner les blessures bénignes.
« Non... Stephan... je vais b..., lui dit Anette d'une voix blanche. Je dois... je dois aller... aile ouest... Alice... »
Elle s'évanouit sur ses mots. « Anette? »
Stephan souleva la femme de chambre sans effort dans ses bras. « Elle s'est évanouie. Mademoiselle Alice, Mademoiselle Janice, je vous prie de bien vouloir vous rendre au salon et informer Monsieur Archibald de ce qu'il vient de se passer. Je vais emmener cette pauvre Anette dans sa chambre et la laisser aux bons soins de Rosetta. »

« Tu as vu ce qu'a fait cette petite fée bleue ? demanda Alice à Janice sur le chemin du salon.
- Laquelle ? Il y en avait tellement et j'étais trop occupée à aider Anette. C'est fou tout de même ! Elles ne sont jamais aussi... violentes d'habitude, dit Janice.
- Elle a fait des drôles de mouvements avec ses bras et un éclair bleu est sorti. Le miroir s'est cassé dès que l'éclair l'a touché. Tu comprends ce que ça veut dire ?
- Tu penses que c'est elles qui ont cassé les miroirs hier ? Mais pourquoi feraient-elles ça ?
Je ne sais pas, dit Alice pensivement, mais il doit forcément y avoir un rapport avec Anette, tu as vu la façon dont elles l'ont attaquée ?! »
Janice acquiesça vivement en remuant ses boucles brunes : « Oui, je pense aussi, mais Anette s'est évanouie, on va devoir attendre qu'elle se réveille pour lui poser des questions. »
Alors qu'elles arrivaient près du salon, Alice se souvint soudainement de sa transgression. Devait-elle aussi raconter à son grand-père qu'elles étaient dans l'aile ouest du manoir quand elles ont croisé Anette ?
Avec Janice, elles se mirent d'accord pour n'en parler que si c'était nécessaire. Après tout, elles n'avaient pas envie d'ajouter d'autres soucis à Madame Elisa, qui aurait beaucoup à faire avec cette histoire de fées en furie.
Archibald fumait sa pipe, en lisant son journal, comme à son habitude.
« Grand père ! » lança-t-elle en s'élançant vers lui Janice sur ses talons
Il releva la tête : « Oui Alice ? Oh bonsoir Janice. Tu ne devrais pas rentrer chez toi ? Il est tard tout de même !
- Il s'est passé quelque chose grand-père ! Anette a été attaquée par les fées bleues ! »
Archibald referma son journal et dit en haussant les sourcils de surprise : « Comment ?! Attaquée ?! »
Alice et Janice lui racontèrent alors comment les fées avaient brisé une vitre pour entrer dans le manoir et comment elles s'en sont prise à Anette qui s'est évanouie. Alice lui fit part de ses conclusions concernant les miroirs brisés.
« Tu l'as vu lancer un enchantement ? Vraiment ?! » s'étonna Archibald.
Alice se demandait ce qu'il y avait de si étonnant à ce qu'une fée bleue fasse de la magie. Après tout, ce sont des fées non ? Mais à y réfléchir, elle n'avait jamais vu les fées bleues faire usage de la magie en sa présence.
« Les fées bleues n'usent que très peu de la magie, expliqua Janice fidèle à son rôle, personne n'a jamais vraiment compris la façon dont elles fonctionnent, elles jouent tout le temps, ne savent pas s'arrêter, et possèdent la magie la plus mystérieuse du monde des mille merveilles. Même les fées blanches ne les comprennent pas ! » De plus en plus étrange, se dit Alice.

Alice Mervel, Les Secrets du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant