1 - Sasha la grande-sœur

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« Quiconque plie mille grues de papier verra son vœu exaucé. »

Je plie, replie, encore et encore. Je pose ma grue de papier blanc sur ma commode avec toutes les autres, ferme les yeux quelques instants et fonce sous la douche.

J'entends le grognement de mon demi-frère depuis la salle de bain : la bête est réveillée et souffre d'une sévère gueule de bois. Il m'implore de loin de lui apporter un Efferalgan et son cri de détresse très exagéré me fait lever les yeux au ciel. Je fouille dans notre trousse de secours tout en continuant à discipliner mes longs cheveux bruns. Mes cheveux « chocolat glacé » comme me disait ma mère quand j'étais petite.

Elle aimait tout associer à la nourriture, aux odeurs et faisait preuve d'une grande sensibilité envers les sens. Son seul défaut c'est d'avoir disparu. Elle n'est pas morte mais elle a juste « disparue ». Je pense qu'elle a refait sa vie ailleurs et je lui en voudrais toujours de m'avoir abandonnée sans un mot. J'aurais voulu qu'elle m'emmène avec elle.

Une énième plainte de Mathis me sort de mes pensées et de la salle de bain. Il est allongé dans le canapé, ses habits de la veille toujours sur lui et une odeur de transpiration mélangée à une odeur d'herbe et d'alcool. Je lui tends le verre d'eau commençant à pétiller au contact de la capsule effervescente. Il me regarde de ses yeux bleus comme un petit animal sauvé avant de pousser un grognement.

- Mathis, tu devrais peut-être te calmer sur les soirées étudiantes.

- Mmmmmm.

- Tu n'as pas des cours à réviser ?

- C'est dimanche...

- Ben justement frérot, profite d'avoir du temps libre.

- Laisse-moi... je décuve.

Je frotte sa tignasse blonde avant de récupérer le verre vide et de le laisser comater sur notre vieux canapé. Notre appartement est assez grand pour avoir deux chambres, un exploit sur la capitale mais tout exploit à un prix... Le loyer me fait halluciner. J'ai volontairement pris une collocation avec mon demi-frère car c'était le seul endroit « abordable » près de son école et je veux ce qu'il y a de mieux pour lui, pour qu'il réussisse.

Il n'est pas au courant que c'est moi qui paye une bonne partie de ces études. J'ai fait jurer à mes parents de ne pas lui dire et mes différents salaires passent donc dans le loyer, ses études et les courses. Je pourrais m'en plaindre mais c'est moi qui me suis mise dans cette situation donc je l'assume.

Je finis de coiffer mes cheveux et attrape mon manteau et mon petit sac bandoulière avant de retourner vers le canapé.

- Je sors, je vais faire le tour des fripes et je dois aller imprimer mon CV. On se rejoint pour déjeuner ?

- Hm. Attends... Ton CV ? Tu veux changer de travail ?

- Euh... Ouais c'est ça.

- Tu t'es fait virer.

- On en parle tout à l'heure, quand tu seras en état d'avoir une vraie conversation.

- Mm.

Je lui embrasse le front avant de quitter notre appartement et de subir la légère pluie du début de printemps. Le quartier est relativement agité pour un dimanche, les familles au complet se dirigent vers les restaurants, des gens seuls ou en couple bien apprêté se dirigent surement vers leur traditionnel repas dominical avec leurs parents, des enfants courent un peu partout, pressés de rejoindre le square en ignorant la fine pluie tombant sur leurs manteaux multicolores.

The Marvelous Diner [ÉDITÉ CHEZ HLAB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant