The Marvelous Diner [ÉDITÉ CHEZ HLAB]

2 - Mademoiselle Moreau

« Quiconque plie mille grues de papier verra son vœu exaucé. »

Je plie, replie, encore et encore mon set de table en papier rouge et montre enfin ma grue à Mathis dont le gargouillement de ventre me fait sourire.

La serveuse arrive enfin avec nos deux cheeseburgers/frites et rien qu'à l'odeur j'en bave presque. Après qu'elle ait brutalement posé une carafe d'eau sur notre table, nous attaquons notre repas avec avidité. Mathis pousse un long « Mmmm ! » en mâchant les yeux fermés.

- Sasha, je crois que j'ai un orgasme gustatif.

- Évite de parler d'orgasme à ta célibataire de sœur.

- Je te présenterai bien des potes mais c'est hyper gênant d'imaginer sa sœur avec son pote et... Argh dégueu j'ai une image dans la tête !

- Merci mais je n'ai pas besoin de ta pitié ! Je compte passer ma vie à enchaîner les coups d'un soir et rester célibataire toute ma vie. Avec des chats, pleins de chats.

- Et tu deviendras comme tante Anne, la folle au chat de la famille ! Bon plan de carrière sentimentale.

Je mords presque sauvagement dans mon cheeseburger en faisant couler du ketchup au coin de mes lèvres.

J'en ris mais c'est vraiment mon plan de carrière sentimental. Je veux juste prendre rapidement mon pied, soulager ce besoin primaire qui ne me quitte plus depuis ma première fois mais que j'arrive à faire taire grâce au boulot. Être en couple me plait aussi mais ma dernière relation avec Ben me confirme que je suis incapable de consacrer du temps à une relation. Tout mon temps libre est consacré à Mathis et à des loisirs comme rester allongé dans le canapé devant Netflix ou écouter de la musique en faisant de l'origami.

C'est ma mère qui, gênée que je charcute mes poupées et mes livres d'enfants à coup de ciseaux, m'a appris l'origami. Mais ça, c'est une autre histoire...

Après avoir fini nos cheeseburgers, Mathis pousse presque un cri de soulagement en déclarant qu'il n'y a rien de mieux qu'un bon burger pour soulager une gueule de bois. Je ne sais pas comment il fait pour s'en remettre si vite, moi je suis incapable de manger après ça, au risque de vomir.

Il commence à me raconter sa soirée, la petite rousse de sa promo qu'il charme depuis des semaines et qui a enfin accepté d'aller boire un verre avec lui dans la semaine. Son pote qui va bientôt jouer avec son groupe dans un bar pas trop loin de chez nous, et enfin son ami qui le harcèle pour avoir mon numéro après avoir vu une photo de moi et Mathis sur Facebook.

- Envoie-le bouler pour de bon, je ne suis pas intéressé par les petits jeunes.

- Tu as 25 ans, lui 22. Pour trois ans de différence, tu ne vas pas chipoter ! Je t'avoue que ça me saoule mais il n'arrête pas de m'en parler... Si au moins tu l'envoyais bouler toi-même.

- Et si tu marchandais ? Il te donne un truc en échange de mon numéro, j'accepte de lui parler vite fait puis je le recale. Ça marche ?

- Allez !

Soudain, une musique bien familière sort du jukebox et mon demi-frère commence à me regarder avec une lueur malicieuse dans les yeux. Il se lève et me tend la main que je refuse en agitant la mienne.

- Je viens de manger Mat !

- Chuck Berry n'attend pas sœurette ! Notre routine Pulp Fiction n'attend pas !

- Comment tu peux vouloir danser après ta gueule de bois ?

- Le cheeseburger m'a aidé à m'en remettre. Allez dépêche-toi !