Chapitre 4:

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Chapitre 4:

     Lorsque je relevais les yeux, émergeant enfin de ma tristesse. Je constatais que le silence régnait dans la pièce. Tout le monde me fixait, mon père et Iris compris. Mon regard resta bloqué sur une Adélaïde qui me fixait en retour les yeux écarquillés, les mains plaquées sur ses lèvres. Elle semblait choquée et totalement perdue. Je lui souris tristement avant de tourner les yeux vers mes juges. Tous avaient vu mon geste même sans voir mon échange avec Ray. Il ne fallait pas être une Sibylle pour en tirer les conclusions qui s'imposaient. Je venais de briser devant tous ce qui m'unissait à Ray. En arrachant cette bague, je venais de le libérer. Nous n'avions plus aucune obligation l'un envers l'autre. Nous n'étions plus rien l'un pour l'autre...

Je voyais en Adélaïde tout ce que j'aurais dû éprouver, sauf je ne ressentais plus rien. Je me sentais vide. Encore plus creuse que sans ma queue. Je n'avais plus rien à perdre. Je serrais les points. Les juges n'avaient toujours pas bougé, aucun n'avait froncé ne serait-ce qu'un sourcil. Je ne ressentais plus rien, plus de peur, plus de souffrance. Mon corps avait choisi de déconnecter provisoirement mes sentiments, ma perspective des choses. Tout ce que j'avais trouvé effrayant, important, vitale... ne l'était plus. Plus rien ne me semblait grave, plus rien ne me semblait dangereux. Alors je ne réfléchis même pas un quart de seconde avant que les phrases qui me traversèrent l'esprit ne s'échappent de mes lèvres. Je ne pensais plus. Je me contentais de simplement de tenir debout au milieu de ce procès qui n'était autre que le mien. Je ne me sentais plus moi-même. J'avais l'impression que quelque chose de noir aller exploser dans ma poitrine. Un sentiment que je n'avais même pas sentit arriver, pas sentit germer, ni grandir en moi. Pourtant maintenant, il était là. Sombre. Froid. Dur.

Un sentiment peut facilement en remplacer un autre. Surtout quand on se sent prêt à sombrer.

-Dis-moi Iris, toi qui paraît en savoir tant...

Je marquais une pause, le temps de laisser mes paroles se porter d'elles-mêmes vers tous nos spectateurs.

-Qu'est ce qu'implique cet échange?

J'adressais un regard glacial, sans aucune trace de remord vers ma soeur. Un regard vide de sentiments chaleureux. Un sourire mauvais étira le coin de mes lèvres. Je n'avais pas de bons sentiments à son égard à ce moment là. Je n'avais aucun bon sentiment en fait. Ils avaient tous disparu dans le néant de mon cœur. Je n'étais plus qu'un fragment complètement brisé de celle que j'étais supposée être. Je me sentais tellement mal, j'étais si profondément blessée que je n'avais même plus l'impression de m'appartenir. Je ne percevais plus que cette colère refoulée et une haine sans précédent qui grondaient dans mes veines.

Je n'étais pas moi...

Pourtant, j'étais la seule à savoir ce que j'avais fait et la seule à avoir parlé.

Je vis Iris devenir étrangement blême. De même, Adélaïde et toutes les personnes qui étaient dans mon champs de vision pâlirent. Je frémis devant ces visages consternés, tellement blancs qu'ils en paraissaient maladive, voir sur le point de tomber dans les pommes. Étrangement, cela ne me fit rien. Je n'avais aucune peine, aucune pitié pour eux. Je ne me sentais même plus concernée par leur état. J'étais bel et bien en train de sombrer...

Ma sœur commença à ouvrir la bouche mais rien n'en sortie. Pas un son, pas un bruit, même pas un murmure. Je me sentis un brin supérieur et triomphante face à elle, face à son état. Mais cela ne fit qu'ébranler légèrement mon cœur déjà tant corrompu.

-Alors Iris?

Je ne m'adressais plus qu'à elle. Je ne portais même plus le moindre regard, la moindre attention aux autres. Alors que ma famille était là, dans les gradins. Tous les êtres que j'aimais étaient réunis ici dans cette pièce pour me voir en pleine déchéance. Et pourtant, aussi incroyable cela puisse-t-il être, je ne m'en préoccupais plus. Je ne les voyais plus.

Blue Océan: Sous l'océan:Où les histoires vivent. Découvrez maintenant