Chapitre 5:
J'avais toujours ce trou béant dans la poitrine. J'avais de la peine à nager sans ma queue et avec mes yeux qui se brouillaient sans cesse. Je ne pouvais refouler mes sanglots. Je n'y arrivais plus. C'était la deuxième fois en seulement quelques jours que je ressentais ce vide, cette souffrance qui ne demandait qu'à me faire sombrer. Ce n'était plus une douleur bercée par la noirceur de mon cœur. Non, c'était une douleur infiniment plus profonde, infiniment plus triste. Je ne l'avais pas ressentis depuis tellement longtemps qu'elle me laissait un gout amère.
Comment cela avait-il pu arriver?
Comment avais-je pu perdre ma queue et être exclue par mon propre peuple en si peu de temps?
Je sentais mon cœur s'alourdir encore et encore alors que j'avais l'impression de n'avoir qu'un gouffre à cet endroit précis. Les sentiments tellement noirs qui m'avaient pris à la gorge avaient fini par s'apaiser. Ils étaient toujours là, attendant sans-doute un nouveau moment pour éclater dans ma poitrine et finir de me renverser totalement. Ils s'étaient juste rendormis pour quelques temps. Ils restaient sagement dans ma poitrine, aussi lisse que la surface d'une mer sans vague. Ils avaient rendu leur place aux sentiments tristes qu'ils avaient étouffé durant mon procès. Ne laissant plus qu'une douleur déchirante dans mon âme.
Je battais rageusement des jambes avant de m'effondrer sur le sable froid du fond de l'océan. Mes cheveux étaient emportés dans des courants invisibles tandis que tout mon corps était secoué de sanglots. Mes yeux me piquaient et ma respiration demeurait saccadée. Je fondis littéralement en pleure là, au milieu de nulle part. Même les seuls sons que j'arrivais à produire ressemblaient à des gargouillis presque inaudibles. Je n'arrivais pas à me calmer. Qu'est ce qui n'allait pas chez moi?
Je ne craquais pas si facilement d'habitude. Mais maintenant que j'avais commencé, je n'arrivais plus à m'arrêter. Je ne percevais plus rien en dehors de mes gémissements.
Je frottais mes yeux déjà rouge du revers de ma main. Ce qui ne fit que me piquer d'avantage avec le sable que je réussis à m'y mettre. Super idée...
Lentement, je me mis sans m'en rendre vraiment compte à fredonner une mélodie. D'abord presque silencieuse, elle finit par prendre de l'ambleur et de la puissance.
Je restais prostrée les genoux dans le sable pendant que les sons s'évadaient de mes lèvres. Cette mélodie sortait tout droit de ma mémoire. Je me souvenais à peine du visage de celle qui me l'avait chanté. Néanmoins, sa silhouette, ses cheveux, sa voix étaient restés à jamais gravés dans ma mémoire. Tout m'était connue chez elle. Tout, sauf son visage qui s'était estompé avec le temps.
Ma mère.
C'était d'elle que je tenais cet air si triste et pourtant joyeux. J'avais du mal à l'évoquer, même dans ma mémoire. Elle avait disparu si rapidement pour moi. Je ne me souvenais pas aussi bien d'elle que mes sœurs. Pourtant, j'avais le sentiment que c'était elle qui me comprenait le mieux.
Je finis par superposer mon chant à cette mélodie qui n'avait pas de paroles. Je ne parlais pas vraiment. Je laissais juste ma voix traduire mes émotions. Je la laissais juste m'échapper doucement.
Hé oui! Même si je n'avais plus ma queue, il me restait encore mon chant de sirène.
J'avais encore au moins ça de ma part de sirène, même si le reste m'avait échappé.
Je finis par me perdre dans cette mélodie que j'avais transformé un peu en chanson. Les sons sortaient plus facilement de ma gorge. Ils n'y étaient plus retenu par des sanglots. Des sons tristes, nostalgiques et parfois des cris blessés franchissaient mes lèvres sans que je ne puisse plus les refréner.
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Blue Océan: Sous l'océan:
RomanceJ'ai toujours pensé que j'étais libre. J'aimais toujours penser que je n'avais pour règles à braver que celles de mon père. Je ne craignais rien. Je ne craignais personne. Je n'avais pas peur dans mon monde. Pourtant, je n'aspirais qu'à une chose: d...