Chapitre 26

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Lena

Victor Hugo a dit : "Aimer c'est se dire "je t'aime" sans parler". Je crois que c'est exactement ce qui était en train de se produire sur ce parking. Mon père, moi, en train de nous regarder droit dans les yeux alors qu'ils brillent de larmes, pas à cause de la tristesse mais bien à cause de la joie que l'on ressentait l'un comme l'autre. Les yeux de mon père, celui que j'avais détesté pendant tout ce temps me regardait d'une telle tendresse avec un amour aussi profond que j'avais été incapable de lui dire combien j'étais désolée pour toutes ces horribles choses qui étaient sorties de ma bouche ou lui dire au moins à quel point il m'avait manqué pendant toutes ces années mais je n'y arrivais pas. Je n'y arrivais pas non pas parce que je ne voulais pas le lui dire, bien, au contraire, mais parce que je crois que les mots n'auraient pas été suffisants pour lui dire tout ce que j'avais sur le cœur. Je crois d'ailleurs qu'un simple regard avait suffit à lui faire comprendre à quel point je l'aimais et à quel point j'étais heureuse qu'il me croit.

Pour la première fois depuis longtemps, je ne ressentais plus de haine, je ne ressentais plus de colère ni d'hostilité envers mon père. Au moment où mon père avait prononcé ces trois petits mots, ces trois simples petits mots, j'avais ressenti comme un soulagement, une sensation de vide qui avait été si soudaine que j'avais eu l'impression que mon cerveau s'était déconnecté d'un seul coup. Je ne ressentais plus ce poids qui me comprimait la poitrine chaque fois qu'il me parlait ou cette boule dans la gorge chaque fois que je pensais à lui. Toute cette haine et cette hostilité que je ressentais envers mon père avait prit la direction de la sortie au moment même où mon père a dit qu'il me croyait. Je crois pouvoir dire que je n'avais jamais été aussi heureuse.

Mon père a dit qu'il me croyait et ça prouvait qu'il tenait à moi plus que ma conscience ne voulait me le faire croire. Il m'avait prouvé son amour en me disant qu'il me croyait et je ne pourrais jamais l'oublier parce qu'il n'avait pas simplement dit qu'il me croyait. Il venait de me dire qu'il m'aimait et je me sentais tellement bien de savoir que mon père m'aimait.  Je me disais maintenant que peut-être, son départ ne voulait pas forcément dire qu'il ne m'aimait pas ou que c'était de ma faute comme je l'avais cru pendant tout ce temps, peut-être qu'il y avait simplement des choses que j'ignore et qu'il fallait que je complète le puzzle.

Oui mais comment savoir quelle est la pièce manquante ? Et si la vérité était plus dure à digérer encore que le départ de mon père ?

Je me souviens d'une fois où j'ai imaginé à quoi ressemblerait mes retrouvailles avec mon père. Bien sûr, la mort de ma mère et de Mitch ne rentrait pas dans les différents scénarios que j'avais imaginé même s'ils étaient plus dingues les uns que les autres. J'avais imaginé qu'un jour, sans doute pour fêter ma remise de diplômes, un inconnu aurait passé le pas de la porte en me disant qu'il était mon père et qu'il était fier de moi. J'avais imaginé aussi, qu'un jour, lorsque je serai devenue une femme indépendante et épanouie comme le voulait ma mère, il serait venu me voir pour me dire à quel point il m'aimait. Mais tous ces scénarios que j'avais imaginé ne s'étaient jamais produits et je préférais largement  ce qui était en train de se produire. C'était comme si mon vœu s'était réalisé. Un vœu que j'avais fait en secret. C'était le vœu d'une petite fille qui s'était approché de sa fenêtre une nuit en fixant le ciel non pas en espérant voir Peter Pan pour de vrai mais en espérant qu'un jour, elle rencontrerait ce père qui lui avait tant manqué et qu'elle espérait revoir de toutes ces forces.

Quand on se prend à regarder le ciel et à choisir une étoile en se disant que cette même étoile est la personne que vous voudriez voir près de vous, il est déjà trop tard. Le manque est déjà là.

Parce que oui, mon père m'a manqué pendant toutes ces années et même si je n'en parlais jamais à ma mère, je souffrais de son absence chaque jour que Dieu faisait. Chaque jour qui passait, un trou se formait dans ma poitrine et le manque y prenait place.  Je voyais Maé partager des repas avec sa famille et tout ça me foutait les  boules même si je n'en parlais à personne. Je me demandais parfois ce que j'avais fait pour ne pas avoir le droit de vivre la même chose qu'elle. J'adorais Mitch et il est vrai que je le considérais comme un père mais parfois... Souvent même, je pensais à ce qu'aurait été ma vie si mon père avait été là et ce que sa présence aurait changé. Même si notre famille n'aurait pas été parfaite et d'ailleurs quelle famille l'est, elle aurait été la mienne. Je regrette d'avoir manqué tous ces moments que j'aurais pu vivre avec mon père et je regrette toutes ces fois où je me suis comportée de façon injuste avec lui parce qu'il ne méritait pas ça. Il essayait simplement de faire son rôle de père et combler les seize années où il a été absent.

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