Et si...

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"Refuser d'aimer par peur de souffrir, c'est comme refuser de vivre par peur de mourir"

Auteur anonyme

Je suis revenu à mon train de vie normal après plus d'un mois d'absence. Sur le chemin du lycée, Luna et moi nous sommes arrêtées au niveau d'un autel dédié à Mina, je trouvais cela hypocrite car cette ville avait exclu, Mina et sa sœur pendant tant d'année, et maintenant ils sortent les mouchoirs en apprenant sa mort.
Des roses et des oursons en peluche y avaient été déposés, au centre une photo de Mina dominait tout l'autel, le flash de l'appareil photo faisait ressortir le vert de ses yeux, la brillance de ses boucles et la fraîcheur de ses pommettes roses, elle était si belle.
La journée finie, je proposais à Luna de passer l'après midi chez moi, ce qu'elle refusa.
Je pensais naïvement pouvoir me balader complètement dénudée à travers les pièces de mon logis et comme une très forte pluie s'annonçait, j'avais une raison de plus de glander tranquillement. Je fus un  peu surprise et agacée de recevoir la visite de Cory, il se rattrapa tout de même en dégainant multitudes de mets sucrés.
Concentré sur le film qu'il avait ramené, Cory remarquait à peine les petits signaux que je lui lançais, la seule chose qui trouvait à faire c'était de me sourire  furtivement.
Notre soirée improvisée terminée, je raccompagnais Cory jusqu'à la véranda. Voulant le voir partir, je restais plantée là, songeant à un baiser volé  du beau californien. Il descendit marche par marche les escaliers, manquant de glisser car la pluie les avaient laissés mouillés par conséquent glissantes, se dirigeant lentement jusqu'à son Pick Up, il hésitait presque à poser son pied sur les dalles imbibés d'eau. Prêt à rentrer dans sa bagnole, Cory se retourna brusquement puis se mit à courir jusqu'à moi, montant les 5 marches d'escaliers qui nous séparés et solda le tout d'un baiser. Surprise au départ, je me détendis peu à peu puis j'accentuais notre étreinte en posant mes mains sur sa nuque mouillée, il posa les siennes sur mon dos, longeant doucement mes courbes, de ma taille jusqu'à mes hanches où il s'arrêta finalement. Nos corps étaient si proches que je pouvait sentir chaque pulsation que son coeur émettait, ses muscles se contractèrent autour de moi, agrippant sa nuque de passion, je crois l'avoir griffé plusieurs fois.
Chacun pensait que l'autre n'était pas prêt à cette étape, mais nous l'étions depuis notre rencontre. Cory se retira doucement de moi, quand il fut libre, il me balbutia doucement:

-"Ca y est... enfin...

-Ne dis rien du tout, juste profite du moment", rétorquais-je

Et ce fût cette soirée là, que je compris que ce Cory m'avait ensorcelé pour de bon.

Trois mois plus tard

Les jours passés et ma vie reprenait avec Cory, Luna et ma mère. Est-ce-que j'étais heureuse?  Pas totalement, à vrai dire. Le fait de devoir vivre sans père (parfois) rendait une partie de ma vie vide, comme inachevée. Plus jeune, je cherchais une figure paternelle où je pouvais la trouver, chez ma mère, chez mes professeurs masculins, chez le pasteur ou chez le voisin d'en face, en vain. Les rares fois ou j'ai pu apercevoir ce Mickael, je me demandais  s'il s'intéressait vraiment à moi, s'il pensait que des poupées et des dinettes pouvait remplacer le vide qu'il creusait chaque jour dans mon petit coeur d'enfant, s'il pouvait soigner mes bobos quand il était au Vietnam ou au Congo, et si un "Je t'aime" de sa part pouvait me réconforter à jamais.

Je rentrais à la maison après une longue et fastidieuse journée de cours. Cette après-midi, ma prof d'histoire avait tout de même illuminé ma journée, en débattant du féminisme avec un camarade aux tendances misogynes. Nous étions tous en cours, le sujet étant la France en 1420,  l'histoire de Jeanne d'Arc venu très vite sur le tapis, cette jeune femme si méconnue pour certain représenté beaucoup pourtant, car nous avions le même combat, grandir et devenir plus forte malgré les épreuves de la vie. Pour elle, sa bataille se trouvait sur les champs auprès de ses hommes, mais notre bataille à nous, se  trouvait sur les bancs de l'école, à des fêtes d'étudiants ou bien au bal de promo. L'élève, prénommé Bill, avait crié en pleine prise de note que la sous-nommée "Pucelle d'Orléans" n'avait jamais exister, car une femme était incapable de se battre seule, sans une aide masculine. Ce fut la phrase de trop pour la prof, qui gardait, tous les jours, un peu plus son sang-froid devant cet élève à l'esprit fermé et à l'éducation déviante de sens.

Bill vient d'une famille déchirée, son père préférait se saouler la gueule au bar du coin, au lieu d'assister à la naissance de son premier fils, le grand frère de Bill, et même aux enfants suivants d'ailleurs. Son père était un alcoolo et sa mère, une junky plus sale que le mot sale. Jetés de foyers en foyers, plus miteux les uns que les autres, ses frères et lui ont été obligés de s'endurcir, face aux violences physiques et verbales de leurs camarades d'école. Bill avait été sur-protégé par son grand-frère et n'avait grandi qu'entouré d'hommes rempli de testostérone et de préjugés sexistes et racistes. Il avait 6 ans quand son père réapparut dans sa vie, criant sur tous les toits qu'il avait changé et que ce n'était plus le même homme. Après une année de cure contre l'alcool et la drogue, huit mois de prison et une liberté conditionnelle, le seul changement chez le père de Bill était sa barbe bien taillée et le fait qu'il avait apprit à nouer une cravate. Après un mois d'accalmie, Bill découvrit que son père avait un nouveau vis, un vis plus dégueulasse qu'il pouvait se l'imaginer. C'était un soir de décembre, dans les rues, tous les réverbères étaient allumées, certaines maisons essayaient tant bien que mal de briller grâce à des guirlandes bon marché, qui jetaient des lumières dites "vives" pour rappeler un esprit de Noël, souvent oublié le reste de l'année. Bill voulait faire une blague à son grand frère: sortir du placard en criant pour le surprendre, un classique. Il alla se faufila dans le placard et entre-ouvrit la porte pour laisser passer un peu de lumière. Il attendit dix minutes, puis  vingt, puis trente, Bill s'assoupit rapidement. Il fût réveillé par l'éternuement bruyant de son frère, qui était là depuis un bon moment déjà. Bill voulut reprendre des forces de cette sieste, il prit donc ce temps pour espionner son frère. Puis son père fit doucement irruption dans la chambre. Ce fut à partir de ce moment là, que Bill vit des choses qu'il n'avait pas le droit de voir, des choses sales et ignobles, qu'il souhaite oublier pour toujours. Il fallut qu'il sorte du placard et il attendit que son père sorte de la chambre, il poussa doucement la porte du placard, son regard croisa celui de son frère, un regard honteux et dégoutté de soi-même, qui hanta ses nuits pendant longtemps. Le lendemain matin, son frère avait disparu, Bill savait qu'il ne reviendrait plus. Le fait de devoir se regarder dans les yeux tous les jours allait devenir impossible pour l'un et pour l'autre. Bill fut transféré à Bowie, car il avait décidé de dénoncer son père à la police pour ses agissements.

La professeure connaissait le dossier fragile de Bill et elle s'était promis d'accepter chaque insultes, chaque injures, chaque idioties de ce petit, car il ne méritait plus de souffrir. Mais cette promesse était remplie d'enjeux et de conséquences et ce jour là, elle a craqué. Elle lui dit à quel point elle doutait de l'intelligence des hommes quand elle l'entendais parler, qu'elle espère qu'un jour il rencontrera une femme qui lui ferra baisser les yeux, si bas qu'il en aura honte. Bill restait silencieux, nous savions tous dans la pièce qu'il n'ira jamais se plaindre au proviseur, par peur de se faire encore transférer autre part. La suite du cours se déroula rapidement, dans le silence. Le fait qu'elle avait remis à sa place de cette façon m'avait rendu heureuse, même si j'avais un peu de peine pour lui, étant donné son passé houleux.

Je rentrais à la maison, en me remémorant cette scène sur-réaliste, quand j'entendis du bruit venant du salon. Je fut surprise quand je découvrit mon père assit sur divan, un verre de vin à la main droite et un cigare dans l'autre, riant à une blague de Cory.


Meurs dans le silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant