« Le Shinkansen Nozomi en destination de Kyoto est arrivé en gare. Tous les passagers sont priés de rejoindre le quai A. »
Cinq heures et demie du matin s'affichait sur le cadran de l'imposante horloge de la gare d'Akatsuka, au-dessus de l'entrée du hall principal.
L'heure de mon départ approche...
Je me levai du siège où j'étais assis depuis une demi-heure et je me dirigeai vers les immenses couloirs menant aux quais. Je ne possédais comme seuls bagages ma guitare et un sac en bandoulière noir, composé du strict minimum vestimentaire et toutes mes économies. Qu'importe, je n'avais besoin de rien d'autres.
Je déambulai entre les commerces fermés, où une légère brise fit vibrer les rideaux de fer et rafraîchir l'air ambiant. Force est de reconnaître que cet édifice est impressionnant lorsqu'on s'y promène seul, avec les bruits de ses pas qui résonnent sur le sol et sans autre présence que sa propre ombre. Ce lieu qui déborde de vie avec les nombreux usagers qui empruntent le train tous les jours change complètement d'aspect lors des heures très matinales ou tardives. On dirait presque qu'il a été laissé à l'abandon...
En passant devant un magasin de miroir, je pus apercevoir mon reflet sur une grande glace : grand, svelte et le teint pâle. Les cheveux courts et désordonnés, noirs avec une mèche blanche, des sourcils épais d'un noir profond et les yeux chocolat. Un bonnet noir, une veste grise avec les manches repliés au niveau des avant-bras, une chemise à manches longues noire, un jean bleu grisâtre et des baskets noirs. Une allure sobre et ordinaire, qui me fit réaliser que le monochrome m'allait beaucoup mieux que les couleurs. Je m'éloignai de la boutique et reprit ma route.
Après quelques minutes de marche, j'ai fini par arriver au quai A, situé en extérieur. Le Shinkansen se trouvait également ici. Je demeurai immobile, mon regard observant un instant le train puis la voûte céleste : les nuages nocturnes s'étaient dissipés, et quelques traces bleues velours semblaient avoir été peintes au beau milieu du ciel noir.
Bientôt, le matin sera là. Et lorsque le soleil arrivera à son firmament, je serais parti loin d'ici.
L'heure sur mon portable afficha cinq heures quarante-cinq. Mon départ était prévu pour six heures. Vu que le quai était très grand, je mis un peu de temps avant de trouver l'indication d'une file d'attente au sol. Fort heureusement, il n'y avait pas grand-monde à cette heure-ci hormis des employés de bureaux travaillant à la capitale. Après un bref échange avec le contrôleur et la validation de mon billet, je montai dans le wagon quasiment vide et m'assis confortablement sur un siège, à côté d'une fenêtre. Ma guitare fut installée en soute avec les valises, tandis que je gardais mon sac en bandoulière tout près de moi, enlacé de mes bras.
Les minutes s'écoulèrent lentement, tels des petits grains de sables au fond d'un sablier... Mes doigts, fermement attaché au tissu du sac, se mirent à trembloter. J'avais le souffle coupé. Je n'en pouvais plus de cette atmosphère anxiogène qui régnait dans cette ville... Subitement, je distinguai une petite forme virevoltante passé devant ma fenêtre... Un papillon bleu. Un magnifique insecte qui dans les temps anciens signifiaient le changement. J'ignore s'il s'agissait d'un signe du destin, mais c'eut pour effet d'estomper mes peurs. J'attendais, j'attendais...
Et puis, le Shinkansen a démarré.
Je sentis le wagon bouger, et mon rythme cardiaque s'intensifier en un éclair. Les quais bougèrent au ralenti, puis tout s'accéléra jusqu'à ce que la ville d'Akatsuka se dessine à travers ma fenêtre. Peu à peu, le décor citadin s'éloigna de ma vue pour céder sa place à la nature. Ce n'est que lorsque j'ai aperçu le Mont Fuji au loin que je réalisai que j'avais définitivement quitté la mégalopole de mon enfance.
[Karamatsu Matsuno] est mort.
Je suis libre.
Ma tête glissa doucement vers ma droite, reposant désormais contre la vitre. Les battements de mon cœur suivirent le rythme de la mélodie sortant de mon casque, me berçant tendrement tandis que je fermais les yeux et abandonnais mes tourments derrière moi. Jamais de ma vie je ne me suis senti aussi apaisé.
Je vais enfin pouvoir vivre.
Je n'ai aucun regret.
Adieu, Osomatsu. Tu as révélé un soir à Chibita qu'être des sextuplés était la même chose qu'avoir cinq ennemis... Je comprends à présent ce sentiment. Rassure-toi, ce frère que tu considérais comme une contrefaçon ne fait désormais plus partie de ce monde. Un de tes 'ennemis' n'existent plus.
Adieu, Choromatsu. Nous n'aurons finalement pas passé autant de temps ensemble, et c'est bien dommage. Cependant, tu as toujours ton partenaire du crime, Osomatsu, à tes côtés. Vos multiples disputes ne changeront rien au fait que vous êtes indéniablement proches l'un de l'autre. Veille sur lui et tes petits frères en tant que second aîné de la famille Matsuno.
Adieu, Ichimatsu. Peu importe combien de fois je tendais ma main vers toi, tu ne m'as jamais reconnu comme un frère. Nous n'avions jamais été proches, que ce soit durant notre enfance ou aujourd'hui, et j'ai abandonné l'idée de reconstruire un lien avec toi depuis bien longtemps. J'ai exaucé ton vœu le plus cher : « crever comme un déchet ». Alors ne reste plus enfermé sur toi-même... Tu as quatre frères qui tiennent à toi. Jyushimatsu sera toujours là pour toi, quoi qu'il arrive.
Adieu, Jyushimatsu. J'aurais beau y mettre toute ma volonté, je ne peux décemment pas me résigner à te détester. Tu auras été un des rares rayons de soleil dans le ciel couvert de nuages noirs de mon destin misérable. Ne perd jamais cette gentillesse et ce sourire qui font ta force.
Adieu, Todomatsu. Enfants, nous étions tous les deux des inséparables lascars. Cependant, cette époque est désormais révolue. Si tu tiens tant à mentir à ton entourage pour te donner une bonne image, grand bien te fasse. Je sais très bien que ton côté « monstre sans cœur » n'est qu'une façade pour masquer tes vrais sentiments. Fait en sorte de le réaliser avant qu'il ne soit trop tard.
Il n'y aura pas de retour en arrière.
Les rouages de ma nouvelle existence ont commencé à tourner.
Mon existence en tant que Kaworu Hoshizora.
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Le préquel touche à sa fin.
Karamatsu a décidé de changer, de devenir un adulte... Y parviendra-t-il ? Mystère...
Note de vocabulaire : Le Shinkansen est l'équivalent du TGV en France.
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Fragments
Fanfiction"Jamais le soleil ne verra ce demain." - Lady Macbeth Prétendre, porter un masque et afficher un sourire de façade. Jour après jour, telle une litanie. Jusqu'à ce que le monde perde ses couleurs, et que la réalité se révèle plus froide encore que la...