Chapitre 3 : Belle

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Je parcours l'armoire de la femme et est émerveillée quand je vois tous ces vêtements. Il y a trop de choix. Je décide finalement de reporter mon attention sur la penderie pour choisir une robe. Elles sont toutes plus magnifiques les unes que les autres. Madame Garnier a un goût élégant, sobre et moderne. Sûrement une belle femme.
Aller à une fête en robe ?
Peut-être too much. Mais l'envie irrésistible d'essayer une de ces magnifique robe me vient à la tête. Je commence à me déshabiller quand je remarque au sol mes vêtements plus que sales. Il faut que je prenne une douche. C'est autorisé ? Je veux dire peut-être que la gardienne va savoir que quelqu'un est dans cet appartement. Non. Je suis au troisième étage. Elle n'entendra pas ou pensera à un voisin. J'ai une boule au ventre mais fais comme si tout était normal, comme si cet appartement était le miens. C'est sûrement mieux comme ça.
Je vais dans la salle de bain - immense - et allume l'eau tandis que je me mets nue. Ça fait combien de temps que je n'ai pas pris une vraie douche ? Sûrement trop longtemps.

Quand l'eau prend contact avec mon corps, le sol en céramique blanc deviens gris foncé. Un mélange de terre et de poussière s'effondre au sol tandis que je mouille entièrement mon corps, puis mes cheveux, sous la cascade d'eau claire. L'eau est agréablement chaude, et je ne pense plus à rien pendant quelques secondes, me croyant de retour à ma vie d'Avant.

Après avoir passé des minutes et des minutes à essayer de me laver corps et âme, de démêler mes cheveux incroyablement durs à démêler, je sortis de la douche. Je me sentais bien dans ma peau, pour la première fois depuis des mois. J'enfile une serviette blanche autour de moi et m'avance vers le lavabo où j'observe mon reflet dans le miroir.
- Waouh...
J'hésite une seconde avant de me rendre compte que c'est bien mon reflet que je regarde maintenant. Où est passé la Eileen sans abris ? Je me croyais de retour des mois plus tôt à ma vie d'Avant. Je me sentais enfin belle. La misère rend moche. Je sentais cette laideur en moi, mais quand un corps vient rencontrer les soins de la vie riche, tout le monde devient beau. Tant que je suis dans cet appartement luxueux, je n'ai qu'à tout oublier et faire comme si c'était normal.

Je reste quelques secondes là à m'observer de tous mes traits, comme si c'était la première fois que je me regardais dans un miroir. Puis je souris. Mon dieu, mes dents sont jaunes malgré le fait que j'essaie de me laver les dents le plus souvent possible, même sans brosse à dent. J'emprunte une brosse à dent et du dentifrice.
Je souris de nouveau après quoi. Beaucoup mieux.
Mes cheveux noirs ondulait faiblement arrivant sur ma poitrine. Je les coiffais en arrière à l'aide d'un peigne trouvé dans un tiroir. Mais mes pointes sont impossibles à démêler. Je dois les couper.
Je chercher dans tous les tiroirs des ciseaux.
Une fois en main, j'hésite une seconde avant de déclarer :
- Allez c'est partit.

La première mèche tombe dans le lavabo, puis la deuxième. J'espère ne pas boucher le lavabo mais tous ces cheveux dans la poubelle serait louche.

La dernière mèche tombe, et je vérifie si tous mes cheveux ont bien la même taille. Je me débrouille assez bien en fait. Mes cheveux arrivent maintenant au niveau de la clavicule. Le lavabo avalent tous mes cheveux sans aucune difficulté. Je retire ma serviette afin de mieux sécher mes cheveux. Puis en regardant mon corps, merde, je ressemble à un yéti.
Je fouille les tiroirs et trouve des rasoirs. Mission yéti go ! Je souris malgré moi à ma blague et commence ce long périple.

De retour dans la penderie, je cherche ma montre de collection. 16h31. Il faut me dépêcher avant que M ou Mme Garnier ne rentre.
J'enfile une robe assez moulante, pile à ma taille quoique un peu plus grande. Elle est rouge et se finit collée à mes genoux. Les deux bretelles s'entrelacent laissant un petit décolleté pour contourner délicatement mon cou, laissant le dos nu. J'enfile aussi une paire de talons - bien que je n'ai jamais su marcher avec - rouges sang dont une ficelle maintient mon pied et ma cheville.
J'ai l'impression d'être une toute autre personne habillée comme ça. Je suis vraiment belle. Je n'ai plus l'habitude à autant d'élégance. C'est comme si je regagnais de ma dignité.
Je mets fin à mon rêve en enlevant la robe et les chaussures pour fouiller à nouveau dans des vêtements plus simples.

C'est parfait comme ça.
Je porte un crop top élégant et moderne kaki, ainsi qu'un pantalon taille haute, coupe droite, blanc en une matière très douce et soyeuse, dont la ceinture fait un noeud parfait autour de ma taille. Je rajoute à ça des chaussures plates et chic noires.

Dans ma vie d'Avant, je me serais habillée comme ça pour aller à une fête. Je m'efforce au mieux de ne pas penser à l'après fête, quand je serais obligée de revivre ma misère.

Je me maquille un peu, juste du mascara et un gloss pour donner une teinte rouge vif à mes lèvres. Encore une fois, l'apparence que je renvoie est agréable à regarder. Mais ça en devient énervant. Ça me fais penser que c'est à cause de toute cette richesse que je parais aussi fausse. On dirait la moi d'Avant, cette riche prétentieuse qui ne pense qu'à l'image qu'elle renvoie aux autres. J'ai envie de frapper mon reflet. Alors je me démaquille les lèvres, laissant juste mes cils noirs. C'est mieux comme ça.

Je fourre toutes mes affaires dans mon sac, volant au passage un peu de nourriture pour les prochains jours. Je n'ai pas osé voler plus, j'ai seulement pris des aliments qui étaient au fond du placard presque périmés. Et puis oui j'ai volé des vêtements mais elle en a tellement qu'elle va sûrement oublier leur existence ou penser qu'elle les a perdus.
En regardant l'heure sur ma montre, j'hésite à la porter à mon poignet, comme Avant. Puis je l'enfile. Je me sens fière de l'avoir sur moi. Elle est magnifique. Je fais un rapide tour dans la maison. Il n'est que 17h15.
Je fais le tour de la maison, ne sachant pas trop quoi faire. Je vais dans ce qu'il semble être le bureau. Il y a une photo encadrée posée sur le bureau. Je reconnais facilement M Garnier, et à sa droite cela doit être sa femme. Elle porte la robe rouge que j'ai essayé tout à l'heure. Elle lui va mieux qu'à moi. Elle est vraiment belle aussi. Elle est blonde, avec de longs cheveux raides.
Ils ont l'air heureux.
Ce dernier mot me laisse un goût amer dans la bouche.

Je quitte le bureau et viens jusqu'à la fenêtre. Du troisième étage, tout semble petit. J'observe la rue, longtemps. Puis mon regard se pose sur M Garnier. Il vient vers l'appartement.

Quoi ? M Garnier ? Je viens de réaliser.
Je suis dans son appartement et je suis dans la merde !
Que faire ? Mon sac. Je vérifie que j'ai bien laissé l'appartement dans le même état que lorsque je suis arrivée. Tout est parfait. Je sors en catastrophe, ferme la porte à clé et la repose sous le paillasson.
Que faire ? Il ne doit pas me voir, je porte les habits de sa femme. Il n'y a pas de quatrième étage. Je ne descendrais jamais à temps.
Merde merde merde.

Une idée. Je descends au deuxième étage. Je sonne et re-sonne à l'appartement. Ouvrez moi !
J'entends M Garnier commencer à monter les escaliers. Je vérifie sous le paillasson. Pas de clé. Merde.
Je sonne une énième fois, priant que l'habitant ouvre. S'il y a un habitant. Mon dieu et si personne n'était dedans ?
J'entends les bruits de pas se rapprocher. Le stresse monte à la tête. Je suis dans la merde.

La Misère dans les VeinesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant